Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 31 août 1992 et 24 novembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société civile immobilière La Brise, dont le siège est ... ; la société civile immobilière La Brise demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 1er juillet 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, a, sur recours du ministre de l'équipement, du logement et des transports, annulé le jugement en date du 15 mars 1989 par lequel le tribunal administratif de Nantes lui a accordé décharge du versement pour dépassement du plafond légal de densité correspondant à un permis de construire qui lui a été délivré le 12 juin 1985 par le maire de La Baule-Escoublac, et remis intégralement à sa charge ledit versement ;
2°) de rejeter après évocation le recours susmentionné du ministre de l'équipement, du logement et des transports ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Chabanol, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Cossa, avocat de la société civile immobilière La Brise,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes, après avoir annulé le jugement en date du 15 mars 1989 par lequel le tribunal administratif de Nantes a prononcé la décharge du versement pour dépassement du plafond légal de densité réclamé à la société civile immobilière La Brise en raison d'un permis de construire qui lui avait été délivré le 12 juin 1985 par le maire de la Baule-Escoublac, a remis intégralement ce versement à la charge de cette société ;
Considérant que, pour déterminer le montant du versement auquel a été assujettie la société civile immobilière La Brise, l'administration a d'une part porté à 4 700 F conformément à l'avis en date du 6 juin 1985 du directeur des services fiscaux, qui avait été saisi le 25 avril précédent, la valeur du mètre carré de terrain, que la société avait évaluée à 2 000 F, d'autre part retenu une surface hors oeuvre nette de la construction envisagée de 1 167 mètres carrés, au lieu des 1 163 indiqués par la société dans sa demande de permis de construire ;
En ce qui concerne la procédure de détermination du prix au mètre carré :
Considérant qu'aux termes de l'article R.333-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, résultant du décret du 17 juillet 1984 : "La valeur du mètre carré de terrain est déclarée à l'occasion de la demande de permis de construire par l'auteur de celle-ci ... le directeur des services fiscaux est consulté par le service chargé de l'instruction de la demande de permis de construire en vue d'émettre un avis sur la déclaration de la valeur du mètre carré souscrite par l'auteur de cette demande. Cet avis doit être émis par le directeur des services fiscaux dans le délai d'un mois suivant la réception de la demande d'avis. Il constitue l'estimation administrative ... Si le directeur des services fiscaux retient une valeur différente de celle que l'intéressé a déclarée, celui-ci en est informé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, par le service chargé de l'instruction de la demande de permis de construire ..." ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant que, à supposer fondée l'exception d'illégalité invoquée à l'encontre du décret du 17 juillet 1984, cette circonstance ne ferait pas revivre les dispositions antérieures de l'article R.333-4 susmentionné, dont la requérante soutient qu'elles ont été méconnues lors de l'établissement de l'imposition qu'elle conteste ; qu'en écartant ainsi comme inopérants les moyens tirés de l'illégalité du décret du 17 juillet 1984, la cour n'a commis aucune erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, d'une part que le délai d'un mois donné au directeur des services fiscaux pour faire connaître sa position ne constitue pas une garantie pour les administrés ; qu'en jugeant qu'il n'était pas imparti à peine de nullité de la procédure, la cour n'a commis aucune erreur de droit ; que si, d'autre part, l'article R.421-15 du code de l'urbanisme dispose que : "Tous services qui n'ont pas fait connaître leur réponse motivée dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'avis sont réputés avoir émis un avis favorable", ce texte ne concerne que les avis émis sur le projet de construction, et non les interventions concourant à la fixation des bases du versement pour dépassement du plafond légal de densité, qui sont étrangères au respect des règles de construction ; qu'en écartant dès lors le moyen tiré par la société civile immobilière La Brise de ce que le directeur des services fiscaux devait être réputé avoir acquiescé à la valeur qu'elle avait indiquée dans sa demande, la cour n'a pas méconnu la portée de ces dispositions ;
Considérant, en troisième lieu, que c'est à bon droit que la cour a jugé que la circonstance que la notification de l'évaluation du prix du terrain avait été faite non par le maire de la Baule, mais par le directeur départemental de l'équipement, alors que ce dernier n'était pas en l'espèce chargé de l'instruction des demandes de permis de construire, était sans influence sur la régularité de la procédure ayant conduit à la détermination du prix du terrain ;
