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17/11/1995 | FRANCE | N°165099

France | France, Conseil d'État, 10 / 7 ssr, 17 novembre 1995, 165099


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 janvier 1995 et 10 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE POUR LA DEFENSE DES SITES NATURELS (COSINA), dont le siège est ..., agissant par son président en exercice ; le COMITE DE DEFENSE DES SITES NATURELS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet, acquise le 1er décembre 1994, opposée par le Premier ministre à son recours gracieux du 29 juillet 1994 dirigé contre le décret du 31 mai 1994 déclarant d'utilité publique et urgents

les travaux de construction du prolongement de la ligne T.G.V. Sud-...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 30 janvier 1995 et 10 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le COMITE POUR LA DEFENSE DES SITES NATURELS (COSINA), dont le siège est ..., agissant par son président en exercice ; le COMITE DE DEFENSE DES SITES NATURELS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet, acquise le 1er décembre 1994, opposée par le Premier ministre à son recours gracieux du 29 juillet 1994 dirigé contre le décret du 31 mai 1994 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction du prolongement de la ligne T.G.V. Sud-Est de Valence jusqu'à Marseille et Montpellier ;
2°) d'annuler le décret du 31 mai 1994 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution et notamment son article 22 ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne ;
Vu la Convention de Berne du 19 septembre 1979 ;
Vu la directive n° 79-409 du 2 avril 1979 du conseil des communautés européennes modifiée ;
Vu la directive n° 85-337 du 27 juin 1985 du conseil des communautés européennes ;
Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
Vu le code des domaines de l'Etat ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code rural et le code forestier ;
Vu la loi du 2 mai 1930 ;
Vu la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 ;
Vu la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 ;
Vu la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 ;
Vu la loi du 29 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 ;
Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rousselle, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Choucroy, avocat du COMITE POUR LA DEFENSE DES SITES NATURELS,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :
Sur le défaut de contreseing du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution du 4 octobre 1958 : "Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution" ;
Considérant que la déclaration d'utilité publique prononcée par le décret attaqué n'implique pas nécessairement l'intervention de mesures réglementaires ou individuelles que le ministre de l'agriculture serait compétent pour signer ou contresigner ; que celui-ci n'étant pas chargé de l'exécution du décret attaqué, ledit décret n'avait par suite pas à être soumis à son contreseing ; que la circonstance que le décret ait fait l'objet de consultations des chambres départementales d'agriculture et des commissions départementales des structures agricoles des départements concernés est sans influence sur l'obligation de contreseing du ministre de l'agriculture ;
Sur les moyens relatifs à l'urgence :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 15-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : "Lorsqu'il y a urgence à prendre possession des biens expropriés, cette urgence est constatée par l'acte déclarant l'utilité publique ou par un acte postérieur de même nature" ;
Considérant qu'en déclarant urgents les travaux de construction du prolongement de la ligne de T.G.V., le Gouvernement a pu légalement se fonder sur les dispositions susvisées du code de l'expropriation ; qu'en égard à l'ampleur de l'opération projetée qui porte sur un tracé de plusieurs centaines de kilomètres, le délai de huit ans mentionné à l'article 2 du décret attaqué pour la réalisation des expropriations éventuellement nécessaires n'était pas incompatible avec la déclaration d'urgence ; que les travaux envisagés justifiaient la mise en oeuvre de la procédure d'urgence ; Sur l'absence d'utilité publique du projet :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 14 de la loi d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 : "- Les choix relatifs aux infrastructures, équipements et matériels de transport et donnant lieu à financement public, en totalité ou partiellement, sont fondés sur l'efficacité économique et sociale de l'opération. Ils tiennent compte des besoins des usagers, des impératifs de sécurité, des objectifs du plan de la Nation et de la politique d'aménagement du territoire, des nécessités de la défense, de l'évolution prévisible des flux de transport nationaux et internationaux, du coût financier et, plus généralement, des coûts économiques réels et des coûts sociaux." ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le choix de privilégier la ligne à grande vitesse envisagée au détriment d'autres choix tels que celui consistant à améliorer les lignes existantes soit entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en second lieu, qu'une opération ne peut être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le projet de T.G.V. dit"Méditerranée" qui a pour objet de prolonger la ligne actuelle de Paris jusqu'à Marseille et Montpellier s'inscrit dans un cadre plus général visant à faciliter les liaisons avec les villes du Sud-Est et à favoriser le développement économique de ces régions et à améliorer l'aménagement du territoire ; qu'il amorce la réalisation d'un axe méditerranéen à grande vitesse reliant l'Espagne et l'Italie entre elle et ces deux pays au réseau express européen en cours d'élaboration ; que ce projet revêt ainsi un caractère d'utilité publique ; qu'eu égard tant à l'importance de l'opération qu'aux précautions prises à la suite de l'enquête publique, les inconvénients inhérents aux atteintes portées à l'environnement, aux sites et paysages et aux exploitations agricoles ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l'intérêt qu'elle présente ; que plus précisément lesdites précautions portent en particulier sur le passage dans la zone industrielle et nucléaire du Tricastin, dont le tracé a été modifié pour en diminuer les risques, sur les conséquences hydrologiques du tracé et sur les risques d'aggravation des inondations qu'il comporte, qui a donné lieu à un engagement officiel commun des ministres de l'équipement et des transports et de l'environnement le 4 février 1994 soit antérieurement au décret, suivant lequel le risque supplémentaire d'inondation sera nul, sur les nuisances sonores, qui seront limitées, et enfin sur les atteintes au patrimoine culturel qui seront réduites ; que, dans ces conditions, ni les coûts ni les inconvénients du projet ne sont de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le COMITE POUR LA DEFENSE DES SITES NATURELS n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision implicite du refus du Premier ministre d'abroger le décret du 31 mai 1994, ensemble l'annulation dudit décret ;
Article 1er : La requête du COMITE POUR LA DEFENSE DES SITES NATURELS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au COMITE POUR LA DEFENSE DES SITES NATURELS, au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et au Premier ministre.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - NOTIONS GENERALES - NOTION D'UTILITE PUBLIQUE - EXISTENCE - INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT.

TRANSPORTS - TRANSPORTS FERROVIAIRES - LIGNES DE CHEMIN DE FER.


Références :

Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique R15-1
Constitution du 04 octobre 1958 art. 22
Loi 82-1153 du 30 décembre 1982 art. 14


Publications
Proposition de citation: CE, 17 nov. 1995, n° 165099
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Rousselle
Rapporteur public ?: M. Combrexelle

Origine de la décision
Formation : 10 / 7 ssr
Date de la décision : 17/11/1995
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 165099
Numéro NOR : CETATEXT000007903406 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1995-11-17;165099 ?
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