La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/1995 | FRANCE | N°85734

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 28 juillet 1995, 85734


Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, enregistré le 11 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement du 16 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 11 avril 1985 du commissaire principal, chef de la délégation régionale au recrutement et à la formation de la police, refusant, par délégation du commissaire de la République délégué pour la police à Marseille, d'agréer la candidature de M. X... à l'emploi de commissaire de la police nationale ;r> 2° de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal adm...

Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR, enregistré le 11 mars 1987 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler le jugement du 16 décembre 1986 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 11 avril 1985 du commissaire principal, chef de la délégation régionale au recrutement et à la formation de la police, refusant, par délégation du commissaire de la République délégué pour la police à Marseille, d'agréer la candidature de M. X... à l'emploi de commissaire de la police nationale ;
2° de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 68-70 du 24 janvier 1968, notamment son article 5 ;
Vu le décret n° 73-838 du 24 août 1973 ;
Vu le décret n° 71-572 du 1er juillet 1971 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gervasoni, Auditeur,
- les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 5-2° du décret du 24 janvier 1968 modifié susvisé : "Outre les conditions générales prévues par l'article 16 de l'ordonnance du 4 février 1959 et les conditions spéciales prévues par les statuts particuliers, nul ne peut être nommé à un emploi des services actifs de la police nationale : ( ...) 2° Si sa candidature n'a pas reçu l'agrément du ministre de l'intérieur" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 24 août 1973 susvisé : "Le ministre de l'intérieur peut déléguer, par arrêté, une partie de ses pouvoirs aux préfets sous l'autorité desquels sont placés les secrétariats généraux pour l'administration de la police en ce qui concerne la gestion des personnels de la police nationale affectés dans leur ressort ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret, la délégation de pouvoirs prévue à l'article 1er précité "ne peut porter sur les décisions suivantes concernant les personnels titulaires : Nomination ( ...)" ; que, par un arrêté du 24 août 1973, le MINISTRE DE L'INTERIEUR a délégué de manière permanente aux préfets responsables des SGAP "1. Pour l'ensemble des corps de fonctionnaires de police, les décisions concernant : L'approbation des candidatures aux concours de recrutement ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet sous l'autorité duquel est placé le secrétariat général pour l'administration de la police dispose d'une délégation de pouvoir du MINISTRE DE L'INTERIEUR pour agréer les candidats aux concours des services actifs de la police nationale, compétence distincte du pouvoir de nomination des candidats admis auxdits concours ; que, dès lors, c'est à tort que, par son jugement en date du 16 décembre 1986, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 11 avril 1985 du commissaire principal délégué régional au recrutement et à la formation de la police refusant, sur délégation du commissaire de la République délégué pour la police à Marseille, d'agréer la candidature de M. X... au concours de commissaire de la police nationale, au motif que le commissaire de la République délégué pour la police ne disposait pas d'une délégation légale de compétence à cet effet ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... devant le tribunal administratif de Marseille ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 du décret du 1er juillet 1971 relatif à la compétence et à l'organisation des secrétariats généraux pour l'administration de la police : "Les préfets sous l'autorité desquels sont placés les secrétariats généraux pour l'administration de la police peuvent déléguer leur signature aux fonctionnaires chargés desfonctions de secrétaire général et, pour le cas d'absence ou d'empêchement de ces derniers, à des fonctionnaires de catégorie A placés sous leurs ordres." ; qu'il résulte de ces dispositions que le commissaire de la République délégué pour la police à Marseille a pu légalement, par un arrêté du 26 octobre 1982, consentir au secrétaire général pour l'administration de la police placé sous son autorité ou, en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, au délégué régional au recrutement et à la formation de la police, une délégation de signature lui permettant d'agréer les candidats aux concours des emplois des services actifs de la police nationale ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait les règles relatives aux délégations de signature ne peut être accueilli ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : "Sous réserve des dispositions de l'article 5-bis, nul ne peut avoir la qualité de fonctionnaire : 1° S'il ne possède la nationalité française ; 2° S'il ne jouit de ses droits civiques ; 3° Le cas échéant, si les mentions portées au bulletin n° 2 de son casier judiciaire sont incompatibles avec l'exercice des fonctions ; 4° S'il ne se trouve en position régulière au regard du code du service national ; 5° S'il ne remplit les conditions d'aptitude physique exigées pour l'exercice de la fonction" ; que, si ces dispositions ont implicitement abrogé celles de l'article 16 de l'ordonnance du 4 février 1959 relatives à la condition de moralité requise pour avoir la qualité de fonctionnaire, elles n'ont pas eu pour objet d'interdire à l'administration d'apprécier si un candidat à un concours présente les garanties nécessaires à l'exercice des fonctions auxquelles il postule ; que, dès lors, en refusant, en application de l'article 5-2° du décret du 24 janvier 1968, d'agréer la candidature de M. X... en estimant que celui-ci ne présentait pas de telles garanties, le délégué régional au recrutement et à la formation de la police ne s'est pas fondé sur des dispositions qui auraient perdu toute base légale depuis l'abrogation de l'ordonnance précitée ;
Considérant, en troisième lieu, que si la décision autorisant un candidat à participer aux épreuves d'un concours crée des droits au profit de l'intéressé, cette décision peut néanmoins, lorsqu'elle est entachée d'illégalité, être rapportée par son auteur tant que le délai de recours contentieux n'est pas expiré ; que, même si la notification de cette décision à la personne intéressée a entraîné l'expiration du délai de recours en ce qui la concerne, le défaut de publication de ladite décision empêche ce délai de courir à l'égard des tiers ;

