Vu la requête enregistrée le 20 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean X..., demeurant ... ; M. Jean X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 18 juin 1992 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 24 janvier 1991 de l'inspecteur du travail du Doubs et du 23 juillet 1991 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle autorisant la société Rowenta à le licencier ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Plagnol, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 436-1 du code du travail : "le licenciement d'un représentant syndical ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ..." ; qu'un tel licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées et l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant, au ministre, de rechercher sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou dans le groupe auquel elle appartient ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de licenciement de M. X..., chef comptable à la société Rowenta France et représentant syndical au comité d'entreprise, était justifiée par la restructuration des services comptables de la société et par le refus par l'intéressé de la proposition de reclassement qui lui avait été faite dans les autres établissements de celle-ci ; que pour confirmer, par sa décision en date du 23 juillet 1991, la décision de l'inspecteur du travail du Doubs en date du 24 janvier 1991 autorisant ce licenciement, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle s'est fondé sur ce que la société avait satisfait à son obligation de rechercher des possibilités de reclassement ;
Considérant qu'en se bornant à formuler une seule proposition, qui comportait une modification substantielle du contrat de travail de M. X..., avec une réduction de salaire de l'ordre de 40 %, et alors qu'elle n'établit pas qu'elle aurait été dans l'impossibilité d'assurer le reclassement de ce dernier, eu égard à sa qualification, notamment dans les autres sociétés du groupe auquel elle appartient, la société Rowenta France ne peut être regardée comme ayant fait les efforts nécessaires de reclassement lui incombant ; que dès lors l'administration était tenue, pour ce seul motif, de refuser l'autorisation sollicitée ; qu'ainsi, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions susanalysées ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 18 juin 1992 et les décisions de l'inspecteur du travail du Doubs en date du 24 janvier 1991 et du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en date du 23 juillet 1991 sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean X..., à la société Rowenta et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.