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15/11/1995 | FRANCE | N°123137

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 15 novembre 1995, 123137


Vu 1°, sous le n° 123137, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février 1991 et 11 juin 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE CHARTRES (Eure-et-Loir), représentée par son maire en exercice ; la ville demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 11 décembre 1990, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de Mme Sylvie X... de la Salle, annulé pour excès de pouvoir l'arrêté, en date du 7 juin 1988, par lequel le maire de Chartres a prolongé pour une durée de

deux mois la suspension de ce fonctionnaire ;
- rejette la demande pré...

Vu 1°, sous le n° 123137, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février 1991 et 11 juin 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE CHARTRES (Eure-et-Loir), représentée par son maire en exercice ; la ville demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 11 décembre 1990, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de Mme Sylvie X... de la Salle, annulé pour excès de pouvoir l'arrêté, en date du 7 juin 1988, par lequel le maire de Chartres a prolongé pour une durée de deux mois la suspension de ce fonctionnaire ;
- rejette la demande présentée au tribunal administratif d'Orléans par Mme X... de la Salle ;
Vu 2°, sous le n° 123138, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février 1991 et 11 juin 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la VILLE DE CHARTRES (Eure-et-Loir), représentée par son maire en exercice ; la ville demande que le Conseil d'Etat :
- annule le jugement en date du 11 décembre 1990, par lequel le tribunal administratif d'Orléans a, à la demande de Mme Sylvie X... de la Salle, annulé pour excès de pouvoir les arrêtés en date des 21 mars 1989 et 4 juillet 1989, par lesquels le maire de Chartres a respectivement décidé l'exclusion de fonctions pour une durée de six mois puis la révocation de ce fonctionnaire ;
- rejette les demandes présentées au tribunal administratif d'Orléans par Mme X... de la Salle ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
Vu la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Auditeur,
- les observations de Me Capron, avocat de la VILLE DE CHARTRES et de la SCP Lesourd, Baudin, avocat de Mme Sylvie X... de la Salle,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes de la VILLE DE CHARTRES concernent la situation du même fonctionnaire et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la requête n° 123137 :
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Chartres en date du 7 juin 1988 :
Considérant qu'aux termes de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire ( ...), l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, qui saisit, sans délai, le conseil de discipline./ Le fonctionnaire suspendu conserve son traitement ( ...) Sa situation doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions ( ...)" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, quelle que soit la gravité des fautes professionnelles commises par un fonctionnaire, sa suspension de fonctions, qui constitue une mesure conservatoire prise dans l'intérêt du service, ne peut excéder quatre mois que s'il fait l'objet de poursuites pénales ;
Considérant que, par l'arrêté litigieux en date du 7 juin 1988, le maire de Chartres a prorogé pour une durée de deux mois la suspension de Mme X... de la Salle qu'ilavait prononcée le 4 février 1988 ; que si la VILLE DE CHARTRES a, le 22 septembre 1986, déposé une plainte contre X ... du chef de détérioration et destruction de registre public, puis a assorti cette plainte d'une constitution de partie civile, le 15 janvier 1988, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme X... de la Salle qui a été inculpée le 13 juillet 1988 ait fait l'objet de poursuites pénales à la date de l'arrêté attaqué ; que, par suite, et sans que la VILLE DE CHARTRES puisse utilement se prévaloir de ce que les mesures de suspension de fonctions ne sont pas soumises à l'obligation de motivation, le maire de Chartres ne pouvait légalement à cette date prolonger la suspension de fonctions de Mme X... de la Salle au-delà du délai de quatre mois fixé par la disposition précitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la VILLE DE CHARTRES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 7 juin 1988 ;
Sur les conclusions de Mme X... de la Salle tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner la VILLE DE CHARTRES à payer à Mme X... de la Salle la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
En ce qui concerne la requête n° 123138 :
Sur les conclusions relatives à l'arrêté du maire de Chartres en date du 21 mars 1989 :
Considérant que, si l'arrêté du 21 mars 1989 prononçant l'exclusion de fonctions de Mme X... de la Salle pour une durée de six mois a été rapporté par un arrêté daté du 21 septembre 1990, ce dernier arrêté a été à son tour déféré au tribunal administratif ; qu'à la date à laquelle le jugement attaqué est intervenu, il n'avait pas été statué sur la demande d'annulation de l'arrêté du 21 septembre 1990 ; qu'il suit de là que la VILLE DE CHARTRES n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif d'Orléans aurait dû prononcer un non-lieu sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 1989 ;
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Chartres en date du 4 juillet 1989 :
Considérant que le conseil de discipline a été consulté le 18 mars 1987, préalablement à l'arrêté en date du 22 avril 1987, par lequel le maire de Chartres a révoqué Mme X... de la Salle en raison de graves fautes professionnelles révélées par une enquête administrative close le 31 décembre 1986 ; que cet arrêté a été rapporté par un arrêté daté du 4 février 1988, pour faire suite à l'avis rendu le 9 octobre 1987 par le conseil supérieur de la fonction publique territoriale siégeant comme organe supérieur de recours ; qu'à la suite de l'annulation de cet avis par le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, le maire de Chartres a de nouveau révoqué Mme X... de la Salle par l'arrêté attaqué en date du 4 juillet 1989 ; que le maire a pu légalement se fonder pour prononcer cette sanction sur l'avis émis par le conseil dediscipline préalablement à l'arrêté du 22 avril 1987 dès lors qu'aucun grief nouveau n'était articulé à l'encontre de l'intéressée ; que, par suite, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué le tribunal administratif s'est fondé sur le fait que le conseil de discipline n'avait pas à nouveau été consulté ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X... de la Salle devant le tribunal administratif ;
Considérant que certains des faits qui ont motivé la sanction infligée à Mme X... de la Salle sont contraires à la probité et sont, dès lors, exclus du bénéfice de l'amnistie prévue par l'article 14 de la loi du 20 juillet 1988 ;

