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21/12/1994 | FRANCE | N°77711

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 21 décembre 1994, 77711


Vu la requête, et les observations complémentaires enregistrées le 16 avril 1986, le 12 février 1988 et le 10 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentées par M. et Mme X..., demeurant ... à le Canon-Lège (33131) ; M. et Mme X... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles ils ont été assujettis respectivement au titre des années 1974

à 1978 et de l'année 1975 ;
2°) leur accorde la décharge des imposi...

Vu la requête, et les observations complémentaires enregistrées le 16 avril 1986, le 12 février 1988 et le 10 juin 1988 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentées par M. et Mme X..., demeurant ... à le Canon-Lège (33131) ; M. et Mme X... demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 6 février 1986 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et à la majoration exceptionnelle auxquelles ils ont été assujettis respectivement au titre des années 1974 à 1978 et de l'année 1975 ;
2°) leur accorde la décharge des impositions et pénalités contestées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort de l'examen de ce jugement que le tribunal administratif n'a pas répondu à tous les moyens tirés par M. X... des irrégularités qui auraient affecté la procédure d'établissement des impositions qu'il conteste ; que le jugement se trouve ainsi entaché d'un vice de forme de nature à entraîner son annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évoquer la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif et d'y statuer immédiatement ;
Sur la recevabilité de la demande :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue du décret du 26 septembre 1985, en vigueur en l'espèce : "Toute réclamation doit, à peine d'irrecevabilité ..... c - porter la signature manuscrite de son auteur" ; qu'en vertu de l'article R. 200-2 du même livre, dans la même rédaction, le défaut de signature de la réclamation peut être utilement couvert dans la demande adressée au tribunal administratif lorsque l'administration a omis d'en demander la régularisation ; qu'il résulte de l'instruction que l'administration, qui soutient que la réclamation de M. X... n'était pas signée, n'a pas demandé la régularisation de ce vice de forme ; que dès lors, celuici a pu être utilement couvert dans la demande adressée par M. X... au tribunal administratif de Bordeaux ; que la fin de non-recevoir opposée à cette demande doit donc être écartée ; que les conclusions de M. X... qui se rapportent à l'année 1974 sont, toutefois, irrecevables, pour défaut d'objet, les impositions supplémentaires établies à son nom au titre de ladite année ayant été dégrevées d'office par une décision du 19 septembre 1983, antérieure à la saisine du tribunal administratif ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que les déclarations de résultats de l'entreprise de station-service appartenant à Mme X... ont été souscrites par la société de fait "Gonzalez-Prévot" pour les exercices compris entre le 17 avril 1975 et le 31 mars 1977 et par la société de fait "Gonzalez-Dubourg" pour l'exercice compris entre le 1er avril 1977 et le 21 mai 1978 ; que M. X... ne peut utilement invoquer après coup l'inexistence de ces sociétés de fait pour soutenir que les vérifications de comptabilité dont elles ont fait l'objet, à la suite de l'envoi à chacune d'elles d'un avis libellé à son nom, ont été irrégulières ;
Considérant, en deuxième lieu, que le fait que les avis de vérification adressés aux deux sociétés de fait indiquaient l'un et l'autre que le contrôle annoncé porterait sur les années 1974 à 1978 n'a pas été de nature à vicier la procédure d'imposition, dès lors que, conformément aux prescriptions, alors en vigueur, de l'article 1649 septiès du code général des impôts, les exercices vérifiés de chacune des sociétés ont été ouverts et clos au cours des années mentionnées dans les avis ;

Considérant, en troisième lieu, que c'est au cours des vérifications de comptabilité des deux sociétés de fait, qui ont eu lieu du 27 juillet au 18 décembre 1978, que le service a constaté que, du 1er juin au 20 septembre 1977, puis du 24 février au21 mai 1978, soit au cours de deux périodes couvertes par les déclarations de la société de fait "Gonzalez-Dubourg", Mme X... avait, en réalité, été la seule exploitante du fonds de commerce ; qu'en raison du caractère occulte de cette situation et de sa révélation tardive, l'administration ne peut se voir reprocher de n'avoir adressé à Mme X... un avis de vérification de sa comptabilité personnelle que le 2 novembre 1978 ;
Considérant, en quatrième lieu, que, par lettre du 3 novembre 1978 à M. et Mme X..., le vérificateur leur a indiqué qu'à défaut de justification d'une autre origine, l'excédant de disponibilités ressortant d'une balance de trésorerie qu'il avait établie, serait regardé comme des bénéfices commerciaux imposables et rapporté, selon les périodes de temps concernées, soit aux résultats de la société de fait "Gonzalez-Prévot" ou de la société de fait "Gonzalez-Dubourg", soit aux résultats de l'entreprise directement exploitée par Mme X... ; que les redressements ainsi envisagés ont été repris dans les trois notifications de redressements, indiquant qu'elles faisaient suite aux vérifications de leurs comptabilités, qui ont adressées à Mme X... le 18 décembre 1978 et à chacune des deux sociétés de fait, le 22 décembre 1978 ; que M. X... n'est pas fondé à prétendre que la procédure au terme de laquelle l'excédent de la balance de trésorerie en espèces cidessus mentionnée a été imposé, aurait été irrégulière, dès lors que, même si l'existence de ces excédents a été révélée par la vérification approfondie de situation fiscale de l'intéressé, le vérificateur, estimant qu'ils avaient le caractère de recettes professionnelles, les a compris dans les redressements de bénéfices industriels et commerciaux découlant des vérifications de comptabilité auxquelles il avait procédé ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité de la station-service comportait de nombreuses irrégularités telles que la globalisation et l'absence de pièces justificatives des recettes journalières, le défaut de comptabilisation précise des prélèvements des exploitants, la présence de soldes créditeurs de caisse ; que ces irrégularités étaient d'une gravité suffisant à justifier le recours à la procédure de rectification d'office ; qu'il s'ensuit que M. X... a la charge de prouver l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration ;
Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des déclarations de résultats souscrites par les sociétés de fait "Gonzalez-Prévot" et "Gonzalez-Dubourg", que le chiffre d'affaires réalisé par l'entreprise pendant les périodes au cours desquelles celle-ci a été, en réalité, exploitée directement par Mme X... excédait le montant, calculé au prorata de la durée de ces périodes, que fixe l'article 302 ter du code général des impôts ; qu'ainsi, l'administration n'a commis aucune irrégularité en refusant à Mme X... le bénéfice du régime du forfait ;

