Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 septembre 1989 et le 11 janvier 1990 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat présentés pour Mme Chantal X..., demeurant ... (59650) ; Mme X... demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement du 11 juillet 1989 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 15 janvier 1987 par laquelle le maire de la ville de Lille a rejeté sa demande d'intégration dans l'emploi d'adjoint d'enseignement musical ;
2° d'annuler la décision du maire de la ville de Lille en date du 15 janvier 1987 ;
3° de condamner ville de Lille à lui verser la somme de 8 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée par la loi n° 85-30 du9 janvier 1985 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 86-227 du 18 février 1986 ;
Vu l'arrêté du 3 août 1978 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Jactel, Auditeur,
- les observations de SCP Delaporte, avocat de Mme Chantal X... et de Me Vincent, avocat de la ville de Lille,
- les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant d'une part, qu'aux termes de l'article 127 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : "Les agents non titulaires qui occupent, à temps partiel, un emploi présentant les caractéristiques définies à l'article 3 du titre Ier du statut général ont vocation à être titularisés s'ils remplissent les conditions prévues à l'article 126, sous réserve que les deux années de service exigées aient été accomplies au cours des quatre années civiles précédant la date de dépôt de leur candidature" ; que les articles 2 à 4 du décret du 18 février 1986 relatif à la titularisation des agents des collectivités territoriales des catégories A et B, pris pour l'application de ces dispositions subordonnent, selon leur ancienneté, la titularisation de ces agents, soit à leur inscription sur une liste d'aptitude soit à un examen professionnel ; que la procédure ainsi définie se substitue à celles qui résulteraient des dispositions particulières des statuts du corps ou emplois en vigueur à la date de publication dudit décret ;
Considérant que Mme X..., exerçant les fonctions d'adjointe d'enseignement musical à temps partiel au conservatoire national de région de Lille, a sollicité sa titularisation dans le cadre d'emploi des adjoints d'enseignement musical ; que pour rejeter cette demande le maire s'est fondé, par sa décision du 15 janvier 1987 sur ce que les dispositions de l'article 7 de l'arrêté du 3 août 1978 fixaient les conditions de recrutement des adjoints d'enseignement musical et lui permettaient de subordonner cette titularisation à une inspection pédagogique préalable ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce motif est entaché d'une erreur de droit ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 18 février 1986, "les agents non titulaires des communes qui occupent un des emplois définis à l'article 3 de la loi n° 84-634 du 13 juillet 1983 et qui remplissent les conditions énumérées respectivement aux articles 126 et 127 de la loi n° 83-53 du 26 janvier 1984, ont vocation à être titularisés sur leur demande dans des corps ou dans des emplois classés en catégorie A ou B déterminés en application de l'article 129 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, dans les conditions fixées au tableau de correspondance annexé au présent décret. Ces agents peuvent être titularisés dans des emplois existants, relevant des statuts actuellement en vigueur en vertu de l'article 114 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, sans attendre la création des corps de la fonction publique territoriale" ; qu'en vertu des dispositions de l'article 114 de la loi du 26 janvier 1984, "Les dispositions réglementaires portant statut des corps ou emplois en vigueur à la date de la publication de la présente loi demeure applicables jusqu'à intervention des statuts particuliers pris en application de la présente loi" ;
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de la loi du 26 janvier 1984 et du décret du 18 février 1986 précitées, que les agents relevant de statuts particuliers existants avant la date de la publication de la loi du 26 janvier 1984 et avant l'intervention des statuts particuliers pris en application de ladite loi, peuvent être titularisés dans des emplois existants, sans attendre la création des corps de la fonction publique territoriale tels qu'ils sont définis au tableau de correspondance annexé au décret du 18 février 1986 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les conditions de recrutement des adjoints d'enseignement musical étaient définies, à la date de la décision attaquée, par un arrêté en date du 3 août 1978 qui n'a été abrogé que le 2 septembre 1991, soit postérieurement à la date de la décision attaquée, par deux décrets portant statut particulier du cadre d'emploi des assistants territoriaux spécialisés d'enseignement artistique et des assistants territoriaux d'enseignement artistique pris en application de la loi du 26 janvier 1984 ; qu'ainsi le maire de la ville de Lille ne pouvait légalement fonder sa décision de refus de titularisation de Mme X... sur la circonstance que l'emploi d'adjoint d'enseignement musical, dans lequel elle aspirait à être intégrée, ne figurait pas au tableau annexé au décret du 18 février 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la ville de Lille à payer Mme X... la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille en date du 11 juillet 1989, ensemble la décision du maire de Lille en date du 15 janvier 1987, sont annulés.
Article 2 : La ville de Lille est condamnée à verser à Mme X... la somme de 8 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Chantal X..., à la ville de Lille et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.