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23/12/1994 | FRANCE | N°97449

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 23 décembre 1994, 97449


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 28 avril 1988, présentée par les communes de Clairvaux-d'Aveyron, de Balzac et de Druelle, sises toutes trois dans le département de l'Aveyron, représentées par leur maire en exercice, chacun dûment habilité par une délibération du conseil municipal en date, respectivement, du 11 mars 1988, du 29 mars 1988 et du 21 mars 1988 ; les communes de Clairvaux-d'Aveyron, de Balzac et de Druelle demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 janvier 1988 par lequel le tribunal administratif de

Toulouse a, sur déféré du préfet, commissaire de la République ...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 28 avril 1988, présentée par les communes de Clairvaux-d'Aveyron, de Balzac et de Druelle, sises toutes trois dans le département de l'Aveyron, représentées par leur maire en exercice, chacun dûment habilité par une délibération du conseil municipal en date, respectivement, du 11 mars 1988, du 29 mars 1988 et du 21 mars 1988 ; les communes de Clairvaux-d'Aveyron, de Balzac et de Druelle demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 27 janvier 1988 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a, sur déféré du préfet, commissaire de la République de l'Aveyron, annulé les délibérations des 2, 9 et 10 juin 1986 aux termes desquelles leurs conseils municipaux respectifs ont décidé la participation desdites communes à une société d'économie mixte dénommée "Enrobés et liants aveyronnais" ;
2°) de rejeter le déféré du préfet de l'Aveyron tendant à l'annulation des délibérations précitées ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée notamment par les lois n° 82-623 du 22 juillet 1982, n° 83-8 du 7 janvier 1983 et n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Silicani, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du déféré du préfet et la régularité de la procédure de première instance :
Considérant que les conclusions d'une requête unique tendant à ce que soient annulées plusieurs décisions sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant ;
Considérant que, pour faire échec à cette règle, les communes requérantes ne sauraient utilement invoquer les dispositions de l'article 1er du décret du 28 novembre 1983 qui permettent à tout intéressé de se prévaloir, à l'encontre de l'administration, des circulaires publiées lorsqu'elles ne sont pas contraires aux lois et règlements et, par voie de conséquence, des prescriptions de l'article 3-2-2 de la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 22 juillet 1982 relative au contrôle de la légalité des actes administratifs des collectivités locales, ladite circulaire n'ayant pu, en tout état de cause, édicter légalement des conditions nouvelles de recevabilité des pourvois devant le juge administratif ;
Considérant que, par un déféré enregistré au tribunal administratif de Toulouse, sous le n° 83-596, le préfet, commissaire de la République du département de l'Aveyron, a demandé au tribunal administratif de Toulouse l'annulation de trois délibérations des conseils municipaux des communes de Clairvaux-d'Aveyron, Balzac et Druelle décidant, en des termes identiques, de participer au capital d'une société d'économie mixte locale dénommée "Enrobés et liants aveyronnais" qui avait pour objet la production, la fabrication et la mise en oeuvre de produits pour le revêtement des routes ; que les conclusions ainsi présentées avaient, entre elles, un lien suffisant ; que par suite le déféré était recevable ; que, dès lors, il est inutile de se prononcer sur la recevabilité des trois déférés dont le préfet a, ensuite, saisi le tribunal administratif à titre de régularisation et par lesquels le préfet a demandé, par les mêmes moyens, l'annulation de chacune de ces délibérations ; que la circonstance que le déféré concernant la commune de Clairvaux-d'Aveyron n'ait pas été enregistré sous un numéro distinct mais ait été versé au dossier n° 83-596 qui, s'agissant de cette commune, avait le même objet, est sans incidence sur la régularité de la procédure ;

