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10/05/1995 | FRANCE | N°112580

France | France, Conseil d'État, 6 ss, 10 mai 1995, 112580


Vu, 1°) sous le n° 112580 la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés les 3 janvier, 9 janvier, et 30 avril 1990, 5 décembre 1991 et 19 juin 1992, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Marc X..., demeurant ... et la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE ; M. X... et la S.N.P.N. demandent que le Conseil d'Etat annule un jugement en date du 16 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. X... tendant à l'annulation de la décision en date du 25 juin 1987 par laquelle le préfet de la Gi

ronde a refusé d'enjoindre au président de l'association comm...

Vu, 1°) sous le n° 112580 la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés les 3 janvier, 9 janvier, et 30 avril 1990, 5 décembre 1991 et 19 juin 1992, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Marc X..., demeurant ... et la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE ; M. X... et la S.N.P.N. demandent que le Conseil d'Etat annule un jugement en date du 16 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. X... tendant à l'annulation de la décision en date du 25 juin 1987 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé d'enjoindre au président de l'association communale de chasse agréée de Salleboeuf de procéder au retrait de la propriété de M. X... du périmètre de l'association communale de chasse agréée de Salleboeuf et de radier M. X... de la liste des membres de droit de l'association.
Vu, 2°) sous le n° 112752, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 janvier 1990 et 30 avril 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE représentée par son président en exercice, et M. Marc X..., demeurant ... ; la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE et M. X... demandent que le Conseil d'Etat annule un jugement en date du16 novembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. X... tendant à l'annulation de la décision en date du 25 juin 1987 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé d'enjoindre au président de l'association communale de chasse agréée de Salleboeuf de procéder au retrait de la propriété de M. X... du périmètre de l'association communale de chasse agréée de Salleboeuf et de radier M. X... de la liste des membres de droit de l'association ; ils reprennent leurs moyens susvisés sous le n° 112580 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le Pacte international de New-York ;
Vu la loi du 10 juillet 1964 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Touraine-Reveyrand, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l'association communale de chasse agréée de Salleboeuf,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions aux fins de jonction :
Considérant que les requêtes de M. X... enregistrée sous le n° 112580 et de la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE enregistrée sous le n° 112752 présentent à juger la même question ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la recevabilité de la requête :
Considérant qu'en attaquant la décision implicite par laquelle le président de l'association communale de chasse agréée de la commune de Salleboeuf a refusé de procéder au retrait de leur propriété du périmètre de ladite association, les requérants ont entendu contester la compatibilité de la loi du 10 juillet 1964 relative à l'organisation des associations communales de chasse agréées avec les dispositions, d'une part, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autre part, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du préfet de la Gironde en date du 25 juin 1987 :
Considérant que, compte tenu de la nature de la tutelle exercée par le préfet sur le fonctionnement des associations communales de chasse agréées, déterminée par le décret du 6 octobre 1966 alors en vigueur, et en particulier ses articles 21 et 53, il n'appartenait pas au préfet de la Gironde d'adresser des injonctions au président de l'association communale de chasse agréée de Salleboeuf ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que, c'est-à-tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l'annulation de la décision en date du 25 juin 1987 par laquelle le préfet de la Gironde a refusé d'enjoindre au président de l'association communale de chasse agréée de Salleboeuf de rayer M. X... de la liste des membres de droit de ladite association ;
Sur le moyen tiré de la violation de la liberté de conscience et de mode de vie :
Considérant que l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ratifiée en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée par décret du 3 mai 1974, dispose que "toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience ( ....) ; ce droit implique la liberté de changer ( ....) de conviction, ainsi que la liberté de manifester ( ....) sa conviction individuellement ou collectivement en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. La liberté de manifester ( ....) ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles, qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ; que l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel le législateur français a autorisé l'adhésion par la loi du 25 juin 1980 et dont le texte a été annexé au décret du 29 janvier 1981, publié le 1er février 1981, stipule que "nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d'avoir ou d'adopter une religion ou une conviction de son choix" ;

Considérant qu'aucune disposition de la loi du 10 juillet 1964 ne fait obligation au non-chasseur de pratiquer ou d'approuver la chasse ; que, dès lors, et en tout état de cause le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a jugé que les dispositions de la loi du 10 juillet 1964 n'étaient pas contraires aux dispositions de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Sur le moyen tiré de la violation de la liberté d'association :
Considérant que si les requérants invoquent l'article 20 de la déclaration universelle des droits de l'homme, la seule publication faite au Journal officiel du 9 février 1949 du texte de ladite déclaration ne permet pas de ranger celle-ci au nombre des traités ou accords internationaux qui, ayant été ratifiés et publiés ont, aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 "une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie" ;
Considérant que l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que "Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts ... L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou àla protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat" ; que l'article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est rédigé dans des termes semblables ;
Considérant que la loi du 10 juillet 1964 a institué des associations communales de chasse agréées par le préfet dans le but d'assurer une meilleure organisation technique de la chasse en France ; qu'en vue de mettre ces organismes à même d'exécuter la mission de service public qui leur est confiée, diverses prérogatives de puissance publique leur ont été conférées ; que, dès lors, en tout état de cause, les dispositions précitées ne sauraient être utilement invoquées pour contester la légalité de la décision attaquée ;
Sur le moyen tiré de la violation du droit de propriété :
Considérant que l'article 1er du protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que "toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur des lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ...." ;

Considérant que la circonstance que des terres appartenant au requérant aient été incluses dans le périmètre d'une association communale de chasse agréée et que les titulaires du droit de chasse peuvent venir y pratiquer cette activité n'a pas privé le requérant de sa propriété, mais a seulement apporté des limitations au droit d'usage de celle-ci conformément aux règles édictées par la loi, lesquelles ne sont pas disproportionnées par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que le moyen susanalysé ne saurait dès lors être accueilli ;
Sur le moyen tiré de la violation du principe de l'égalité devant la loi :
Considérant que l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que "La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation" ; que l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose pour sa part que "Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans discrimination à une égale protection de la loi. A cet égard la loi doit interdire toute discrimination et garantir à toutes les personnes une protection égale et efficace contre toute discrimination, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique et de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation" ;
Considérant que la définition par la loi du 10 juillet 1964 de règles différentes selon que les propriétés concernées par ladite loi sont d'une superficie inférieure ou supérieure à 20 hectares correspond à une différence de situation eu égard aux objectifs poursuivis par cette loi et en particulier à la gestion du patrimoine cynégétique ; que ces règles n'instituent aucune des discriminations de la nature de celles qui sont visées tant par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que par l'article 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande ;
Article 1er : Les requêtes de M. X... et de la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Marc X..., à la SOCIETE NATIONALE DE PROTECTION DE LA NATURE, à l'association communale de chasse agréée de Salleboeuf et au ministre de l'environnement.


Synthèse
Formation : 6 ss
Numéro d'arrêt : 112580
Date de la décision : 10/05/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

03-08 AGRICULTURE, CHASSE ET PECHE - CHASSE.


Références :

Constitution du 04 octobre 1958 art. 55
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 1er protocole additionnel 1952-03-20 art. 1er
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 9, art. 11, art. 14
Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 art. 20
Décret 66-747 du 06 octobre 1966 art. 21, art. 53
Décret 74-360 du 03 mai 1974
Décret 81-76 du 29 janvier 1981 annexe
Loi 64-696 du 10 juillet 1964
Loi 73-1227 du 31 décembre 1973
Loi 80-460 du 25 juin 1980
Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 art. 18, art. 22, art. 26


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 1995, n° 112580
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Touraine-Reveyrand
Rapporteur public ?: M. Sanson

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:112580.19950510
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