Vu la requête enregistrée le 10 juin 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Bibi X... demeurant ... ; Mme X... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 16 mars 1994 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 10 mars 1994, par lequel le préfet de la Seine Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu la convention européenne des droits de l'homme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X... s'est maintenue sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 14 décembre 1992, de la décision du préfet de Seine Saint-Denis du 10 décembre 1992, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'elle était ainsi dans le cas visé au 3°) de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., de nationalité mauricienne qui est entrée en France en décembre 1987, est veuve et avait, à la date de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre le 10 mars 1994, la charge de son fils né le 18 mars 1976 et scolarisé en France depuis 1988 ; que ses frères résident régulièrement en France et qu'elle n'a plus d'attache dans son pays ; que, dans ces conditions, l'arrêté du préfet de Seine Saint-Denis en date du 10 mars 1994 a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi Mme X... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;
Article 1er : Le jugement susvisé du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris en date du 16 mars 1994, ensemble l'arrêté du préfet de la Seine Saint-Denis en date du 10 mars 1994 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Bibi X..., au préfet de la Seine Saint-Denis et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.