Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 février 1991 et 13 juin 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE, dont le siège social est ... ; la fédération demande au Conseil d'Etat :
1° d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du ministre des affaires sociales et de la solidarité en date du 19 juillet 1990 relative au tiers délégué et à l'application de l'article L.322-1 du code de la sécurité sociale ;
2° de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre de l'article 1er du décret n° 88-907 du 2 septembre 1988 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Fombeur, Auditeur,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :
Considérant que la circulaire attaquée en date du 19 juillet 1990 du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale relative au tiers délégué, prise pour l'application de l'article L.322-1 du code de la sécurité sociale, n'a fait l'objet que d'une publication au bulletin officiel du ministère des affaires sociales et de la solidarité du 28 décembre 1990 ; que sa notification, dont la date n'est d'ailleurs pas précisée, au directeur de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés n'a pas été de nature à faire courir le délai de recours contentieux à l'encontre de la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE, alors même que celle-ci aurait été représentée au conseil d'administration de ladite caisse ; que, par suite, la requête enregistrée le 27 février 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat n'est pas tardive ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L.322-1 du code de la sécurité sociale : "La part garantie par la caisse primaire d'assurance maladie ne peut excéder le montant des frais exposés. Elle est remboursée soit directement à l'assuré, soit à l'organisme ayant reçu délégation de l'assuré dès lors que les soins ont été dispensés par un établissement ou un praticien ayant passé convention avec cet organisme et dans la mesure où cette convention respecte la réglementation conventionnelle de l'assurance maladie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions et limites dans lesquelles l'assuré peut déléguer un tiers pour l'encaissement des prestations qui lui sont dues" ; qu'il résulte de ces dispositions que le ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale n'avait pas compétence pour fixer, par la circulaire attaquée, qui a un caractère réglementaire, les modalités d'application de ce texte et notamment, comme il l'a fait, pour déterminer les conditions de validité et de mise en oeuvre des conventions de tiers délégués ; que, dès lors, la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE, qui y a intérêt, est recevable et fondée à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à verser à la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : La circulaire en date du 15 juillet 1990 du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale est annulée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 20 000 F à la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la FEDERATION NATIONALE DE LA MUTUALITE FRANCAISE et au ministre du travail et des affaires sociales.