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28/04/1995 | FRANCE | N°122698

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 28 avril 1995, 122698


Vu 1°), sous le n° 122 698, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 janvier 1991 et 27 mai 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 21 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, annulé la décision du 14 avril 1987 de son président prononçant le licenciement de Mme X..

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Vu 1°), sous le n° 122 698, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 janvier 1991 et 27 mai 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 21 novembre 1990 par lequel le tribunal administratif de Rennes a, d'une part, annulé la décision du 14 avril 1987 de son président prononçant le licenciement de Mme X... et la décision implicite refusant de réintégrer cette dernière dans ses fonctions et, d'autre part, l'a condamné à verser à Mme X... une indemnité de 145 000 F en réparation du préjudice subi du fait de ces décisions ;
- de rejeter la demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Rennes ;
Vu 2°), sous le n° 130 241, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 17 octobre 1991 et 17 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP demande au Conseil d'Etat :
- d'annuler l'ordonnance du 2 octobre 1991 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser une provision de 300 000 F à Mme X... ;
- de rejeter la demande de provision présentée par Mme X... devant le président du tribunal administratif de Rennes ;
Vu 3°), sous le n° 134 138, la requête, enregistrée le 18 février 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP demande au Conseil d'Etat d'ordonner le sursis à exécution de l'ordonnance du 2 octobre 1991 par laquelle le président du tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mme X... une provision de 300 000 F ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la famille et de l'aide sociale ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu le décret n° 85-1141 du 23 octobre 1985 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Combrexelle, Maître des requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP et de Me de Nervo, avocat de Mme X...,
- les conclusions de M. Savoie, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP concernent la situation du même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la compétence du Conseil d'Etat :
Considérant que Mme X... a demandé au tribunal administratif de Rennes, d'une part, l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP a refusé de rapporter la décision du 14 avril 1987 la licenciant pour insuffisance professionnelle et de la réintégrer dans ses fonctions de directrice de foyer-logement ainsi que le versement d'une indemnité en réparation du préjudice qui lui a été causé par la décision attaquée pendant la période allant jusqu'au 31 décembre 1988 ; qu'elle a, d'autre part, demandé au tribunal la réparation du préjudice qui lui a été causé par la même décision pendant la période du 1er janvier 1989 au 31 juillet 1991 et saisi le juge des référés du tribunal administratif d'une demande tendant à l'allocation d'une provision à raison de ce dernier préjudice ;
Considérant que le Conseil d'Etat, compétent pour connaître de l'appel formé le 28 janvier 1991 par le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP contre le jugement rendu sur les conclusions d'excès de pouvoir l'est également, en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987, pour statuer sur les conclusions dirigées contre le même jugement en tant qu'il se prononce sur la demande d'indemnisation du préjudice causé par la décision attaquée pendant la période allant jusqu'au 31 décembre 1988 ; que le Conseil d'Etat est aussi compétent pour connaître de l'appel formé contre l'ordonnance rendue sur les conclusions tendant au versement d'une provision, destinée à réparer le préjudice causé par la même décision pour la période postérieure au 1er janvier 1989, alors même que la demande au fond relative à ce préjudice est encore pendante devant le tribunal administratif ;
Sur le jugement du 21 novembre 1990 :
En ce qui concerne les conclusions relatives à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions du président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP :
Considérant que, par sa demande présentée au tribunal administratif, Mme X... ne demandait pas l'annulation de la décision de licenciement du 14 avril 1987 ; qu'en prononçant l'annulation de cette décision, le tribunal administratif a statué au-delà des conclusions de la demande ; que son jugement doit, dès lors, être annulé en tant qu'il annule ladite décision ;

