Vu, enregistré le 11 avril 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 5 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Nouméa, avant de statuer sur la demande de la société S.D.G. Continent tendant à l'annulation de la décision en date du 27 avril 1994 par laquelle le directeur adjoint du travail de la Nouvelle-Calédonie lui a infligé une pénalité de 2 938 856 F CFP pour absence de déclaration d'emploi de travailleurs handicapés, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen la question suivante : une autorité réglementaire, en l'occurrence une institution d'un territoire d'outre-mer, compétente dans une matière déterminée et autorisée par la loi à assortir les infractions aux règlements qu'elle édicte de certaines sanctions pénales, peut-elle également les assortir de sanctions administratives ou l'institution de ces dernières relève-t-elle, par nature, du législateur ? ;
Vu les pièces du dossier transmis par le tribunal administratif ;
Vu la Constitution et notamment ses articles 34, 37, 72 et 74 ;
Vu l'ordonnance n° 85-1181 du 13 novembre 1985 ;
Vu la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 ;
Vu la délibération du congrès du territoire de Nouvelle-Calédonie n° 206 du 23 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, et notamment son article 12 ;
Vu les articles 57-11 à 57-13 rajoutés au décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Scanvic, Commissaire du gouvernement ;
Si l'article 37 de la Constitution dispose que : "les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire", ce domaine est déterminé non seulement par l'article 34 mais aussi par d'autres dispositions de la Constitution, et notamment s'agissant d'un territoire d'outre-mer par ses articles 72 et 74. Sur ce fondement, la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 a, d'une part, en son article 8, 13°, donné compétence à l'Etat pour fixer les "principes directeurs du droit du travail" et d'autre part, en son article 9, 20°, donné compétence au territoire dans les matières du "droit du travail".
Dans les matières relevant du droit du travail il appartient donc au territoire dans le cadre des principes directeurs fixés par l'Etat, non seulement de définir les règles applicables mais aussi de déterminer, en tant que de besoin, les pénalités administratives sanctionnant les infractions aux règles qu'il édicte, pénalités à défaut desquelles ces règles constitueraient des obligations dépourvues de sanctions. Par suite, le Congrès du Territoire est compétent, en se fondant sur l'article 55 de l'ordonnance du 13 novembre 1985 qui réserve une priorité d'emploi aux handicapés et laisse le soin au Congrès de fixer les modalités de cette priorité, pour instituer, sous le contrôle du juge et dans le respect des principes généraux, des pénalités à la charge des employeurs qui n'établissent pas la déclaration annuelle relative à l'emploi des travailleurs handicapés ou qui refusent une personne handicapée proposée par le service de l'emploi.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Nouméa, à la société S.D.G. Continent S.A., au territoire de la Nouvelle-Calédonie, au ministre de l'outre-mer et au délégué du gouvernement pour la Nouvelle-Calédonie et les îles Wallis et Futuna, Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.