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24/03/1995 | FRANCE | N°129415

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 24 mars 1995, 129415


Vu 1°, sous le n° 129415, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 septembre 1991 et 6 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" dont le siège social est sis ... ; la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 20 juin 1991 par lequel le tribunal administratif de Nice a :
a) rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant 4 mois par le ministre de l'équipement, du logement et des tr

ansports sur sa demande de renouvellement d'autorisation de transport...

Vu 1°, sous le n° 129415, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 10 septembre 1991 et 6 janvier 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" dont le siège social est sis ... ; la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement du 20 juin 1991 par lequel le tribunal administratif de Nice a :
a) rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant 4 mois par le ministre de l'équipement, du logement et des transports sur sa demande de renouvellement d'autorisation de transport public aérien présentée le 8 janvier 1988, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux à l'encontre de cette décision ;
b) rejeté ses requêtes tendant :
* en premier lieu, d'une part, à l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant quatre mois par le ministre de la défense sur sa demande, présentée le 9 juin 1989, tendant au versement par l'Etat de la somme de 20 150 000 F, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme, ainsi que les intérêts au taux légalà compter du 9 juin 1989, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des agissements fautifs des services du ministre de la défense ;
* en second lieu, d'une part, à l'annulation de la décision du 6 octobre 1989 par laquelle le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer a rejeté sa demande, présentée le 9 juin 1989, tendant au versement par l'Etat de la somme de 20 150 000 F, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui verser ladite somme, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1989, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des agissements fautifs des services du ministre des transports ;
c) condamné l'Etat à lui verser une indemnité de 100 000 F, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des agissements fautifs des services du ministre des transports ;
- annule pour excès de pouvoir la décision du ministre des transports refusant de renouveler son autorisation de transport public aérien et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 150 000 F ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1989 ;
.
Vu 2°, sous le n° 138135, l'ordonnance en date du 26 mai 1992, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 9 juin 1992, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Lyon a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 73 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la demande présentée à cette Cour par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE ;
Vu la demande, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 10 septembre 1991, présentée par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE et tendant :
- à l'annulation du jugement du 20 juin 1991 du tribunal administratif de Nice en tant qu'il a condamné l'Etat à verser à la
société "Nice Hélicoptères" la somme de 100 000 F en réparation du préjudice subi par cette société du fait des agissements fautifs des services du ministre des transports ;
- au rejet de la demande présentée par la société "Nice Hélicoptères" devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de l'aviation civile ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la S.A.R.L. NICE HELICOPTERES,
- les conclusions de M. Frydman, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la requête susvisée de la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" et le recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace sont dirigés contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que si les premiers juges ont fait du préjudice afférent à certains chefs d'indemnisation une évaluation supérieure à celle qu'avait indiquée la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES", ils n'ont accordé à celle-ci, au total, qu'une indemnité inférieure à celle qu'elle réclamait ; qu'ainsi ils n'ont pas statué au-delà des conclusions indemnitaires dont ils étaient saisis ; que, par suite, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est entaché d'aucune irrégularité ;
Sur la légalité de la décision attaquée :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé par la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 330-6 du code de l'aviation civile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "Les entreprises de transport aérien sont soumises au contrôle technique que le ministre chargé de l'aviation civile exerce en vue d'assurer la sécurité aérienne" ; qu'aux termes de l'article L.330-7 : "Le ministre chargé de l'aviation civile peut déléguer certaines de ses attributions de contrôle à un organisme technique habilité à cet effet" ; qu'aux termes de l'article R.330-4 : "Le contrôle de l'exploitation technique porte notamment sur ... les équipements et instruments de bord, les équipements de secours et de sauvetage, l'entretien des aéronefs, les documents et livres de bord, en particulier les manuels d'exploitation ... Ces contrôles sont exercés au sol et en vol soit directement par des agents de l'Etat ... soit par l'intermédiaire d'organismes délégués à cet effet par le ministre chargé de l'aviation civile" ;

