Vu la requête enregistrée le 1er août 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Fafani X..., demeurant ... ; Mme X... demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 1993 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 1er décembre 1993 par lequel le préfet de la Gironde a décidé la reconduite à la frontière de Mme Fafani X... ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le Préfet peut "décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 2° si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de la validité de son visa ..... sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré" ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Fafani X..., ressortissante tunisienne entrée en France en août 1991, s'est maintenue dans de telles conditions sur le territoire et entrait ainsi dans le champ d'application de cette disposition ;
Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la mesure de reconduite à la frontière prise à son encontre le 1er décembre 1993, Mme Fafani X... vivait en France avec son mari atteint de troubles de santé graves et ses trois enfants dont l'un, issu d'une première union, scolarisé et les deux autres nés en France le 18 novembre 1991 et le 24 mai 1993 ; que d'ailleurs, le mari de Mme X..., ressortissant tunisien qui vivait en France depuis de longues années, a déposé le 2 juin 1994 une demande de naturalisation ; qu'ainsi, Mme X... est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est, dès lors, fondée à en demander l'annulation ainsi que du jugement attaqué ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Bordeaux en date du 6 décembre 1993, ensemble l'arrêté du préfet de la Gironde en date du 1er décembre 1993 ordonnant la reconduite à la frontière de Mme X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Fafani X..., au préfet de la Gironde et au ministre de l'intérieur.