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08/02/1995 | FRANCE | N°134963;135249

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 08 février 1995, 134963 et 135249


Vu 1°), sous le n° 134 963, le recours, enregistré le 3 mars 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 17 novembre 1989 annulant la décision de l'inspecteur du travail de Paris (section 2A) et autorisant le Crédit Lyonnais a procédé au licenciement de M

. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devan...

Vu 1°), sous le n° 134 963, le recours, enregistré le 3 mars 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle ; le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé sa décision en date du 17 novembre 1989 annulant la décision de l'inspecteur du travail de Paris (section 2A) et autorisant le Crédit Lyonnais a procédé au licenciement de M. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Vu 2°), sous le n° 135 249, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 13 mars 1992 et 13 juillet 1992, présentés pour le Crédit Lyonnais, dont le siège social est situé ... ; le Crédit Lyonnais demande que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 28 novembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé la décision en date du 17 novembre 1989 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle annulant la décision de l'inspecteur du travail de Paris (section 2A) et autorisant le Crédit Lyonnais à procéder au licenciement de M. X... ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy , avocat de la société Crédit Lyonnais et de la SCP Gatineau, avocat M. X...,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et la requête présentée par le Crédit Lyonnais présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité de la décision du 17 novembre 1989 du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle :
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; qu'aux termes du 1° alinéa des dispositions de l'article L.122-14-12 du même code issues de l'article 59 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 : "Les dispositions relatives au départ à la retraite des salariés prévues par une convention collective, un accord collectif de travail ou un contrat de travail sont applicables sous réserve qu'elles ne soient pas contraires aux dispositions légales" ; qu'aux termes du 3° alinéa de l'article L.122-14-13, issu de la même disposition législative : "La mise en retraite s'entend par la possibilité donnée à l'entreprise de rompre le contrat de travail d'un salarié qui peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, au sens du chapitre 1er du titre V du livre III du code de la sécurité sociale, et qui remplit les conditions d'ouverture à la pension de vieillesse, ou, si elles existent, les conditions d'âge prévues par la convention ou l'accord collectif, ou le contrat de travail. Si les conditions de mise à la retraite ne sont pas remplies, la rupture du contrat de travail par l'employeur constitue un licenciement" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée, comme en l'espèce, par la survenance de l'âge, déterminée par la convention collective, à partir duquel un salarié peut être mis à la retraite par décision de l'employeur, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de vérifier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'une part, si la mesure envisagée n'est pas en rapport avec les fonctions représentatives exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé, et, d'autre part, si les conditions légales de mise à la retraite sont remplies ; qu'à défaut, et notamment dans le cas où le salarié ne justifie pas de cotisations suffisantes pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, le motif tiré de ce que ce salarié a atteint la limite d'âge fixée par la convention collective n'est pas, par lui-même, de nature à justifier le licenciement ; qu'enfin, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général, relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

Considérant que le Crédit Lyonnais a demandé à l'inspecteur du travail de Paris l'autorisation de licencier M. X..., qui détenait le mandat de délégué du personnel suppléant, au motif que l'intéressé avait atteint l'âge de la retraite fixé par l'article 51 de la convention collective nationale des personnels de banque alors qu'il ne justifiait pas de cotisations suffisantes pour pouvoir prétendre au versement d'une pension à taux plein ; que l'autorisation sollicitée a été refusée par une décision en date du 22 juin 1989 ; que, saisi sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, par une décision en date du 17 novembre 1989, a annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le Crédit Lyonnais à procéder au licenciement de son salarié au motif que l'application de l'article 51 de la convention collective constituait un motif réel et sérieux de licenciement ; que, sur la demande de M. X..., le tribunal administratif de Paris, par un jugement en date du 28 novembre 1991, a annulé la décision du ministre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le motif invoqué par l'employeur n'était pas, à lui seul, de nature à justifier le licenciement de ce représentant du personnel ; qu'en l'absence de tout autre élément invoqué par l'employeur, la décision du ministre en date du 17 novembre 1989 est entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et le Crédit Lyonnais ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Paris a annulé ladite décision ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat et le Crédit Lyonnais à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et la requête du Crédit Lyonnais sont rejetés.
Article 2 : Le Crédit Lyonnais et l'Etat verseront à M. X... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, au Crédit Lyonnais et à M. X....


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES - CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION -Motif ne justifiant pas à lui seul le licenciement - Circonstance que le salarié a atteint la limite d'âge fixée par la convention collective.

66-07-01-04 Il résulte des dispositions des articles L.122-14-12 (1er alinéa) et L.122-14-13 (3ème alinéa) du code du travail, issues de l'article 59 de la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 que si les conditions légales de la mise à la retraite d'un salarié ne sont pas remplies, et notamment s'il ne justifie pas de cotisations suffisantes pour bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein, le motif qu'il a atteint l'âge, déterminé par la convention collective, à partir duquel il peut être mis à la retraite par décision de l'employeur, n'est pas par lui-même de nature à justifier le licenciement.


Références :

Code du travail L122-14-12, L122-14-13
Loi 87-588 du 30 juillet 1987 art. 59
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 08 fév. 1995, n° 134963;135249
Publié au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Struillou
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova
Avocat(s) : SCP Vier, Barthélémy, SCP Gatineau, Avocat

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 08/02/1995
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 134963;135249
Numéro NOR : CETATEXT000007844979 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1995-02-08;134963 ?
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