Considérant que, dans ses observations devant le Conseil d'Etat, le ministre de l'équipement, du logement et des transports soutient que la décision implicite de rejet qu'il a opposée à la demande de renouvellement d'autorisation de transport public aérien présentée le 8 janvier 1988 par la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES", confirmée par le rejet implicite du recours gracieux formé le 9 mai 1988 par cette société à l'encontre de cette décision, était motivée par la circonstance que le stationnement à Monaco des appareils de la société requérante ne lui permettait pas d'exercer directement le contrôle technique desdits appareils dans lesconditions prévues par l'article R. 330-4 précité du code de l'aviation civile ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des conclusions du rapport d'enquête déposé le 4 février 1988 par la direction régionale de l'aviation civile sur la demande de la société, que rien ne s'opposait plus à cette date "au plein exercice du contrôle technique de Nice-Hélicoptères par les services compétents" ; que, dès lors, la décision implicite par laquelle le ministre de l'équipement, du logement et des transports a refusé de renouveler, à compter du 1er janvier 1988, l'autorisation de transport aérien de la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" est fondée sur des faits matériellement inexacts ; que, par suite, ladite société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre cette décision ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Sur la responsabilité de l'Etat à raison de l'illégalité du refus de renouvellement de l'autorisation de transport aérien de la société requérante :
Considérant que l'illégalité ainsi commise est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le ministre aurait légalement pris la même décision de refus de renouvellement d'autorisation de transport aérien de la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" en se fondant sur d'autres motifs que celui qui, ainsi q'uil a été dit ci-dessus, est fondé sur des faits matériellement inexacts ; qu'ainsi cette illégalité est de nature à ouvrir droit à indemnité ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'exécution de la décision de refus de renouvellement d'autorisation de transport aérien a entraîné l'impossibilité, pour la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES", de poursuivre son activité de transport aérien, et par suite, la disparition de son fonds de commerce pour cette branche de son activité ; qu'il résulte du rapport d'expertise demandé par une ordonnance du 4 août 1989 du président du tribunal administratif de Nice, dont les conclusions ne sont pas contestées par l'administration, que le préjudice subi par la société requérante ne peut être évalué à moins de 10 000 000 F ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société requérante en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre une somme de 10 000 000 F ;
Sur la responsabilité de l'Etat à raison des agissements de l'administration à l'égard de la société requérante en 1987 et 1988 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 11 et le 28 mai 1987, la brigade de gendarmerie maritime de la base aéronavale de Fréjus-Saint-Raphaël a, à la suite d'appels téléphoniques anonymes, ordonné à un hélicoptère de la société requérante de se poser afin de contrôler l'identité du pilote et des passagers ; qu'en l'absence de circonstances particulières de nature à justifier une interception immédiate des appareils, la négligence ainsi commise par l'autorité de police a été, dans les circonstances de l'espèce, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'égard de la société requérante à raison de ces agissements ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le 15 janvier 1988, les services du district aéronautique de la Côte d'Azur ont interdit à un appareil de la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" de décoller de l'hélistation de Saint-Tropez à destination de l'aéroport de Hyères, au motif que ladite société aurait à cette occasion, sous couvert d'une opération de travailaérien, exercé en réalité une activité de transport aérien sans y avoir été autorisée ; qu'en ordonnant ainsi, pour un motif inexact, l'immobilisation immédiate de l'appareil de la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES", l'administration a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'égard de la société requérante à raison de cette interception ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les 4 et 5 mai 1988, le chef du district aéronautique de la Côte d'Azur et le sous-préfet de Draguignan ont respectivement rejeté les demandes, présentées par la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES", d'autorisation d'atterrissage de ses appareils, le 4 mai 1988 sur l'hélistation du Pilon à Saint-Tropez, et le 7 mai 1988 sur une hélisurface à créer sur une propriété privée à Ramatuelle, aux fins de réaliser un travail aérien de photographie d'une course nautique dans la baie de Saint-Tropez ;
Considérant que, devant le Conseil d'Etat, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace soutient, sans être utilement contredit par la société requérante, que le refus d'autorisation d'atterrir sur l'hélistation du Pilon le 4 mai 1988 était motivé par la circonstance que "les caractéristiques physiques de l'hélistation nécessitaient une limitation du nombre d'appareils" ; qu'ainsi, en opposant un refus à la demande de la société requérante pour un motif tenant à la sécurité des vols, l'autorité de police n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, ladite société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'indemnité à raison de ces faits ;

Considérant qu'aux termes de l'article 19 de l'arrêté interministériel du 1er février 1979 relatif aux aérodromes et autres emplacements utilisés par les hélicoptères qui était applicable le 5 mai 1988 : "L'usage d'hélisurfaces est interdit dans les agglomérations et à leurs abords ... Des dérogations peuvent être accordées : 1° A titre exceptionnel, pour l'utilisation d'hélisurfaces dans les agglomérations ou à leurs abords, afin d'exécuter certaines opérations de travail aérien ..." ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'en estimant, par sa décision du 5 mai 1988, que la demande présentée par la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" de création d'une hélisurface à Ramatuelle ne pouvait être accueillie, le sous-préfet de Draguignan aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que, par suite, le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à l'égard de la société requérante à raison de cette décision ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les agissements fautifs de l'administration à l'égard de la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" en 1987 et 1988 ont entraîné, pour cette société, un manque à gagner et ont porté atteinte à sa réputation ; que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société requérante en condamnant l'Etat à lui verser à ce titre une somme de 50 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" a droit aux intérêts de la somme de 10 050 000 F à compter du 9 juin 1989, date de la réception de sa demande d'indemnité respectivement par le ministre de la défense et le ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 31 mai 1991, devant le tribunal administratif de Nice, et le 1er février 1995, devant le Conseil d'Etat ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 20 juin 1991 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" tendant à l'annulation de la décision implicite du ministre de l'équipement, du logement et des transports rejetant sa demande de renouvellement d'autorisation de transport public aérien présentée le 8 janvier 1988, et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux à l'encontre de cette décision. Lesdites décisions implicites du ministre de l'équipement, du logement et des transports sont annulées.
Article 2 : La somme de 100 000 F que l'Etat a été condamné à verser à la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" par le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 juin 1991 est portée à 10 050 000 F. Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 9 juin 1989. Les intérêts échus le 31 mai 1991 et le 1er février 1995 seront capitalisés à ces dates pour produire euxmêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 20 juin 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES" enregistrée sous le n° 129415 et de son recours incident enregistré sous le n° 138135 est rejeté.
Article 5 : Le recours du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de l'espace enregistré sous le n° 138135 est rejeté, ainsi que le recours incident de ce ministre enregistré sous le n° 129415.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. "NICE HELICOPTERES", au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme et au ministre d'Etat, ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 129415
Date de la décision : 24/03/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

65-03 TRANSPORTS - TRANSPORTS AERIENS.


Références :

Arrêté du 01 février 1979 art. 19
Code civil 1154
Code de l'aviation civile L330-6, L330-7, R330-4


Publications
Proposition de citation : CE, 24 mar. 1995, n° 129415
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mlle Laigneau
Rapporteur public ?: M. Frydman

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:129415.19950324
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