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03/03/1995 | FRANCE | N°146553

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 03 mars 1995, 146553


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 26 mars et 26 juillet 1993, présentés pour Mme Catherine A..., épouse C..., demeurant Ognolles à Lassigny (60310), M. Y... et Mme Nicole D... (née Lambert), demeurant Beaulieu-les-Fontaines à Lassigny (60310) et M. B... et Mme Josiane X... (née Kegelaert), demeurant ... ; Mme C..., M. et Mme D... et M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 janvier 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, à la demande de la société anony

me Fournier, annulé les articles 2 à 6 du jugement du 17 juille...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 26 mars et 26 juillet 1993, présentés pour Mme Catherine A..., épouse C..., demeurant Ognolles à Lassigny (60310), M. Y... et Mme Nicole D... (née Lambert), demeurant Beaulieu-les-Fontaines à Lassigny (60310) et M. B... et Mme Josiane X... (née Kegelaert), demeurant ... ; Mme C..., M. et Mme D... et M. et Mme X... demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 28 janvier 1993 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, à la demande de la société anonyme Fournier, annulé les articles 2 à 6 du jugement du 17 juillet 1991 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a déclaré solidairement responsables la société Fournier avec l'association syndicale autorisée du Noyonnais, la société Picarde de sous-solage et l'Etat des conséquences dommageables des travaux de drainage effectués sur les terres des requérants, d'autre part, rejeté les recours incidents des requérants ainsi que leur conclusions tendant au versement d'une somme au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 21 juin 1865 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Pécresse, Auditeur,
- les observations de Me de Nervo, avocat de Mme Catherine C... et autres, de Me Parmentier, avocat de la S.A. Fournier et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'association syndicale autorisée du Noyonnais,
- les conclusions de M. Lasvignes, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que l'association syndicale autorisée du Noyonnais a passé, d'une part, avec l'entreprise Fournier deux marchés en date des 12 juillet 1982 et 22 juin 1983 en vue d'exécuter des travaux de drainage sur le territoire de la commune de Beaulieu-les-Fontaines qui ont fait l'objet de réceptions sans réserve prenant effet respectivement le 3 novembre 1982 et le 1er septembre 1983, et d'autre part, avec la société Picarde de sous-solage un marché sur commande pour une période de trois ans à compter du 24 août 1983 ayant pour objet le soussolage industriel de 225 hectares, la maîtrise d'oeuvre de l'ensemble de ces travaux étant confiée à la direction départementale de l'agriculture de l'Oise ; qu'à la suite de ces travaux, divers propriétaires ont subi des dommages résultant de pertes de récoltes sur des superficies importantes ;
Sur la responsabilité de l'association syndicale autorisée du Noyonnais :
Considérant que pour décider que c'est à tort que, par le jugement du 17 juin 1991, le tribunal administratif d'Amiens a retenu le principe de la responsabilité de l'association syndicale autorisée du Noyonnais à l'égard de Mme C..., de M. et Mme D... et de M. et Mme X..., propriétaires membres de ladite association qui ont bénéficié des travaux susmentionnés, la cour administrative d'appel de Nancy a estimé que lesdits propriétaires n'ont pas mis en cause la manière dont l'association syndicale autorisée s'est acquittée de sa mission et, plus généralement, n'ont invoqué à l'appui de leurs conclusions aucune faute qu'aurait commise cette dernière ; qu'il ressort toutefois du dossier soumis aux juges du fond que Mme C... avait, à l'appui de l'appel incident qu'elle avait formé afin d'obtenir la condamnation de l'association syndicale autorisée du Noyonnais à l'indemniser du préjudice qu'elle avait subi du fait des dommages causés à l'une de ses parcelles dite "du calvaire", rappelé les conclusions du rapport de l'expert commis par le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens et fait notamment valoir que les désordres étaient dus à la carence de l'association, qui avait omis, durant plusieurs années, de faire exécuter le sous-solage de cette parcelle ; qu'ainsi, c'est par une dénaturation des écritures de l'appelante incidente que la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté ces conclusions au motif qu'elle n'avait invoqué l'existence d'aucune faute imputable à l'association dans l'exercice de sa mission ; que, dès lors, Mme C... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions de son appel incident tendant à la condamnation de l'association syndicale autorisée du Noyonnais ;

