Vu la requête enregistrée le 21 juin 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE D'EVREUX ; la COMMUNE D'EVREUX demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 26 avril 1990 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération de son conseil municipal en date du 15 juin 1988 décidant d'attribuer le marché de la réalisation de l'espace de culture et de communication du Bois-Jolet au groupement Coignet-Rua-Berim-Gestin et autorisant le maire à signer ledit marché ;
2°) de rejeter la demande de la société civile professionnelle d'architecture et d'urbanisme X... et Fahmy ;
3°) de condamner ladite société civile professionnelle d'architecture et d'urbanisme X... et Fahmy à lui verser des frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M de Bellescize, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la COMMUNE D'EVREUX et de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de MM. X... et Fahmy,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par une délibération en date du 15 juin 1988, le conseil municipal d'Evreux a autorisé le maire à passer avec le groupement constitué par l'entreprise Coignet, la société d'urbanisme et d'architecture R.U.A., le Bureau Berim et M. Y..., architecte, un marché pour la réalisation de "l'espace de culture et de communication du Bois-Jolet" ; que ce groupement avait été retenu par le jury du concours organisé par la commune pour examiner les candidatures ;
Considérant, en premier lieu, qu'en admettant même que le conseil municipal fût tenu de se conformer aux propositions du jury de concours, la délibération litigieuse était de nature à faire grief à MM. X... et Fahmy, architectes de l'un des groupements concurrents ; que, par suite, contrairement à ce que soutient la COMMUNE D'EVREUX, les conclusions de ces deux architectes devant le tribunal administratif étaient recevables ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions du règlement du concours relatives aux conditions de participation : "Ne peuvent participer au concours les personnes qui ont pris part à son organisation et à l'élaboration du programme ainsi que les membres du jury. Les membres du jury ne pourront, en aucun cas, participer aux missions confiées aux lauréats du concours" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Y..., qui était l'un des membres du groupement retenu, a participé, en février 1987, à l'élaboration d'un pré-programme détaillé pour la réalisation du "centre de culture et de communication du Bois-Jolet" ; que le programme définitif du concours, même s'il était distinct du pré-programme, en était directement inspiré et en différait peu ; que, dans ces conditions, M. Y..., qui a ainsi participé à l'organisation du concours et à l'élaboration du programme, ne pouvait par application des dispositions susrappelées prendre part au concours ; qu'au surplus, le programme définitif a été élaboré par deux bureaux d'études et, au titre de l'un d'eux, par Mme Y..., épouse de M. Y... qui a d'ailleurs présenté le programme à la commission d'action culturelle du conseil municipal, le 17 décembre 1987 ; que la COMMUNE D'EVREUX n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la délibération de son conseil municipal du 15 juin 1988 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'iln'y a pas lieu à cette condamnation" ; que ces dispositions font obstacle à ce que la société civile professionnelle d'architecture et d'urbanisme X... et Fahmy, qui n'est pas la partie perdante, soit condamnée à payer à la COMMUNE D'EVREUX les sommes que celle-ci demande au titre des dispositions législatives précitées ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE D'EVREUX est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE D'EVREUX et au ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement et des transports.