Sur la légalité des délibérations attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d'économie mixte locales, à laquelle renvoie l'article L.381-1 du code des communes : "Les communes, les départements, les régions et leurs groupements peuvent, dans le cadre des compétences qui leur sont reconnues par la loi, créer des sociétés d'économie mixte locales qui les associent à une ou plusieurs personnes privées, et éventuellement à d'autres personnes publiques, pour réaliser des opérations d'aménagement, de construction, pour exploiter des services publics à caractère industriel ou commercial ou pour toute autre activité d'intérêt général" ; qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 2 mars 1982, les communes peuvent, sous réserve du respect du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, intervenir en matière économique et sociale, notamment : "Lorsque l'intervention a pour but d'assurer le maintien des services nécessaires à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural et que l'initiative privée est défaillante ou absente" ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'à l'exception des objets limitativement énumérés à l'article 1er précité de la loi du 7 juillet 1983, les sociétés d'économie mixte locales créées sur l'initiative des communes peuvent se livrer à toute activité d'intérêt général, mais dans des conditions prévues à l'article 5 précité de la loi du 2 mars 1982 ;
Considérant que la société d'économie mixte locale dénommée "Enrobés et liants aveyronnais", dans le capital de laquelle les délibérations attaquées des conseils municipaux de Clairvaux-d'Aveyron, de Balsac et de Druelle, ont décidé de prendre une participation, a pour objet "la production, la fabrication et la mise en oeuvre de produits et de matériaux pour la construction et l'entretien des routes et chantiers divers pour toute clientèle publique ou privée" ; que cet objet ne saurait s'analyser, pour l'application de l'article 1er de la loi du 7 juillet 1983 dont la circulaire du 16 juillet 1985 du ministre de l'intérieur et de la décentralisation ne peut que se borner à commenter les dispositions, ni comme la réalisation d'une opération d'aménagement ou de construction, ni comme l'exploitation d'un service public à caractère industriel ou commercial ;
Considérant qu'en supposant même que l'objet de la société susmentionnée puisse être regardé comme une activité d'intérêt général, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce, sa création était rendue nécessaire par une absence ou une défaillance de l'initiative privée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les communes de Clairvaux-d'Aveyron, de Balzac et de Druelle ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 27 janvier 1988, le tribunal administratif de Toulouse a, sur déféré du préfet de l'Aveyron, annulé les délibérations des conseils municipaux desdites communes visant à la création de la société "Enrobés et liants aveyronnais" ;
Article 1er : La requête des communes de Clairvaux-d'Aveyron, de Balsac et de Druelle est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux communes de Clairvaux-d'Aveyron, de Balsac et de Druelle, au préfet de l'Aveyron et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 97449
Date de la décision : 23/12/1994
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

COMMERCE - INDUSTRIE - INTERVENTION ECONOMIQUE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - INTERVENTION DES COLLECTIVITES LOCALES EN MATIERE ECONOMIQUE - Sociétés d'économie mixte locales (loi n° 83-597 du 7 juillet 1983) - Création - Conditions.

14-08, 16-045 Commune ayant décidé de prendre une participation dans une société ayant pour objet "la production, la fabrication et la mise en oeuvre de produits et de matériaux pour la construction et l'entretien des routes et chantiers divers pour toute clientèle publique ou privée". L'objet de cette société ne saurait s'analyser ni comme la réalisation d'une opération d'aménagement ou de construction, ni comme l'exploitation d'un service public à caractère industriel ou commercial. En supposant même que l'objet de la société puisse être regardé comme une activité d'intérêt général, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en l'espèce sa création aurait été rendue nécessaire par une absence ou une défaillance de l'initiative privée. Illégalité des délibérations visant à la création de cette société d'économie mixte locale.

COMMUNE - INTERVENTION EN MATIERE ECONOMIQUE ET SOCIALE - Sociétés d'économie mixte locale - Création (article 1er de la loi n° 83-597 du 7 juillet 1983) - Conditions.


Références :

Circulaire du 22 juillet 1982 intérieur et décentralisation
Circulaire du 16 juillet 1985 intérieur et décentralisation
Code des communes L381-1
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 1
Loi 82-213 du 02 mars 1982 art. 5
Loi 83-597 du 07 juillet 1983 art. 1


Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 1994, n° 97449
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Silicani
Rapporteur public ?: M. Frydman

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1994:97449.19941223
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