Vu le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DE L'ACTION HUMANITAIRE enregistré le 27 juillet 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE LA SANTE ET DE L'ACTION HUMANITAIRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 juillet 1992 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande M. Y..., la décision en date du 31 mars 1992, par laquelle le ministre délégué à la santé a rapporté l'arrêté du préfet de la Sarthe du 24 juin 1991 accordant à M. Y... l'autorisation d'ouvrir une officine de pharmacie sur le territoire de la commune de Laigné-en-Belin ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y... devant le tribunal administratif de Nantes ;
3°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement attaqué ;
Vu les autres pièces produites et jointes au dossier, et notamment celles desquelles il résulte que communication de ce recours a été donné à Mme A..., M. X... et Mme Z... ;
Vu le code de la santé publique et notamment son article L. 571 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Fombeur, Auditeur,
- les observations de Me Foussard, avocat de M. Yves Y...,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le mémoire en réplique présenté par M. Y..., dont le ministre soutient qu'il n'aurait été reçu par le préfet que le 25 juin 1992 alors que l'audience était prévue pour le 2 juillet suivant, ne comportait aucun moyen nouveau ; qu'ainsi, bien que le préfet n'ait disposé que d'un délai assez bref pour en prendre connaissance, le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été méconnu ;
Sur la légalité de la décision du ministre :
Considérant qu'en vertu de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 571 du code de la santé publique, le préfet peut autoriser l'ouverture d'une officine de pharmacie par dérogation aux règles posées aux alinéas précédents du même article : "Si les besoins réels de la population ... l'exigent" ; qu'en application de cette disposition, le préfet de la Sarthe a, le 24 juin 1991, accordé à M. Y... l'autorisation d'ouvrir une officine à Laigné-en-Belin ; que, sur le recours hiérarchique formé par plusieurs pharmaciens installés dans des communes voisines, le ministre délégué à la santé a, par une décision du 31 mars 1992, retiré l'arrêté du préfet ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la population de Laigné-en-Belin, qui était de 1687 habitants au recensement de 1982, est passée à 1754 habitants au recensement de 1990 ; que cette augmentation s'est poursuivie en raison, notamment, de la réalisation progressive d'un lotissement de 30 lots et de la construction d'une maison de retraite de 66 lits ; que la commune de Laigné-en-Belin comporte divers établissements commerciaux, dont un supermarché situé à proximité de l'emplacement de l'officine que le préfet de la Sarthe avait autorisé M. Y... à ouvrir ; que cette officine était susceptible de contribuer à l'approvisionnement en médicaments d'habitants de communes avoisinantes dépourvues d'officines ; que dans ces conditions, le préfet, dont l'arrêté était, contrairement, à ce qu'a relevé l'arrêté ministériel, suffisamment motivé, a légalement estimé que les besoins réels de lapopulation justifiaient la création d'une officine à Laigné-en-Belin et accordé l'autorisation demandée par M. Y... ; que par suite le ministre n'a pu, légalement, retirer cette décision créatrice de droits qui n'était pas entachée d'illégalité ; que, dès lors, et alors même que sa décision est intervenue avant l'expiration du délai de recours contentieux qui a couru contre l'arrêté du préfet et est suffisamment motivée, le ministre n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes en a prononcé l'annulation ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. Y... la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DE L'ACTION HUMANITAIRE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à M. Y... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Yves Y... et au ministre de la santé publique et de l'assurance maladie.