Considérant que l'arrêté du 21 mars 1989 par lequel, en exécution de l'avis susmentionné du conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le maire de Chartres a prononcé à l'encontre de Mme X... de la Salle la sanction de l'exclusion de fonctions pendant six mois a été rapporté ; que, par suite, l'intéressée ne saurait être regardée comme ayant été sanctionnée deux fois pour les mêmes faits ;
Considérant, en revanche, que le maire de Chartres n'a pu légalement décider que l'arrêté attaqué prononçant la révocation de Mme X... de la Salle prendrait effet à une date antérieure à celle de sa notification dont il ressort des pièces du dossier qu'elle a été faite le 5 juillet 1989 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la VILLE DE CHARTRES n'est fondée à se plaindre de l'annulation, par le jugement attaqué, de l'arrêté du 4 juillet 1989 qu'en tant qu'elle concerne la période postérieure au 5 juillet 1989 ;
Sur les conclusions de Mme X... de la Salle tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la VILLE DE CHARTRES qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à Mme X... de la Salle la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête n° 123 137 de la VILLE DE CHARTRES est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 89-837 et n° 89-1221 du tribunal administratif d'Orléans en date du 11 décembre 1990 est annulé en tant qu'il prononce l'annulation de l'arrêté du maire de Chartres en date du 4 juillet 1989 pour la période postérieure au 5 juillet 1989.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 123 138 de la VILLE DE CHARTRES est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de Mme X... de la Salle tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE CHARTRES, à Mme Sylvie X... de la Salle et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DROITS ET OBLIGATIONS DES FONCTIONNAIRES (LOI DU 13 JUILLET 1983).

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - SUSPENSION.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - PROCEDURE - CONSEIL DE DISCIPLINE.


Références :

Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 30, art. 75
Loi 88-828 du 20 juillet 1988 art. 14
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 15 nov. 1995, n° 123137
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Courson
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 15/11/1995
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 123137
Numéro NOR : CETATEXT000007879030 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1995-11-15;123137 ?
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