Vu le recours du MINISTRE CHARGE DE LA MER enregistré le 26 mai 1989 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE CHARGE DE LA MER demande l'annulation du jugement en date du 3 février 1989 par lequel le tribunal administratif de Nice a 1°) annulé sa décision du 12 mai 1987, ensemble la décision confirmative du 3 novembre 1987 refusant à M. Gilbert l'attribution du complément d'indemnité d'installation correspondant à la prolongation de son séjour en Martinique, 2°) condamné l'Etat à verser à M. Gilbert la somme de 211 883,35 F avec les intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 1987 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 50-1258 du 6 octobre 1950 modifié par le décret n° 52-589 du 26 avril 1952 ;
Vu le décret n° 51-725 du 8 juin 1951 ;
Vu le décret n° 77-31 du 4 janvier 1977 portant statut particulier du corps des administrateurs des affaires maritimes ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Bergeal, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Odent, avocat de M. Jacques X...,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 modifié susvisé : "Le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : ... 2° des litiges relatifs à la situation individuelle des fonctionnaires nommés par décret du Président de la République ..." ; que l'article 2 de l'ordonnance du 28 novembre 1958, portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat, précise que : "Sont nommés par décret du Président de la République ... les officiers des armées de terre, de mer et de l'air" ; qu'enfin aux termes de l'article 1er du décret du 4 janvier 1977 susvisé, portant statut particulier du corps des administrateurs des affaires maritimes : "Les administrateurs des affaires maritimes constituent un corps d'officiers de la Marine nationale" ; qu'il résulte de la combinaison de l'ensemble de ces dispositions que le MINISTRE CHARGE DE LA MER est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice s'est estimé compétent pour connaître de la demande de M. Gilbert, administrateur des affaires maritimes, dirigée contre la décision du même ministre lui refusant le bénéfice du complément de prime d'installation, instauré par le décret du 6 octobre 1950 modifié susvisé ; qu'ainsi, le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 3 février 1989 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer directement sur la requête présentée par M. Gilbert devant le tribunal administratif de Nice ;
Sur les conclusions en annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 7 bis du décret du 6 octobre 1950 susvisé : "Les militaires, visés au premier alinéa du présent article effectuant, dans l'un des départements d'outre-mer, un séjour d'une durée supérieure à celle fixée par l'article 1er du décret n° 51-725 du 8 juin 1951 susvisé, peuvent percevoir un complément d'indemnité d'installation (principal et le cas échéant, majorations familiales), proportionnel à l'excédent du séjour effectivement accompli, sur le séjour prévu par ledit décret pour les personnels civils, et calculé sur la solde applicable à l'expiration de son dernier séjour ... Les indemnités visées au présent article ne peuvent être allouées pour plus de deux séjours réglementaires successifs dans le même département" ; qu'il résulte de ces dispositions, dès lors que les "indemnités visées au présent article" sont les compléments d'indemnité d'installation et non cette indemnité elle-même, qu'un militaire, dont le premier séjour réglementaire dans un département d'outre-mer est achevé, peut percevoir des compléments d'indemnité d'installation, s'il effectue, à la suite de son premier séjour, deux autres séjours réglementaires successifs et dans la limite de ces deux prolongations ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que M. Gilbert a perçu au titre de son premier séjour à la Martinique du 1er septembre 1981 au 31 août 1983, l'indemnité d'installation instituée par le décret du 6 octobre 1950 modifié susvisé ; qu'il a également perçu, au titre d'un premier séjour complémentaire de deux ans, effectué du 1er septembre 1983 au 31 août 1985, le complément d'indemnité d'installation alloué en vertu des dispositionssusmentionnées de l'article 7 bis du même décret ; que le secrétaire d'Etat à la mer a, par des décisions en date des 12 mai et 3 novembre 1987, refusé à l'intéressé l'attribution du complément d'installation correspondant au séjour complémentaire effectué du 1er septembre 1985 au 31 août 1987, au motif qu'il avait déjà perçu une première fois le complément d'indemnité d'installation ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le ministre a, ce faisant, inexactement appliqué les dispositions précitées de l'article 7 bis du décret du 6 octobre 1950 ;
Considérant qu'il ressort de l'instruction que le séjour en Martinique de M. Gilbert, du 1er septembre 1985 au 31 août 1987, résulte d'un renouvellement de séjour d'une année, prononcé par décision du secrétaire d'Etat à la mer le 7 octobre 1985, lequel constitue le troisième séjour réglementaire de l'intéressé en Martinique, et d'un nouveau renouvellement de séjour d'une année supplémentaire, prononcé par décision de la même autorité le 17 avril 1986, lequel constitue le quatrième séjour réglementaire de M. Gilbert ; que, par suite, et conformément aux dispositions susmentionnées du dernier alinéa de l'article 7 bis du décret du 6 octobre 1950, ce dernier était en droit de prétendre au bénéfice d'un second complément d'installation, mais seulement au titre du séjour du 1er septembre 1985 au 31 août 1986 ; que, M. Gilbert n'est fondé à demander l'annulation des décisions précitées du 12 mai et du 3 novembre 1987 qu'en tant que, par celles-ci, le secrétaire d'Etat à la mer lui a refusé un complément d'indemnité d'installation au titre du séjour du 1er septembre 1985 au 31 août 1986 ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. Gilbert peut prétendre au versement du complément d'indemnité d'installation correspondant au séjour d'une année qu'il a effectué en Martinique du 1er septembre 1985 au 31 août 1986 ; que le montant de cette indemnité doit être calculé, aux termes des dispositions du décret du 6 octobre 1950 susmentionné, sur la base de 4 mois et demi de la solde applicable au 1er septembre 1986, augmentée des majorations familiales ;
Considérant, en second lieu, que si M. Gilbert a droit aux intérêts moratoires sur les sommes qui lui sont dues, à dater du jour de la réception par l'administration de sa demande du 6 mars 1987, aucune disposition légale ou réglementaire ne permet de fixer, comme il le prétend, lesdits intérêts à un taux supérieur au taux légal ; que la capitalisation des intérêts a été par ailleurs demandée par M. Gilbert le 17 janvier 1990 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Considérant, enfin, que l'état de l'instruction ne permettant pas de calculer l'indemnité ainsi due à M. Gilbert, il y a lieu de le renvoyer devant le ministre pour être procédé à la liquidation (en principal et intérêts) de cette indemnité ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice en date du 3 février 1989 est annulé.
Article 2 : Les décisions en date du 12 mai 1987 et du 3 novembre 1987 du secrétaire d'Etat à la mer sont annulées en tant qu'elles refusent à M. Gilbert l'attribution d'un complément d'indemnité d'installation au titre de la période du 1er septembre 1985 au 31 août 1986 ;
Article 3 : L'Etat est condamné à verser à M. Gilbert le complément d'installation auquel il a droit pour la période du 1er septembre 1985 au 31 août 1986. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 6 mars 1987. Les intérêts échus le 17 janvier 1990 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : M. Gilbert est renvoyé devant le MINISTRE CHARGE DE LA MER pour qu'il soit procédé à la liquidation (prinicpal et intérêts) de l'indemnité à laquelle il a droit.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Gilbert et du recours du MINISTRE CHARGE DE LA MER est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme et à M. Gilbert.