Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 23 avril 1990 et 21 mai 1990 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Brive-la-Gaillarde ; la commune demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 21 décembre 1989 par lequel le tribunal administratif de Limoges a, à la demande de M. Jean X... et des consorts Z..., annulé la délibération du 3 mars 1988 par laquelle son conseil municipal a autorisé le maire à signer avec la S.C.I Léo Lagrange un bail emphytéotique sur un terrain de 4 000 m pour y installer un établissement comportant notamment un "bowling" ;
2°) rejette la demande des consorts Y... de de M. X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988, et notamment son article 13 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de L'Hermite, Auditeur,
- les observations de Me Guinard, avocat de la commune de Brive-la-Gaillarde,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe II, de l'article 13 de la loi du 5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation : "Un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet, en faveur d'une personne privée, d'un bail emphytéotique prévu à l'article L. 451-1 du code rural, en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence. Un tel bail peut être conclu même si le bien sur lequel il porte, en raison notamment de l'affectation du bien résultant soit du bail ou d'une convention non détachable de ce bail, soit des conditions de la gestion du bien ou du contrôle par la personne publique de cette gestion, constitue une dépendance du domaine public, sous réserve que cette dépendance demeure hors du champ d'application de la contravention de voirie" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une collectivité territoriale ne peut légalement conclure un bail emphytéotique sur un bien immobilier lui appartenant dès lors que celui-ci constitue une dépendance de la voirie routière, laquelle entre nécessairement dans le champ d'application de la contravention de voirie ;
Considérant que si la commune de Brive-la-Gaillarde soutient que le terrain faisant partie du domaine public communal, mis à la disposition de la SCI Léo Lagrange par un bail emphytéotique approuvé par une délibération du conseil municipal en date du 3 mars 1988, ne constituait pas une dépendance de la voirie routière, il ressort des pièces du dossier que ce terrain, entouré de voies affectées à la circulation publique, et utilisé essentiellement et de façon permanente comme parc de stationnement automobile, avait le caractère de dépendance de la voirie routière ; que dès lors la commune ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de la loi du 5 janvier 1988, conclure un bail emphytéotique portant sur ce terrain ; qu'ainsi la délibération du 3 mars 1988 approuvant ce bail est illégale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Brive-la-Gaillarde n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé la délibération du 3 mars 1988 ;
Sur les conclusions de Messieurs Jean Z..., Claude Z..., Jean-Marc Z... et Jean X... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde à verser la somme de 5 000 francs respectivement à MM. Jean Z..., Claude Z..., Jean-Marc Z... et Jean X... au titre des sommes exposées par chacun d'entre eux et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la commune de Brive-la-Gaillarde est rejetée.
Article 2 : La commune de Brive-la-Gaillarde versera une somme de 5 000 francs respectivement à M. Jean Z..., M. Claude Z..., M. Jean-Marc Z... et M. Jean X... au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Brive-la-Gaillarde, à MM. Jean Z..., Claude Z..., Jean-Marc Z... et M. Jean X... et au ministre de l'intérieur.