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22/02/1995 | FRANCE | N°140459

France | France, Conseil d'État, 3 ss, 22 février 1995, 140459


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 17 décembre 1992, présentés pour M. Pierre X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 19 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de la décision du 22 février 1988 du directeur de l'agriculture et de la forêt du Calvados l'informant de la suppression de la quantité de référence laitière correspondant à l'exploitation louée à M. René Y... du fait de l'attribution à celui-ci de l'indemnit

de cessation d'activité laitière, d'autre part, de la décision d'attrib...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 août et 17 décembre 1992, présentés pour M. Pierre X..., demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 19 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de la décision du 22 février 1988 du directeur de l'agriculture et de la forêt du Calvados l'informant de la suppression de la quantité de référence laitière correspondant à l'exploitation louée à M. René Y... du fait de l'attribution à celui-ci de l'indemnité de cessation d'activité laitière, d'autre part, de la décision d'attribution de cette indemnité prise par le préfet du Calvados le 20 novembre 1986 ;
2°) annule ces décisions pour excès de pouvoir ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité de Rome notamment son article 177 ;
Vu le règlement (C.E.E.) n° 857/84 du Conseil des communautés européennes du 31mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé àl'article 5 quater du règlement (C.E.E.) n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers modifié notamment par le règlement n° 590/85 du Conseil du 26 février 1985 ;
Vu le règlement (C.E.E.) n° 1336/86 du Conseil des communautés européennes du 6 mai 1986 fixant une indemnité à l'abandon définitif de la production laitière ;
Vu le règlement (C.E.E.) n° 1371/84 de la Commission des communautés européennes du 16 mai 1984 fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire visé à l'article 5 quater du règlement (C.E.E.) n° 804/68 ;
Vu le décret n° 84-481 du 21 juin 1984 concernant l'octroi de primes aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement la production laitière ;
Vu le décret n° 86-882 du 28 juillet 1986 concernant l'octroi d'une prime nationale unique aux producteurs qui s'engagent à abandonner définitivement la production laitière ;
Vu le décret n° 87-608 du 31 juillet 1987 relatif au transfert de quantités de références laitières ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Daussun, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, Thouin, Palat, avocat de M. Pierre X...,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la lettre du 22 février 1988 :
Considérant que la lettre en date du 22 février 1988 par laquelle le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt du Calvados a fait savoir à M. X... qu'une indemnité de cessation d'activité laitière avait été attribuée à son fermier, M. Y..., et que l'octroi de cette indemnité entraînait l'annulation de la quantité de référence de l'exploitation n'a pas le caractère d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que les conclusions de la demande de M. X... dirigées contre cette prétendue décision n'étaient donc pas recevables ;
En ce qui concerne les conclusions dirigées contre la décision du 20 novembre 1986 :
Considérant que cette décision qui attribue à M. Y... l'indemnité communautaire annuelle de cessation d'activité laitière a été prise sur le fondement du décret n° 86-882 du 28 juillet 1986 ; que les moyens tirés de l'illégalité du décret du 21 juin 1984 et du décret n° 86-883 du 28 juillet 1986 sont, dès lors, inopérants ;
Sur l'exception d'illégalité du décret n° 86-882 du 28 juillet 1986 :
Sur les moyens tirés de la violation des règlements C.E.E. n° 857/84 du 31 mars 1984 et n° 1336/86 du 6 mai 1986 du Conseil des communautés européennes :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 du règlement C.E.E. n° 857/84 du 31 mars 1984 : "La quantité de référence visée à l'article 5 quater paragraphe 1 du règlement (C.E.E.) n° 804/68 est égale à la quantité de lait ( ...) livrée par le producteur pendant l'année civile 1981 ( ...), augmentée de 1 %" ; que l'article 6-1 du même règlement dispose que : "Est attribuée à chaque producteur de lait et de produits laitiers visés à l'article 5 quater paragraphe 2 du règlement (C.E.E.) n° 804/68 une quantité de référence correspondant aux ventes directes effectuées par ce dernier pendant l'année civile 1981, augmentées de 1 %" ; qu'aux termes de l'article 7 : "En cas de vente, location ou transmission par héritage d'une exploitation, la quantité de référence correspondante est transférée totalement ou partiellement à l'acquéreur, au locataire ou à l'héritier selon des modalités à déterminer" ;

