Vu 1°), sous le n° 160228, la requête enregistrée le 19 juillet 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Mattéo X..., demeurant à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 16 mai 1994 accordant son extradition aux autorités italiennes ;
Vu 2°), sous le n° 160417 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 26 juillet et 10 août 1994, présentés pour M. Mattéo X..., demeurant à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule le décret du 16 mai 1994 accordant son extradition aux autorités italiennes ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi du 10 mars 1927 ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu le code pénal ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le document enregistré sous le n° 160228 a le même objet que la requête de M. X... enregistrée sous le n° 160417 ; que, par suite, il doit être rayé des registres du secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat pour être joint à la requête n° 160417 ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que la demande d'extradition de M. X... avait pour objet l'exécution, d'une part, d'un ordre d'incarcération du procureur général près la cour d'appel de Florence émis le 28 juin 1992 en vue de l'accomplissement d'un reliquat de peine de 13 ans 7 mois et 23 jours de réclusion sur une peine de 16 ans de réclusion prononcée par la cour d'appel de Florence le 14 octobre 1986, d'autre part, d'un ordre d'incarcération du procureur général près la cour d'appel de Cagliari émis le 25 mai 1988 pour l'accomplissement d'un reliquat de peine de 4 ans sur la peine de 6 ans de réclusion prononcée par la cour d'appel de Cagliari le 4 février 1988, enfin, de deux ordonnances de garde surveillée en prison décernées le 12 novembre 1992 par un juge du tribunal de Cagliari et le 28 avril 1993 par le juge des enquêtes préliminaires du tribunal de Brindisi ;
Considérant que, par un décret du 20 février 1995, le gouvernement a rapporté le décret attaqué du 16 mai 1994 accordant l'extradition de M. X... aux autorités italiennes, en tant qu'il concernait l'exécution de l'ordonnance de garde surveillée en prison décernée le 28 avril 1993 par le juge des enquêtes préliminaires du tribunal de Brindisi, pour détention et port illicite d'armes, séquestration de personnes en vue d'extorsion et lésion personnelle aggravée, l'exécution de cette ordonnance faisant l'objet de la seconde demande d'extradition complémentaire du gouvernement italien ; que, dès lors, les conclusions de la requête dirigées contre le décret attaqué en tant qu'il accorde l'extradition de M. X... pour les faits ci-dessus mentionnés sont devenues sans objet ;
Sur la légalité des autres dispositions du décret du 16 mai 1994 :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant que le décret attaqué a été signé par le Premier ministre et contresigné par le garde des sceaux, ministre de la justice ; que le fait que ces signatures n'apparaissent pas sur l'ampliatif du décret remis à M. X... est sans influence sur la légalité du décret ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12-2 a) de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 : "Il sera produit à l'appui de la requête ... l'original ou l'expédition authentique soit d'une décision de condamnation exécutoire, soit d'un mandat d'arrêtou de tout autre acte ayant la même force, délivré dans les formes prescrites par la loi de la partie requérante" ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a été, en l'espèce, satisfait à ces exigences en ce qui concerne la transmission aux autorités françaises, tant des ordres d'incarcération que des ordonnances de garde surveillée en prison émanant des autorités italiennes ;
Considérant que l'allégation selon laquelle ces documents émaneraient d'"autorités incompétentes en Italie" n'est assortie d'aucune précision permettant d'apprécier son bien-fondé ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... s'est évadé après sa condamnation, le 11 novembre 1985, par le tribunal de Florence et est accusé d'avoir commis, à cette occasion, diverses infractions ; qu'il a, par la suite, fait l'objet des condamnations prononcées le 14 octobre 1986 par la cour d'appel de Florence et le 4 février 1988 par celle de Cagliari ; que, par son comportement, M. X... a manifesté, de manière non équivoque, sa volonté de renoncer à comparaître devant ses juges et de se soustraire ainsi à la justice ; que, dans ces conditions, il ne peut utilement prétendre que les condamnations dont il a fait l'objet auraient été prononcées selon la procédure italienne de contumace dans des conditions contraires à l'ordre public français, aux dispositions de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et en méconnaissance de l'article 1er des réserves émises par le gouvernement français lors de la ratification de la Convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Considérant que l'inculpation de séquestration de personnes avec lésion aggravée correspond en droit français, à l'infraction de séquestration accompagnée d'actes de mutilation prévue par l'article 224-2 du code pénal ; qu'ainsi le principe de la double incrimination n'a pas été méconnu ;
Considérant que, si M. X... soutient que la procédure en vigueur en Italie permettrait, au cours de l'instruction, d'interdire, pour un temps déterminé, à son défenseur l'accès aux pièces du dossier, il ne fait état, ni des textes en vertu desquels une telle mesure serait susceptible d'être prise, ni des conditions de procédure et de fond auxquelles son édiction serait soumise ; que, dans ces conditions, le bien-fondé de ce moyen ne peut être examiné ;
Article 1er : Les productions enregistrées sous le n° 160228 seront rayées des registres du secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat pour être jointes au dossier de la requête n° 160417.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. X... dirigées contre le décret du 16 mai 1994, en tant qu'il accorde son extradition aux autorités italiennes pour les faits mentionnés dans la deuxième demande d'extradition complémentaire présentée par ces autorités.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Matteo Y...
X..., au Premier ministre etau garde des sceaux, ministre de la justice.