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11/01/1995 | FRANCE | N°103114

France | France, Conseil d'État, 10 ss, 11 janvier 1995, 103114


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 novembre 1988 et 8 mars 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 13 juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande dirigée contre la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Seine-Maritime en date du 20 juin 1984, autorisant la société "ateliers et chantiers de la Manche" à le licencier pour motif économique ;
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°) annule cette décision du directeur départemental du travail et de ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 14 novembre 1988 et 8 mars 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 13 juillet 1988 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande dirigée contre la décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Seine-Maritime en date du 20 juin 1984, autorisant la société "ateliers et chantiers de la Manche" à le licencier pour motif économique ;
2°) annule cette décision du directeur départemental du travail et de l'emploi de la Seine-Maritime ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Simon-Michel, Auditeur,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. Pierre X...,
- les conclusions de Mme Denis-Linton, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.321-7 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision litigieuse : "Tout licenciement, individuel ou collectif, fondé sur un motif économique d'ordre conjoncturel ou structurel, est subordonné à une autorisation de l'autorité administrative" ; qu'il résulte des dispositions de l'article R.321-8 du code du travail que tout employeur auquel sont applicables les dispositions précitées de l'article L.321-7 doit adresser au directeur départemental du travail et de la main d'oeuvre une demande d'autorisation de licenciement ; qu'en vertu de l'article L.321-5 : "Dans les entreprises ou établissements ( ...) où sont occupés habituellement au moins cinquante salariés, un délai doit obligatoirement s'écouler entre la consultation des représentants du personnel prévue audit article et la demande d'autorisation de licenciement collectif ( ...). Ce délai ne peut être inférieur à quinze jours, sans préjudice des dispositions plus favorables prévues par accords contractuels" ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles L.321-3 et L.321-9 que lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande de licenciement collectif pour motif économique portant sur au moins dix salariés dans une même période de trente jours, il lui appartient de vérifier les conditions d'application de la procédure de concertation, la réalité des motifs invoqués pour justifier les licenciements ainsi que la portée des mesures de reclassement et d'indemnisation envisagées ;
Sur la régularité de la procédure de concertation :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'ensemble du projet de licenciement pour motif économique de 158 salariés des établissements de Dieppe et de SaintMalo de la société "ateliers et chantiers de la Manche" a été soumis par la direction de la société au comité central d'entreprise et a donné lieu à discussion dès la réunion du 30 mars 1984, sur la base des documents communiqués aux représentants du personnel ; que le comité central d'entreprise était, dès cette date, informé de l'ensemble des circonstances du projet ; que, dans ces conditions, M. X... n'est pas fondé à faire valoir que le projet a de nouveau été évoqué lors d'une réunion du comité d'entreprise le 2 mai 1984 pour soutenir que le délai mentionné à l'article L.321-5, qui avait couru à compter de la première réunion, n'était pas écoulé à la date à laquelle la société a saisi le directeur départemental du travail et de l'emploi de sa demande, soit le 12 mai 1984, et que cet article aurait par suite été méconnu ;

Considérant que si le directeur départemental a pris le 8 juin 1984 une première décision refusant en l'état la majeure partie des licenciements demandés, avant d'autoriser le 20 juin 1984 de nombreux licenciements supplémentaires, dont celui du requérant, en considération des compléments apportés dans l'intervalle au plan social, la lettre du 14 juin par laquelle la direction de la société lui a fait part de ces compléments, susceptibles de réduire le nombre de licenciements nécessaires en définitive, ne faisait apparaître aucun élément nouveau dans la situation économique de la société demanderesse et s'analysait donc, comme l'a estimé à bon droit le directeur départemental, en un recours gracieux dirigé contre la décision du 8 juin, et non comme une demande nouvelle d'autorisation susceptible de réouvrir la procédure ; qu'il suit de là que M. X... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que la procédurede concertation aurait été irrégulière, faute pour la société d'avoir consulté de nouveau les représentants du personnel avant de faire état auprès du directeur départemental des nouveaux développements du plan social ;
Sur le moyen tiré de l'existence d'un groupe :
Considérant que si la société "ateliers et chantiers de la Manche" avait passé, quelques semaines avant la délivrance de l'autorisation de licenciement, avec le "groupement d'études et de recherches navales" un accord prévoyant la cession à ce groupement des demandes de brevets en cours de la société et si un ancien dirigeant de la société a occupé postérieurement à l'autorisation des fonctions de direction au sein de ce groupement, il ne ressort pas des pièces du dossier que les liens qui unissaient ainsi les deux sociétés aient été tels qu'elles constituaient un groupe à la date à laquelle l'autorité administrative s'est prononcée ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le directeur départemental du travail et de l'emploi aurait commis une erreur de droit en s'abstenant d'exercer son contrôle dans le cadre du groupe que formeraient la société et le groupement, ne peut qu'être écarté ;
Sur le motif du licenciement :
Considérant qu'il est constant que la société "ateliers et chantiers de la Manche" subissait à l'époque de la décision litigieuse des difficultés économiques caractérisées découlant de la contraction de ses débouchés commerciaux ; que ces difficultés l'ont conduite à envisager une réduction significative de ses effectifs et la suppression de l'activité de recherche/innovation pour l'animation de laquelle M. X... avait été recruté trois ans auparavant, sans que l'éventualité du lancement d'une activité robotique de substitution, qui ne s'est d'ailleurs pas concrétisée en définitive, pût être regardée autrement que comme une simple hypothèse à la date à laquelle l'autorité administrative s'est prononcée ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme le soutient M. X..., la société aurait entendu le licencier pour des raisons touchant à sa personne, sous couvert de ses difficultés économiques générales ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le directeur départemental avait pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, accorder l'autorisation de licenciement sollicitée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X..., à la société "ateliers et chantiers de la Manche" et au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-02 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES NON PROTEGES - LICENCIEMENT POUR MOTIF ECONOMIQUE.


Références :

Code du travail L321-7, R321-8, L321-5, L321-3, L321-9


Publications
Proposition de citation: CE, 11 jan. 1995, n° 103114
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Simon-Michel
Rapporteur public ?: Mme Denis-Linton

Origine de la décision
Formation : 10 ss
Date de la décision : 11/01/1995
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 103114
Numéro NOR : CETATEXT000007842271 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1995-01-11;103114 ?
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