Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 8 décembre 1992 présentée par le PREFET DU BAS-RHIN ; le PREFET DU BAS-RHIN demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 30 octobre 1992 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 29 octobre 1992 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Muharrem X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990 et la loi du 26 février 1992 ;
Vu le code des tribunaux et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 : "I. Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ... : 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour temporaire a été refusé s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la date de notification du refus ;
Considérant que les dispositions précitées n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de subordonner la légalité d'un arrêté de reconduite à la frontière pris sur le fondement du 3° précité à l'examen préalable de la demande de régularisation que l'étranger a pu présenter postérieurement à la notification du refus de délivrance ou de renouvellement d'un titre de séjour ;
Considérant, d'une part, que M. X..., à qui la qualité de réfugié a été refusée par une décision du 20 septembre 1991 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée le 30 mars 1992 par la commission des recours des réfugiés, a reçu notification le 9 avril 1992 d'une décision du PREFET DU BAS-RHIN en date du 7 avril 1992 lui refusant la délivrance de la carte de résident en qualité de réfugié et l'invitant à quitter le territoire dans un délai d'un mois ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté du 29 octobre 1992, il entrait dans le champ d'application du 3° précité de l'article 22-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée ; que la circonstance que l'intéressé ait demandé, par lettres des 9 juillet et 14 octobre 1992, la régularisation de sa situation au titre de la circulaire du 23 juillet 1991, n'obligeait pas le préfet à surseoir à l'édiction d'un arrêté de reconduite à la frontière jusqu'à ce qu'il ait statué sur cette demande de régularisation, ni à indiquer dans l'arrêté du 29 octobre 1992 les motifs de son refus de régulariser la situation de M. X... ;
Considérant, d'autre part, qu'en indiquant dans son arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de M. X..., que l'intéressé, ressortissant turc à qui la qualité de réfugié a été refusée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par la commission des recours des réfugiés, s'est maintenu sur le territoire au-delà d'un mois à compter de la notification, le 9 avril 1992, de la décision du PREFET DU BAS-RHIN refusant le séjour et que l'intéressé se trouvait ainsi dans l'un des cas où, en application de l'article 22-1-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, il pouvait faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, le préfet a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences de l'article 22-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé, pour annuler son arrêté du 29 octobre 1992 ordonnant la reconduite de M. X... à la frontière, sur l'absence des motifs qui l'auraient conduit à refuser la demande de régularisation sollicitée par l'intéressé ;
Considérant qu'il appartient toutefois au juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant que l'arrêté attaqué a été signé par M. Y..., secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, titulaire d'une délégation régulière de la signature du PREFET DU BAS-RHIN accordée par un arrêté du 19 février 1990 et publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du 1er mars 1990 ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué manque en fait ;
Considérant qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le PREFET DU BAS-RHIN ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa mesure sur la situation personnelle de M. X... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DU BAS-RHIN est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué ;
Article 1er : le jugement susvisé en date du 30 octobre 1992 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Muharrem X..., au PREFET DU BAS-RHIN et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.