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14/06/1995 | FRANCE | N°132705;140407

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 14 juin 1995, 132705 et 140407


Vu 1°), sous le n° 132 705, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 1991 et 21 avril 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Orgacim, dont le siège est ... ; la société Orgacim demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 24 octobre 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, avant-dire droit sur les conclusions du recours du ministre du budget tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Paris du 23 juin 1988 accordant à la société 2M Diffusion la décharge

du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui lui ...

Vu 1°), sous le n° 132 705, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 décembre 1991 et 21 avril 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Orgacim, dont le siège est ... ; la société Orgacim demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 24 octobre 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, avant-dire droit sur les conclusions du recours du ministre du budget tendant à la réformation du jugement du tribunal administratif de Paris du 23 juin 1988 accordant à la société 2M Diffusion la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui lui avaient été assignés au titre de la période du 1er mars 1978 au 28 février 1982, ordonné qu'il soit procédé à un supplément d'instruction aux fins, pour l'administration, de déterminer contradictoirement avec la société 2M Diffusion le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des mois de février, août, octobre, novembre 1980 et juillet 1981 ;
Vu 2°), sous le n° 140 407, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 août 1992 et 3 décembre 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Orgacim, dont le siège est ... ; la société Orgacim demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 16 juin 1992 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, réformant le jugement rendu par le tribunal administratif de Paris le 23 juin 1988, a remis à sa charge, comme venant aux droits de la société 2M Diffusion, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée due par cette dernière pour les mois de février, août, octobre, novembre 1980 et juillet 1981, la somme de 30 887,85 F en principal, ainsi que "les pénalités de taxation d'office y afférentes" ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Dulong, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société Orgacim,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes :
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 287 du code général des impôts : "1. Tout redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est tenu de remettre chaque mois à la recette des impôts dont il dépend et dans le délai fixé par arrêté une déclaration conforme au modèle prescrit par l'administration ..." ; que l'article 39 de l'annexe IV au même code, fixe, en son 1-1° et en fonction de divers critères, "la date limite à laquelle les redevables sont tenus de remettre ou d'envoyer au service des impôts la déclaration prescrite par l'article 287-1 du code général des impôts" ; qu'il résulte des dispositions de l'article 288 du code que le redevable qui n'a pas souscrit dans le délai prescrit la déclaration mensuelle à laquelle il est tenu peut, au titre du mois correspondant, être taxé d'office ;
Considérant, d'autre part, que, lorsque l'administration demande au juge de l'impôt le maintien ou le rétablissement de tout ou partie d'une imposition établie suivant une procédure qu'a entachée une irrégularité, en faisant valoir qu'elle aurait été en droit d'appliquer une autre procédure, au regard de laquelle cette irrégularité n'a pas d'incidence, il incombe au juge de s'assurer, avant d'accueillir le principe d'une telle substitution, que la matérialité des circonstances qui auraient autorisé l'administration à mettre en oeuvre la procédure dont elle se réclame résulte, en l'état, de l'instruction, et, notamment, des éléments qu'il revient, dans ce cas, à l'administration d'apporter afin de justifier du bien-fondé de sa prétention ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que, pour demander à celle-ci le rétablissement d'une fraction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui avaient été assignés à la société 2M Diffusion au titre de la période du 1er mars 1978 au 28 février 1982, et dont le tribunal administratif avait prononcé la décharge entière au motif que la procédure de rectification d'office suivant laquelle ces droits et pénalités avaient été établis procédait de constatations effectuées à l'occasion d'opérations de vérification entachées d'une irrégularité, le ministre du budget s'est borné à indiquer que la société était en situation d'être taxée d'office au titre de chacun des mois de février, août, octobre, novembre 1980 et juillet 1981 à raison du dépôt tardif de ses déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en accueillant dans son principe, aux termes de son arrêt du 24 octobre 1991, la substitution ainsi proposée par le ministre eu égard à l'"existence incontestée" d'une situation de taxation d'office, sans rechercher s'il résultait des pièces versées au dossier par l'administration que les déclarations mensuelles de taxe en cause avaient été effectivement remises, ou expédiées par la voie postale, à la recette des impôts après la date limite, du 24 de chacun des mois indiqués ou du premier jour ouvrable suivant, impartie pour ce faire à la société 2M Diffusion en application des dispositions précitées du 1 de l'article 39 de l'annexe IV au code général des impôts, la cour administrative d'appel n'a pas légalement motivé le dispositif dudit arrêt ; que la société Orgacim est, par suite, fondée à demander que cet arrêt, et, par voie de conséquence, l'arrêt du 16 juin 1992 fixant, après supplément d'instruction, le montant des droits et pénalités remis à sa charge, soient annulés ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que le ministre n'établit pas par les seules pièces qu'il a produites devant le juge à l'appui de sa demande de substitution de base légale, que les déclarations mensuelles de la société relatives à la taxe sur la valeur ajoutée des mois de février, août, octobre et novembre 1980 et juillet 1981 auraient été souscrites tardivement ; que sa demande de substitution de base légale n'est donc pas fondée ; que le ministre, dès lors, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif a accordé à la société 2M Diffusion la décharge entière du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités en litige ;
Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Paris du 24 octobre 1991 et du 16 juin 1992 sont annulés.
Article 2 : Le recours présenté par le ministre du budget devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Orgacim et au ministre de l'économie et des finances.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 132705;140407
Date de la décision : 14/06/1995
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - QUESTIONS COMMUNES - DIVERS - Substitution de base légale - Devoir du juge de s'assurer que les conditions de la substitution résultent de l'instruction.

19-02-01-04, 19-06-02-07-04 Lorsque l'administration demande au juge de l'impôt le maintien ou le rétablissement d'une imposition établie suivant une procédure irrégulière, en faisant valoir qu'elle aurait été en droit d'appliquer une autre procédure, au regard de laquelle cette irrégularité n'a pas d'incidence, il incombe au juge de s'assurer que la matérialité des circonstances qui auraient autorisé l'administration à mettre en oeuvre la procédure dont elle se réclame résulte, en l'état, de l'instruction, et notamment des éléments que l'administration doit apporter pour justifier du bien-fondé de sa prétention. Annulation de l'arrêt par lequel une cour administrative d'appel a admis qu'une société était en situation d'être taxée d'office sans vérifier la tardiveté, alléguée par l'administration, de ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILEES - TAXE SUR LA VALEUR AJOUTEE - PROCEDURE DE TAXATION - TAXATION - EVALUATION OU RECTIFICATION D'OFFICE - Taxation d'office - Situation de taxation d'office alléguée à l'appui d'une demande de substitution de base légale - Vérification à opérer par le juge.


Références :

CGI 287, 288
CGIAN4 39
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11


Publications
Proposition de citation : CE, 14 jui. 1995, n° 132705;140407
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rougevin-Baville
Rapporteur ?: M. Dulong
Rapporteur public ?: M. Loloum
Avocat(s) : SCP Le Griel, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:132705.19950614
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