Considérant, d'une part, qu'à la date de la décision attaquée, le 11 avril 1985, la décision en date du 15 janvier 1985 par laquelle M. X... a été autorisé à se présenter aux épreuves du concours de commissaire de police, n'était pas devenue définitive, dès lors que la liste des candidats admis au concours n'a été publiée que le 14 août 1985 ;
Considérant, d'autre part, que pour refuser d'agréer la candidature de M. X... au concours de commissaire de police, l'administration s'est fondée sur des faits, qui ne sont pas matériellement inexacts, qui avaient signalé l'intéressé à l'attention des services de police en 1978, notamment l'utilisation de chèques dans des conditions irrégulières dont elle a pu légalement estimer qu'il n'étaient pas compatibles avec les garanties exigées dans l'emploi de commissaire de police ;
Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que le refus d'agrément aurait pour seul fondement "un traitement automatisé d'informations donnant une définition du profil ou de la personnalité de l'intéressé", en violation des dispositions de l'article 2 de la loi du 6 janvier 1978 qui interdisent l'utilisation de ce procédé, manque, en tout état de cause, en fait ;
Considérant, enfin, que l'autorité administrative pouvait tenir compte de faits qui auraient été amnistiés ou qui n'auraient fait l'objet d'aucune condamnation pénale pour refuser d'agréer la candidature de M. X... ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision en date du 11 avril 1985 du commissaire principal délégué régional au recrutement et à la formation de la police refusant d'agréer la candidature de M. X... au concours de commissaire de la police nationale ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 16 décembre 1986 est annulé.
Article 2 : La demande de M. X... présentée devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Robert X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3 / 5 ssr
Numéro d'arrêt : 85734
Date de la décision : 28/07/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-03-02 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - ENTREE EN SERVICE - CONCOURS ET EXAMENS PROFESSIONNELS.


Références :

Décret 68-70 du 24 janvier 1968 art. 5
Décret 71-572 du 01 juillet 1971 art. 6
Décret 73-838 du 24 août 1973 art. 1, art. 2
Loi 78-17 du 06 janvier 1978 art. 2
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 5
Ordonnance 59-244 du 04 février 1959 art. 16


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1995, n° 85734
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Gervasoni
Rapporteur public ?: M. Toutée

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:85734.19950728
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award