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22/02/1995 | FRANCE | N°139627

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 22 février 1995, 139627


Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 26 juin 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision de reconduire M. X... Erdogan en Turquie ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande, dirigées contre cette décision, présentées par M. Y... devant le tribunal administr

atif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention...

Vu la requête, enregistrée le 23 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ; le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement du 26 juin 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision de reconduire M. X... Erdogan en Turquie ;
2°) de rejeter les conclusions de la demande, dirigées contre cette décision, présentées par M. Y... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les observations de la SCP Lesourd, Baudin, avocat de M. X... Erdogan ;
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE fait appel devant le président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat de l'article 2 du jugement du 26 juin 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision fixant la Turquie comme pays de destination de M. Y... ; que M. Y... défère au Conseil d'Etat, par la voie de l'appel incident, l'article 1er du même jugement rejetant ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 juin 1992 ordonnant sa reconduite à la frontière ,
Sur la légalité de l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière :
Considérant qu'il est constant que M. Y..., ressortissant turc à qui la qualité de réfugié a été refusée par une décision en date du 7 décembre 1990 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 3 octobre 1991 par la commission des recours des réfugiés, s'est maintenu sur le territoire pendant plus d'un mois à compter de la notification, le 18 mai 1992, de la décision du même jour du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; que l'intéressé entrait donc dans le cas où, en application de l'article 22-I-3°) de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider de reconduire un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences que pouvait comporter la mesure de reconduite sur la situation personnelle de M. Y... ;
Considérant que le moyen tiré des risques que courrait M. Y... s'il devait être reconduit en Turquie est inopérant à l'encontre de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière qui ne fixe pas le pays à destination duquel l'intéressé sera reconduit ;
Considérant qu'il suit de là que M. Y... n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 juin 1992 ;
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que, par une décision distincte, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a décidé que le pays vers lequel M. Y... serait reconduit serait la Turquie ; que si, à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision, M. Y..., qui s'est vu à nouveau refuserla qualité de réfugié par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 28 novembre 1991, confirmée le 16 mars 1992 par la commission des recours des réfugiés, puis à nouveau par deux décisions dudit office en date du 8 juin et du 30 août 1993, fait état de la situation actuelle en Turquie, de son appartenance ethnique et son engagement politique, l'intéressé n'avance aucun élément probant susceptible d'établir la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé ; que M. Y... n'établit aucune circonstance particulière de nature à faire légalement obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine et ne peut ainsi soutenir que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues ; que, dès lors, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement susvisé en date du 26 juin 1992 ;
Sur les conclusions présentées par M. Y... tendant à la condamnation de l'Etat au titre des frais irrépétibles :
Considérant que les conclusions de M. Y... tendant à la condamnation de l'Etat, sur le fondement de l'article R.222 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à lui verser la somme de 8 000 F doivent s'interpréter comme tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ; que les dispositions dudit article font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble en date du 26 juin 1992 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de M. Y... formées devant le tribunal administratif de Grenoble contre la décision ordonnant sa reconduite à destination de son pays d'origine et les conclusions de son appel incident sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, à M. Y... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 139627
Date de la décision : 22/02/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R222
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 3
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945


Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 1995, n° 139627
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Combarnous
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:139627.19950222
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