Considérant, enfin, que compte tenu de son objet, qui est de contrôler la cohérence entre les revenus déclarés par un contribuable et sa situation patrimoniale, sa situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres de son foyer fiscal, une vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble ne peut être régulièrement engagée au titre d'une année pour laquelle le délai de déclaration des revenus n'est pas encore expiré ; que la notification de redressements qui a été adressée à M. et Mme X... le 22 décembre 1978 et qui indiquait qu'elle faisait suite à la vérification approfondie de leur situation fiscale d'ensemble, a porté sur des éléments du revenu global des intéressés au titre de l'année 1978, alors que le délai de déclaration des revenus de ladite année n'était pas expiré ; que les redressements ainsi notifiés ont été irrégulièrement opérés et ne peuvent donc être maintenus ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'inclure dans les impositions à décharger celles qui frappent les bénéfices commerciaux de Mme X..., reportés sur la notification deredressement de revenu global du 22 décembre 1978, dès lors, d'une part, qu'ils résultent d'une exploitation ayant cessé le 21 mai 1978 et qu'ils auraient, par suite, dû faire l'objet d'une imposition immédiate par application des dispositions de l'article 201 du code général des impôts, d'autre part, que le moyen tiré de ce que la vérification approfondie de situation fiscale d'ensemble serait irrégulière du fait qu'elle aurait pour origine des vérifications de comptabilités elles-mêmes irrégulières, doit, en tout état de cause, être écarté puisque, comme il a été dit, ces dernières vérifications ne sont pas entachées d'irrégularités ;
Sur le bien fondé des impositions :
Considérant qu'en raison de la nature des irrégularités relevées dans la comptabilité de la station-service, le vérificateur a pu à bon droit estimer qu'il y avait confusion du patrimoine de l'entreprise et de celui de M. et Mme X... et en déduire que l'excédent de disponibilités ressortant de la balance de trésorerie en espèces qu'il avait établie avait pour origine des recettes professionnelles occultes et les rattacher aux bénéfices industriels et commerciaux de l'entreprise ; que M. X... n'apporte aucun élément à l'appui de sa contestation de ce rattachement ; qu'il ne démontre pas davantage que le vérificateur aurait à tort retenu, pour la détermination des résultats imposables des sociétés de fait, un partage différent de celui qui ressortait de leurs déclarations ; que Mme X... avait d'ailleurs donné son accord à ce nouveau partage, le 7 décembre 1978 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'imposition d'une somme de 143 255 F au titre des résultats de la société de fait "Gonzalez-Prévot" résulte d'une erreur matérielle ; qu'après correction de celle-ci par l'administration sur réclamation de Mme X..., la somme en question correspond à la part revenant à cette dernière dans les résultats de la société de fait "Gonzalez-Dubourg" au titre de l'exercice clos en 1978 ;
Sur les pénalités :

Considérant qu'aux termes des dispositions, applicables aux impositions établies au titre des années 1975- 1976 et 1977, de l'article 1729 du code général des impôts : " ...Lorsque l'absence de bonne foi du contribuable est établie, les droits correspondant aux infractions définies à l'article 1728 sont majorés de 30 % si le montant des droits n'excède pas la moitié des droits réellement dûs, 50 % si le montant des droits est supérieur à la moitié des droits réellement dûs ..." ; que les mêmes majorations sont applicables aux impositions établies au titre de l'année 1978 lorsque la mauvaise foi du contribuable est établie ;
Considérant que l'absence de bonne foi, en ce qui concerne les années 1975 à 1977, et la mauvaise foi, en ce qui concerne l'année 1978, de Mme X..., agissant personnellement ou comme principale associée des sociétés de fait "Gonzalez-Prévot" et "Gonzalez-Dubourg", sont établies par l'administration, qui fait à juste titre ressortir le caractère systématique et répété des pratiques par lesquelles l'intéressée a tenté de minorer le montant de ses bénéfices commerciaux imposables ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, quant à la motivation des majorations appliquées, est inopérant, ces dispositions n'étant pas en vigueur à la date de mise en recouvrement desdites pénalités ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 février 1986 est annulé.
Article 2 : M. X... est déchargé de la fraction de l'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre de l'année 1978, qui correspond au montant des redressements , ne portant pas sur les bénéfices industriels et commerciaux perçus par Mme X..., qui lui ont été notifiés le 22 décembre 1978.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande de première instance de M. X... et le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme X... devant le Conseil d'Etat sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme X... et au ministre du budget.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 77711
Date de la décision : 21/12/1994
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-01-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REGLES GENERALES PROPRES AUX DIVERS IMPOTS - IMPOT SUR LE REVENU.


Références :

CGI 1649 septies, 302 ter, 201, 1729
CGI Livre des procédures fiscales R197-3, R200-2
Décret 85-1049 du 26 septembre 1985
Loi 79-587 du 11 juillet 1979


Publications
Proposition de citation : CE, 21 déc. 1994, n° 77711
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Dulong
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:77711.19941221
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