Considérant enfin que la procédure de détermination du prix du terrain est organisée par les dispositions du code de l'urbanisme, sous les garanties qu'elles prévoient, et échappe ainsi tant aux obligations résultant de la loi du 11 juillet 1979 ou du décret du 28 novembre 1983 qu'à celles contenues dans l'article L.55 du livre des procédures fiscales ; que c'est par suite, en tout état de cause, à bon droit que la cour a écarté, s'agissant de la fixation de ce prix, les moyens tirés de la méconnaissance de ces textes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société civile immobilière La Brise n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la cour administrative d'appel de Nantes a refusé de faire droit à sa demande en tant qu'elle portait sur la valeur du terrain à prendre en compte ;
En ce qui concerne la fixation de la surface hors oeuvre nette de la construction :
Considérant que la surface hors oeuvre nette de la construction projetée, figurant pour 1 163 mètres carrés dans la demande de permis de construire, a été retenue pour 1 167 mètres carrés dans la décision fixant le montant du versement contesté ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.55 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à l'espèce : "Sous réserve des dispositions de l'article L.56, lorsque l'administration des impôts constate une insuffisance, une inexactitude, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant de base au calcul des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dus en vertu du code général des impôts, les redressements correspondants sont effectués suivant la procédure contradictoire définie aux articles L.57 à L.61 A" ; que ces dispositions, portant codification de l'article 1649 quinquies A ancien du code général des impôts, doivent, compte-tenu de la rédaction de ce dernier, se lire comme se référant aux "impôts, droits, taxes, redevances ou sommes quelconques dues en vertu du code général des impôts", et sont ainsi susceptibles de s'appliquer à la détermination du versement pour dépassement du plafond légal de densité, même s'il n'est pas dû en vertu du code général des impôts, ce versement ne pouvant, eu égard à l'objet auquel il s'applique, être regardé comme une imposition directe perçue au profit des collectivités locales échappant, en application de l'article L.56 du livre des procédures fiscales, aux règles définies à l'article L.55 du même livre ;
Considérant que, s'il appartient à l'administration d'arrêter les éléments d'assiette dudit versement, cette compétence s'exerce à partir des éléments contenus à cette fin dans la demande de permis de construire, ainsi qu'en dispose l'article R.421-4 du code de l'urbanisme ; que la demande de permis doit être regardée, s'agissant de ces éléments, comme une déclaration du contribuable, que le service chargé d'établir l'assiette du versement ne peut écarter qu'en effectuant un redressement au sens des dispositions précitées de l'article L.55 ; qu'en jugeant que ces dernières n'étaient pas applicables à la rectification de la surface opérée par ce service, la cour a donc commis une erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit dès lors être annulé en ce qu'il a fait intégralement droit aux conclusions du recours du ministre de l'équipement, du logement et des transports et annulé le jugement attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire en ce qui concerne la demande de la société civile immobilière La Brise concernant la rectification de la surface hors oeuvre nette de son projet de construction ;
Considérant qu'il ressort du dossier que le redressement susmentionné n'a pas été effectué suivant la procédure contradictoire définie aux articles L.57 à L.61 A du livre des procédures fiscales et se trouve ainsi entaché d'une irrégularité ; que celle-ci ne vicie toutefois pas l'imposition dans son entier, mais seulement la part de cette imposition correspondant à la rectification de la déclaration de la société relative à la surface en cause ; que cette dernière est donc seulement fondée à demander que le montant du versement qui lui est réclamé soit réduit de la somme correspondant à la prise en compte de 1 167 mètres carrés de surface hors oeuvre nette, au lieu de 1 163 mètres carrés ; que, par suite, le ministre de l'équipement, du logement et des transports n'est pas fondé à demander sur ce point l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : L'arrêt, en date du 1er juillet 1992, de la cour administrative d'appel de Nantes, est annulé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 2 : Le versement pour dépassement du plafond légal de densité mis en recouvrement le 5 septembre 1985 est remis à la charge de la société civile immobilière La Brise à concurrence du montant résultant d'une surface hors oeuvre nette de 1 163 mètres carrés.
Article 3 : Le jugement en date du 15 mars 1989 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'équipement, du logement et des transports, de la demande présentée au tribunal administratif de Nantes par la société civile immobilière La Brise, et de la requête de cette société, est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière La Brise et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.