Considérant, d'autre part, que l'article premier du règlement (C.E.E.) n° 1336/86 du Conseil dispose dans son paragraphe 1er : "A la demande de l'intéressé et dans les conditions définies au présent règlement, il est accordé une indemnité à tout producteur, tel que défini à l'article 12 point c) premier alinéa du règlement (C.E.E.) n° 857/84, qui s'engage à abandonner définitivement la production laitière" ; qu'aux termes du paragraphe 6 de l'article 2 de ce règlement : "Les quantités de référence libérées en application des paragraphes 1 à 4 ne peuvent faire l'objet d'une nouvelle affectation ou allocation" ; qu'enfin l'article 3 du même règlement dispose que : "1. Dans le cas de baux ruraux, la demande est présentée par le preneur. Toutefois, les Etats membres peuvent déterminer les conditions dans lesquelles le preneur peut présenter la demande pour obtenir l'indemnité et les conditions dans lesquelles l'indemnité peut être octroyée" ;
Considérant qu'il résulte clairement de l'ensemble des dispositions précitées que la quantité de référence laitière qui détermine le volume de lait ou de produits laitiers que chaque producteur est autorisé à commercialiser sans être soumis à prélèvement est attribuée non à l'exploitation mais au producteur, c'est-à-dire lorsque l'exploitation est donnée à bail, au preneur ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le décret du 28 juillet 1986, en ce qu'il autorise le preneur d'un bail rural à demander, sans l'accord de son bailleur, à bénéficier de l'indemnité communautaire annuelle dont l'octroi entraîne la suppression de la quantité de référence dont il est titulaire, méconnaîtrait une prétendue règle communautaire attachant la quantité de référence à l'exploitation ; qu'il ne saurait davantage être soutenu qu'en n'usant pas de la faculté ouverte aux Etats membres par l'article 3 précité du règlement n° 1336/86 de subordonner la demande d'indemnité présentée par le preneur d'un bail rural à certaines conditions et, en particulier, à l'accord du bailleur, les auteurs du décret auraient méconnu ledit règlement ;
Sur le moyen tiré de la violation du droit de propriété :
Considérant, en premier lieu, que si la possibilité ouverte par le décret dont la légalité est contestée au preneur d'un bail rural de demander l'indemnité de cessation d'activité laitière et l'annulation de la quantité de référence qui en résulte, apportent des restrictions à l'usage du droit de propriété du bailleur, ces restrictions résultent non du décret contesté luimême mais des dispositions susrappelées des règlements (C.E.E.) n° 857/84 du 31 mars 1984 et n° 1336/86 du 6 mai 1986 dont il fait application ;
Considérant, en second lieu, que ce décret n'a pas pour objet et ne saurait avoir légalement pour effet de priver le propriétaire bailleur du droit de demander, le cas échéant, réparation des dommages que lui aurait causés la décision du preneur de renoncer à la production laitière ;
Sur la violation des droits acquis :

Considérant qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ni d'aucun principe général du droit que les propriétaires d'exploitations sur lesquelles s'exerce une activité de production laitière auraient un droit acquis au maintien de la quantité de référence correspondante ; que le moyen tiré de ce que le décret du 28 juillet 1986 contesté porterait atteinte à de tels droits acquis ne peut, dès lors, qu'être écarté ;
Sur la violation du principe d'égalité :
Considérant, d'une part, que les propriétaires d'exploitations agricoles données à bail ne sont pas dans la même situation que les propriétaires exploitants ; que, par suite, le décret contesté a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, ne pas prévoir de dispositions identiques pour les uns et pour les autres ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance que la réglementation nationale d'autres Etats membres de la communauté contiendrait des dispositions plus protectrices des intérêts des propriétaires bailleurs que celles qui sont fixées par le décret contesté est sans incidence sur la légalité de ce décret ;
Considérant, enfin, que la suppression de la quantité de référence qu'entraîne l'octroi au producteur de l'indemnité de cessation d'activité laitière n'a pas le caractère d'une sanction ; que dès lors, le moyen tiré de ce qu'une telle sanction serait disproportionnée avec les objectifs de la réglementation relative à la maîtrise de la production laitière, ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de saisir la cour de justice des communautés européennes à titre préjudiciel, que M. X... n'est pas fondé à se soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre X..., à M. Y... et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 3 ss
Numéro d'arrêt : 140459
Date de la décision : 22/02/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-05 AGRICULTURE, CHASSE ET PECHE - PRODUITS AGRICOLES.


Références :

CEE Règlement 1336-86 du 06 mai 1986 Conseil art. 1, art. 6, art. 3
CEE Règlement 857-84 du 31 mars 1984 Conseil art. 2, art. 6-1
Décret 84-481 du 21 juin 1984
Décret 84-857 du 31 mars 1984
Décret 86-882 du 28 juillet 1986 art. 7
Décret 86-883 du 28 juillet 1986


Publications
Proposition de citation : CE, 22 fév. 1995, n° 140459
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Daussun
Rapporteur public ?: M. Savoie

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:140459.19950222
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