Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 décembre 1991 et 19 mars 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X... CHAN, demeurant chez M. Z..., ..., pavillon 5 à Paris (75020) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision en date du 11 octobre 1991 par laquelle la commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 16 mai 1991 par laquelle le directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'admission au statut de réfugié ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la commission des recours des réfugiés ;
3°) de condamner l'office français de protection des réfugiés et apatrides à lui payer la somme de 4 744 F au titre des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 ;
Vu la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 ;
Vu le décret n° 53-377 du 2 mai 1953 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Simon-Michel, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X... CHAN,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article premier de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, le terme de réfugié s'applique à toute personne qui "craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays" ;
Considérant que pour rejeter la demande du requérant, la commission des recours des réfugiés a estimé que : "L'emprisonnement du requérant ne constitue pas une persécution au sens des dispositions de ladite convention car cette sanction est liée aux actes de violence commis par le requérant" ; qu'en se bornant à écarter du champ d'application des stipulations précitées de la Convention de Genève les persécutions alléguées par M. Y..., sans préciser la nature des violences qu'il avait commises et sans rechercher si les mesures d'emprisonnement qu'il prétendait avoir subies étaient dépourvues de lien avec sa race, sa religion, sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou ses opinions politiques, la commission n'a pas mis le juge de cassation à même d'exercer son contrôle ; que, dès lors, M. Y... est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée pour insuffisance de motivation ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'office français de protection des réfugiés et apatrides à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La décision de la commission des recours des réfugiés, en date du 11 octobre 1991, est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la commission des recours des réfugiés.
Article 3 : L'office français de protection des réfugiés et apatrides est condamné à payer à M. Y... la somme de 4 744 F au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. X... CHAN et au ministre des affaires étrangères (office français de protection des réfugiés et apatrides).