Considérant, en revanche, qu'il résulte du dossier soumis aux juges du fond que la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas dénaturé les écritures de M. etMme D... et de M. et Mme X... en jugeant que ceux-ci n'invoquaient aucune faute commise par l'association syndicale autorisée du Noyonnais dans l'exercice de sa mission de sous-solage et de drainage de leurs parcelles ; qu'elle n'a pas, non plus, dénaturé les écritures de Mme C... concernant la parcelle dite du "bois de Sailly", au sujet de laquelle l'intéressée n'invoquait aucune faute qu'aurait commise l'association syndicale autorisée du Noyonnais ;
Sur la responsabilité de l'Etat et de la société anonyme Fournier :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que les membres d'une association syndicale autorisée, victimes de dommages qui auraient leur origine dans des travaux exécutés pour le compte de l'association, peuvent mettre en cause la responsabilité du maître d'oeuvre ou celle des entrepreneurs chargés des travaux, à raison des fautes que ceux-ci auraient commises dans l'exécution de leur mission ; que pour annuler le jugement du tribunal administratif d'Amiens du 17 juillet 1991 en tant que ce tribunal avait retenu la responsabilité de l'Etat, chargé de la maîtrise d'oeuvre des travaux ainsi que celle de la société anonyme Fournier, agissant en tant qu'entrepreneur, pour les dommages causés à cinq parcelles appartenant à M. et Mme D..., Z...
C..., M. et Mme X..., propriétaires membres de l'association, et pour rejeter les appels incidents formés par ces propriétaires afin que l'Etat, la société anonyme Fournier et la société Picarde de soussolage soient reconnus responsables des dommages subis par la parcelle dite "du calvaire" appartenant à Mme C... et par la parcelle 41 appartenant à M. D... ainsi que de l'aggravation des dommages postérieure au jugement du tribunal administratif, la cour administrative d'appel de Nancy s'est fondée sur ce qu'il n'existait pas de lien contractuel entre ces propriétaires, d'une part, l'Etat et l'entrepreneur, d'autre part ; que, ce faisant, elle a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu d'annuler l'arrêt sur ce point ;
Sur les conclusions de la société anonyme Fournier et de l'association syndicale autorisée du Noyonnais tendant à la condamnation de Mme C..., de M. et Mme D... et de M. et Mme X... sur le fondement des dispositions de l'article 75I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions du I de l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que Mme C..., M. et Mme D... et M. et Mme X..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, soient condamnés à payer à la société anonyme Fournier et à l'association syndicale autorisée du Noyonnais les sommes que ces dernières demandent au titre des sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 28 janvier 1993 est annulé : - en tant que la Cour a annulé les articles 2 à 6 du jugement du tribunal administratif d'Amiens en date du 17 juillet 1991, - en tant que la Cour a rejeté l'appel incident de Mme C..., - en tant que la Cour a rejeté les conclusions incidentes de M. et Mme D... tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Amiens du 17 juillet 1991 en tant que ce tribunal avait écarté la responsabilité de l'Etat et de la société anonyme Fournier dans les dommages subis par leur parcelle n° 41 et, d'autre part, à ce que l'Etat, la société anonyme Fournier et la société Picarde de sous-solage soient condamnés à leur verser une provision en raison de l'aggravation des dommages causés aux parcelles leur appartenant, - en tant que la Cour a rejeté les conclusions incidentes de M. et Mme X... tendant à ce que l'Etat, la société anonyme Fournier et la société Picarde de sous-solage soient condamnés à leur verser une provision en raison de l'aggravation des dommages causés aux parcelles leur appartenant.
Article 2 : Le jugement des conclusions de l'appel de la société Fournier, de l'appel de l'Etat, de l'appel incident de Mme C..., des conclusions incidentes de M. et Mme D... mentionnées à l'article précédent, des conclusions incidentes de M. et Mme X... mentionnées à l'article précédent, et des conclusions de l'association syndicale autorisée du Noyonnais tendant à ce que sa responsabilité soit écartée en ce qui concerne les dommages subis par la parcelle dite "le calvaire" appartenant à Mme C..., est renvoyé devant la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la société Fournier et de l'association syndicale autorisée du Noyonnais tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Catherine C..., à M. et Mme Jean D..., à M. et Mme Régis X..., à la société anonyme Fournier, à l'association syndicale autorisée du Noyonnais, à la société Picarde de sous-solage et au ministre de l'agriculture et de la pêche.


Synthèse
Formation : 7 /10 ssr
Numéro d'arrêt : 146553
Date de la décision : 03/03/1995
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

- RJ1 - RJ2 ASSOCIATIONS SYNDICALES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - Responsabilité du maître d'oeuvre et des constructeurs à l'égard des membres d'une association syndicale - Travaux exécutés pour le compte de l'association syndicale - Responsabilité pour faute (1) (2).

11-03, 39-06-02-01 Les membres d'une association syndicale autorisée, victimes de dommages qui auraient leur origine dans des travaux exécutés pour le compte de l'association, peuvent mettre en cause la responsabilité du maître d'oeuvre ou celle des entrepreneurs chargés des travaux, à raison des fautes que ceux-ci auraient commises dans l'exécution de leur mission.

- RJ1 - RJ2 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE - L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DU MAITRE DE L'OUVRAGE ET DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DES TIERS - RESPONSABILITE DE L'ENTREPRENEUR - Travaux exécutés pour le compte d'une association syndicale - Fondement de la responsabilité du maître d'oeuvre et des constructeurs à l'égard des membres de l'association syndicale - Responsabilité pour faute (1) (2).


Références :

Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75

1.

Cf. CAA Nancy, 1993-06-10, S.A. Novello, p. 454. 2. Comp. CAA Nancy, 1993-01-28, S.A. Fournier, T. p. 621


Publications
Proposition de citation : CE, 03 mar. 1995, n° 146553
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Bauchet
Rapporteur ?: Mme Pécresse
Rapporteur public ?: M. Lasvignes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:146553.19950303
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