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20/10/1995 | FRANCE | N°160076

France | France, Conseil d'État, President de la section du contentieux, 20 octobre 1995, 160076


Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE DE PARIS ; le PREFET DE POLICE DE PARIS demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 avril 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 avril 1994 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... Bah ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant ledit tribunal ;
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Vu la requête, enregistrée le 13 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DE POLICE DE PARIS ; le PREFET DE POLICE DE PARIS demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 23 avril 1994 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 avril 1994 décidant la reconduite à la frontière de Mme X... Bah ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme Y... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1°. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
Considérant que si Mme Y..., ressortissante malienne, entrée en France en décembre 1992, fait valoir qu'elle a épousé le 18 décembre 1993 un ressortissant français dont elle attend un enfant, il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de Mme Y... en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du 20 avril 1994 du PREFET DE POLICE DE PARIS n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été pris ledit arrêté ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur un tel moyen pour annuler l'arrêté susvisé du PREFET DE POLICE DE PARIS ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'aspect dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande de Mme Y... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut "décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ( ...) 2° si l'étranger s'est maintenu sur le territoire à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré" ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme Y... s'est maintenue dans de telles conditions sur le territoire et entrait ainsi dans le champ d'application de cette disposition ;
Considérant que l'absence de mention du domicile de Mme Y... dans l'arrêté attaqué est sans influence sur la légalité dudit arrêté ; que cet arrêté est suffisamment motivé ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de l'ordonnance du 2 novembre 1945, relatives à la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, telles qu'elles ont été modifiées notamment par les lois des 2 août 1989 et 10 janvier 1990, et notamment des dispositions des articles 22 et 22 bis qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours, et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des arrêtés de reconduite et, par suite, exclure tant l'obligation d'une convocation préalable que l'application des dispositionsde l'article 8 du décret du 28 novembre 1983, dont Mme Y... ne peut, dès lors, utilement se prévaloir ;
Considérant que, lorsqu'un étranger se trouve dans un des cas où, en vertu de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut décider qu'il sera reconduit à la frontière, alors même que ni les dispositions de l'article 25 de la même ordonnance, ni celles de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne font obstacle à une décision de reconduite, il appartient audit préfet d'apprécier si la mesure envisagée n'est pas de nature à comporter des conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressée ;
Considérant que si Mme Y... se trouvait en état de grossesse à la date de la décision ordonnant sa reconduite à la frontière, il ne résulte pas des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par l'intéressée, qu'elle ait été à la date de cette décision hors d'état de supporter un voyage sans danger pour sa santé ; que le PREFET DE POLICE DE PARIS a donc pu, sans entacher son arrêté d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. Y..., décider qu'elle serait reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE DE PARIS est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande de Mme Y... ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant ledit tribunal est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE DE PARIS, à Mme X... Bah et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : President de la section du contentieux
Numéro d'arrêt : 160076
Date de la décision : 20/10/1995
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Décret 83-1025 du 28 novembre 1983 art. 8
Loi 89-548 du 02 août 1989
Loi 90-34 du 10 janvier 1990
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 22 bis, art. 25


Publications
Proposition de citation : CE, 20 oct. 1995, n° 160076
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M LE VERT
Rapporteur public ?: M. Delarue

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1995:160076.19951020
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