La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/01/1995 | FRANCE | N°131080

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 06 janvier 1995, 131080


Vu 1°), sous le n°131080, la requête enregistrée le 5 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN représenté par le président en exercice de son Conseil Général ;
Vu 2°), sous le n°131408, la requête enregistrée le 8 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DE LA CORREZE représenté par le président en exercice de son Conseil Général ; les DEPARTEMENTS DE LA CORREZE et du BAS- RHIN demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret n°

91-875 du 6 septembre 1991 pris pour application du premier alinéa de l'arti...

Vu 1°), sous le n°131080, la requête enregistrée le 5 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DU BAS-RHIN représenté par le président en exercice de son Conseil Général ;
Vu 2°), sous le n°131408, la requête enregistrée le 8 novembre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le DEPARTEMENT DE LA CORREZE représenté par le président en exercice de son Conseil Général ; les DEPARTEMENTS DE LA CORREZE et du BAS- RHIN demandent que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
ils soutiennent que le décret attaqué est entaché d'un vice de procédure, le conseil supérieur de la fonction publique territoriale n'ayant pas été consulté sur le projet de décret définitif, le décret attaqué étant substantiellement différent du projet soumis audit conseil ; que le décret attaqué a été pris en violation des articles 34 et 72 de la Constitution et de l'article 88 modifié de la loi du 26 janvier 1984 en ceci qu'il prive les collectivités locales de la liberté de fixer le régime indemnitaire des fonctionnaires territoriaux que ces dispositions législatives lui reconnaissaient ; qu'il viole encore l'article 88 modifié de la loi du 26 janvier 1984 en introduisant la notion de fonctions équivalentes ; que le texte fait une application erronée du principe d'équivalence qu'il proclame en réduisant à deux types de fonctions et à deux régimes de référence la diversité des fonctions exercées ; que l'article 7 méconnaît les articles 34 et 72 de la Constitution, l'article 87 de l'alinéa 3 de la loi du 26 janvier 1984 dont l'effet est demaintenir en vigueur les régimes indemnitaires anciens jusqu'à l'adoption de nouveaux régimes et le deuxième alinéa de l'article 87 et l'article 111 de la même loi qui protègent les avantages acquis ;
Vu le décret attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, et notamment ses articles 34 et 72 ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, et notamment son article 88, premier alinéa, modifié par la loi du 28 novembre 1990 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 84-346 du 10 mai 1984 relatif au conseil supérieur de la fonction publique territoriale ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Auditeur,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Sur le moyen tiré de ce que le Premier ministre n'aurait pas eu compétence pour prendre le décret attaqué :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa rédaction issue de la loi du 28 novembre 1990 : "L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe ... les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat" et qu'aux termes de l'article 140 de ladite loi : "Un décret en Conseil d'Etat détermine, en tant que de besoin, les conditions d'application de la présente loi" ;
Considérant que les dispositions ainsi modifiées de l'article 88 de la loi du 26janvier 1984 n'étaient pas suffisamment précises pour que leur application fût possible sans l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat déterminant notamment les conditions dans lesquelles devait être mise en oeuvre la règle suivant laquelle les régimes indemnitaires sont fixés "dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat" ; que le Premier ministre était compétent pour déterminer par décret, conformément à l'article 140 précité, les modalités d'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article 9 de la loi du 26 janvier 1984, le conseil supérieur de la fonction publique territoriale "est consulté ... pour les projets de décrets réglementaires relatifs à la situation des fonctionnaires territoriaux ..." ; qu'aux termes de l'article 23 du décret du 10 mai 1984 relatif à ce conseil : "L'assemblée plénière et les formations spécialisées émettent des avis ou des propositions à la majorité des suffrages exprimés" et qu'aux termes de l'article 24 du même décret : "Les délibérations de l'assemblée plénière et des différentes formations du conseil supérieur ... ne sont valables que si les deux-tiers des membres sont présents ou représentés lors de l'ouverture de la réunion" ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les deux projets de décrets pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée, projets qui ont été réunis pour former le décret du 6 septembre 1991, ont été soumis à l'assemblée plénière du conseil réunie le 27 juin 1991 ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que le quorum des deux-tiers était respecté lors de cette séance, d'autre part, que l'avis sur les deux projets de décrets a été formulé à la majorité des suffrages exprimés ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que l'avis émis le 27 juin 1991 par le conseil supérieur de la fonction publique territoriale aurait été émis dans les conditions irrégulières doit être écarté ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
En ce qui concerne la légalité de l'article 1er, de l'article 6 et des annexes du décret attaqué :
Considérant que l'habilitation qu'avait reçue le Gouvernement pour définir les modalités d'application des dispositions ... de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 modifiées par la loi du 28 novembre 1990 comportait nécessairement la définition des conditions de mise en oeuvre de la règle suivant laquelle les régimes indemnitaires sont fixés "dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat" ; qu'en édictant à l'article 1er du décret attaqué la règle suivant laquelle : "Le régime indemnitaire fixé ... pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes", le Gouvernement n'a donc pas excédé les limites de l'habilitation législative qu'il avait reçue ; qu'ainsi les requérants ne sauraient utilement se prévaloir à l'encontre desdites dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution qui réservent au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales ;
Considérant que si le décret attaqué s'est borné dans ses annexes à établir des équivalences pour les cadres d'emplois relevant des domaines de l'administration générale et des fonctions techniques, il ne fait pas obstacle à l'intervention ultérieure de décrets définissant ces équivalences pour les autres cadres d'emplois ; qu'ainsi le Gouvernement, qui n'était pas tenu de fixer par le même décret les équivalences pour l'ensemble des emplois de la fonction publique territoriale, n'a ni méconnu la spécificité de cette fonction publique en n'y distinguant que deuxdomaines d'activité, ni instauré entre les fonctionnaires exerçant leurs fonctions dans ces deux domaines et les autres fonctionnaires territoriaux une discrimination contraire au principe d'égalité ;
En ce qui concerne la légalité de l'article 7 du décret attaqué :

