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11/01/1995 | FRANCE | N°123665

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 11 janvier 1995, 123665


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 février 1991 et 5 juin 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Daniel Y... demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 12 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 avril 1990 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle autorisant le Centre de Transfusion Sanguine d'Angers (CSTA) à procéder à son licenciement ;> 2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pi...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 février 1991 et 5 juin 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Daniel Y... demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement en date du 12 décembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 avril 1990 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle autorisant le Centre de Transfusion Sanguine d'Angers (CSTA) à procéder à son licenciement ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les observations de Me Foussard, avocat de M. Daniel Y...,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si M. Y... soutient que le jugement en date du 12 décembre 1990 du tribunal administratif de Nantes est insuffisamment motivé, il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par l'intéressé, ont répondu de manière suffisante aux moyens soulevés ;
Au fond :
Considérant qu'aux termes des dispositions du code du travail, le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent d'une protection exceptionnelle, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, le licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'autorité compétente de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
En ce qui concerne la légalité externe de la décision attaquée :
Considérant que si M. Y... soutient que la procédure de licenciement aurait été irrégulière en raison de l'omission par son employeur, dans la lettre le convoquant à un entretien préalable, de l'indication que la sanction envisagée pouvait être constituée par un licenciement, ce moyen, tenant à la légalité externe de l'acte attaqué, n'a été invoqué qu'après l'expiration du délai d'appel ; que, par suite, il n'est pas recevable ;
En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés à M. Y... :
Considérant qu'il a été reproché à M. Y..., qui détenait le mandat de délégué du personnel, d'avoir dans la journée du 10 octobre 1989 exercé diverses violences sur la personne de son collègue M. X..., puis d'avoir frappé ce dernier à la sortie du travail ; que pour rejeter la demande présentée par l'intéressé et tendant à l'annulation de la décision en date du 2 mars 1990 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle autorisant le Centre de Transfusion Sanguine d'Angers à procéder à son licenciement pour faute, le tribunal administratif de Nantes a estimé que la matérialité des faits était établie par les pièces du dossier et par le juge pénal, et qu'ils constituaient une faute d'une gravité suffisante pour autoriser sonlicenciement ;
Considérant, en premier lieu, que si le requérant conteste la matérialité des faits en cause, il n'a produit en appel aucun élément de nature à remettre en cause les énonciations du jugement attaqué quant à l'exactitude matérielle des actes commis par lui le 10 octobre 1989 ;

Considérant, en deuxième lieu, que si M. Y... soutient que le tribunal administratif de Nantes ne pouvait pas s'appuyer sur le jugement du tribunal correctionnel d'Angers en date du 9 mars 1990 pour regarder la matérialité des faits incriminés comme établie, au motif que sa condamnation n'était pas passée en force de chose jugée, le jugement ayant été frappé d'appel, les premiers juges n'ont pas fondé leur appréciation de la matérialité des faits au seul vu du jugement du tribunal correctionnel d'Angers mais en fonction de l'ensemble des pièces du dossier ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, l'arrêt en date du 8 novembre 1990 de la cour d'appel d'Angers, qui a confirmé le jugement du tribunal correctionnel d'Angers, était revêtu de l'autorité de la chose jugée alors même qu'il faisait l'objet d'un pourvoi en cassation ;
En ce qui concerne la gravité des faits reprochés :
Considérant, en premier lieu, que le requérant soutient que les actes commis en dehors du temps et du lieu de travail ne peuvent servir de fondement à une autorisation de licenciement ; qu'il résulte cependant des pièces du dossier que les faits en cause ont eu lieu dans l'enceinte des bâtiments de l'entreprise ; que la circonstance qu'ils se sont déroulés en dehors des heures de travail n'est pas de nature, dans les circonstances de l'espèce, à les faire regarder comme ne présentant pas un caractère de gravité suffisant pour justifier le licenciement de l'intéressé ;
Considérant, en second lieu, que M. Y... soutient que son comportement n'était pas incompatible avec la nature de ses fonctions de chauffeur et qu'il n'a pas fait l'objet de la moindre observation ou sanction de la part de l'employeur pour un comportement agressif ou violent depuis son embauche ; que ces circonstances, à les supposer exactes, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation faite par les premiers juges quant à la gravité des actes commis par l'intéressé à l'égard de l'un de ses collègues et qui présentent un degré de gravité suffisant pour justifier son licenciement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que M. Y... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 2 mars 1990 autorisant son licenciement ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel Y..., au Centre de Transfusion Sanguine d'Angers et ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.


Synthèse
Formation : 8 / 9 ssr
Numéro d'arrêt : 123665
Date de la décision : 11/01/1995
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

54-08-01-03-01-01,RJ1 PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - MOYENS RECEVABLES EN APPEL - NE PRESENTENT PAS CE CARACTERE - CAUSE JURIDIQUE DISTINCTE -Causes juridiques en appel d'un litige d'excès de pouvoir - Contestation de la légalité externe de l'acte indépendante de la contestation de la régularité du jugement (1).

54-08-01-03-01-01 Un requérant qui n'a soulevé dans le délai d'appel que des moyens tenant à la légalité interne de l'acte administratif attaqué et à la régularité du jugement ne peut, après l'expiration du délai d'appel, contester la légalité externe de l'acte, laquelle constitue une cause juridique distincte des deux précédentes (sol. impl.).


Références :

1.

Rappr. 1978-04-07, Chillou de Saint-Albert, T. p. 923


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jan. 1995, n° 123665
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Struillou
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:123665.19950111
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