Considérant qu'aux termes du 5ème alinéa alors en vigueur de l'article 9 de la loi du 26 janvier 1984 : "Le conseil supérieur de la fonction publique territoriale est organe supérieur de recours dans les cas mentionnés aux articles 72, 91, 93 et 97 de la présente loi" et qu'aux termes de l'article 93 de la même loi : "Le licenciement pour insuffisance professionnelle est prononcé après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire" ; que, toutefois, si, dans sa rédaction alors applicable, l'article 91 de cette même loi, relatif à la procédure disciplinaire, après avoir prévu que les fonctionnaires qui ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent saisir le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, dispose que : "L'autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par la formation compétente du conseil supérieur", cette dernière règle, liée à l'existence en matière disciplinaire d'une échelle de sanctions entre lesquelles les autorités qualifiées peuvent choisir, n'est pas transposable dans le cas d'insuffisance professionnelle où la seule mesure qui peut intervenir est l'éviction de l'intéressé ; qu'ainsi cette disposition est au nombre de celles qui ne sont pas applicables au licenciement pour insuffisance professionnelle ; que c'est, dès lors, à tort que le tribunal administratif, pour annuler la décisionimplicite de refus de réintégration attaquée s'est fondé sur le motif que le conseil supérieur de la fonction publique territoriale avait émis l'avis qu'il n'y avait pas lieu de maintenir la décision de licenciement de Mme X...

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... devant le tribunal administratif de Rennes ;
Considérant que si le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP soutient que Mme X... a été dans l'incapacité d'assurer correctement ses fonctions de directrice de foyer-logement, il n'apporte au soutien de ses allégations aucune justification sur la manière de servir de l'intéressée permettant de regarder comme établie l'insuffisance professionnelle ; que la circonstance, à la supposer établie, que Mme X... aurait, par ailleurs, commis des fautes disciplinaires n'est pas de nature à légalement justifier un licenciement pour insuffisance professionnelle ; que la décision de licenciement, qui n'était pas devenue définitive en raison du recours formé par l'intéressée devant le conseil supérieur de la fonction publique territoriale, était, en conséquence, entachée d'excès de pouvoir ; que le centre communal d'action sociale était, dès lors, tenu de faire droit à la demande de retrait de cette décision et de réintégration présentée par Mme X... ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision refusant de réintégrer Mme X... dans ses fonctions ;
En ce qui concerne les conclusions du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP relatives à l'indemnité qu'il a été condamné à verser à Mme X... :

Considérant que si Mme X... n'a pas, avant de saisir le tribunal administratif, demandé une indemnité au CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP en réparation du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis pendant la période écoulée jusqu'au 31 décembre 1988 du fait de la décision attaquée, le centre a, dans son mémoire en défense produit devant les premiers juges, conclu au rejet comme non fondées des conclusions par lesquelles Mme X... demandait que le centre soit condamné à lui verser, outre une somme correspondant à la perte de traitements, une indemnité de 50 000 F en réparation de ces préjudices ; que le centre a ainsi lié le contentieux et qu'il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les conclusions tendant au versement de cette indemnité sont irrecevables ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP, en refusant illégalement de réintégrer Mme X... dans ses fonctions, a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ; que les fautes de caractère disciplinaire qu'aurait par ailleurs commises Mme X... ne sont pas, dans les circonstances de l'espèce, de nature à exonérer totalement ou partiellement le centre de sa responsabilité ; que le tribunal a fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par Mme X... en lui accordant une indemnité de 50 000 F ;
Sur l'ordonnance du 2 octobre 1991 :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus sur le caractère fautif du refus de réintégration de Mme X... que l'obligation pour le centre de verser à cette dernière une indemnité en réparation du préjudice subi pendant la période du 1er janvier 1989 au 31 juillet 1991 n'était pas sérieusement contestable ; que si le président du tribunal administratif de Rennes, pour accorder la provision litigieuse, a mentionné à tort le caractère définitif du jugement du 21 novembre 1990, ce motif surabondant est sans incidence sur la validité de l'ordonnance attaquée ;
Considérant que le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président du tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mme X... une provision de 300 000 F ;
Sur les conclusions de Mme X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP à verser à Mme X... une somme de 10 000 F au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes en date du 21 novembre 1990 est annulé en tant qu'il annule la décision en date du 14 avril 1987 par laquelle le président du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP a licencié Mme X....
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes du CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP est rejeté.
Article 3 : Le CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP versera à Mme X... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au CENTRE COMMUNAL D'ACTION SOCIALE DE GRANDCHAMP, à Mme X... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 122698
Date de la décision : 28/04/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-07-01-03 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (LOI DU 26 JANVIER 1984).


Références :

Loi 84-53 du 26 janvier 1984 art. 9, art. 93
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 28 avr. 1995, n° 122698
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Combrexelle
Rapporteur public ?: M. Savoie

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:122698.19950428
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