Considérant que l'article 7 du décret attaqué dispose que : "Les primes ou indemnités créées au profit des fonctionnaires territoriaux en vigueur à la date de publication du présent décret demeurent applicables pendant un délai de six mois à compter de cette date" ; que ces dispositions ont pour effet de maintenir en vigueur jusqu'au 7 mars 1992 et d'abroger à cette date les actes réglementaires de l'Etat par lesquels des primes et indemnités avaient été instituées en faveur des fonctionnaires territoriaux en vertu des dispositions législatives antérieures à celles du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa rédaction issue de la loi du 28 novembre 1990 ; qu'en revanche, lesdites dispositions n'ont pas eu pour objet et n'auraient pu légalement avoir pour effet d'abroger ou de valider des délibérations adoptées par des collectivités locales ou des établissements publics locaux ;
Considérant que les dispositions de l'article 7 précité ne font obstacle ni à l'application du troisième alinéa de l'article 87 de la loi du 26 janvier 1984 qui subordonne à l'entrée en vigueur des nouveaux régimes indemnitaires l'application de la régle fixée au deuxième alinéa du même article et selon laquelle les fonctionnaires territoriaux ne peuvent percevoir aucune rémunération autre que celles qui sont fixées en application de l'article 20 du titre premier du statut général, ni à l'application de l'article 111 de la même loi en application duquel les fonctionnaires territoriaux conservent certains des avantages qu'ils ont acquis en matière de rémunération et de retraite ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 6 septembre 1991 ;
Article 1er : Les requêtes des DEPARTEMENTS DU BAS-RHIN et de la CORREZE sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée aux DEPARTEMENTS DU BAS-RHIN et de la CORREZE et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-07-01-03 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (LOI DU 26 JANVIER 1984)


Références :

Décret 84-346 du 10 mai 1984 art. 23, art. 24
Décret 91-875 du 06 septembre 1991 décision attaquée confirmation
Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 88, art. 9, art. 87, art. 111
Loi 90-1128 du 28 novembre 1990 art. 140, art. 88, art. 1, art. 6, art. 7


Publications
Proposition de citation: CE, 06 jan. 1995, n° 131080
Inédit au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Gervasoni
Rapporteur public ?: M. Savoie

Origine de la décision
Formation : 3 ss
Date de la décision : 06/01/1995
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 131080
Numéro NOR : CETATEXT000007849003 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1995-01-06;131080 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award