La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/12/1995 | FRANCE | N°138179

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 04 décembre 1995, 138179


Vu le recours et le mémoire complémentaire du ministre du budget enregistrés les 9 juin 1992 et 5 octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre du budget demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 21 juin 1991 par lequel la Cour des comptes a déclaré M. X..., receveur principal régional des douanes, quitte et libéré de sa gestion pour la période allant de l'exercice 1985 au 29 juillet 1988 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour des Comptes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 63-156 du 23 février 196

3 et notamment son article 60 ;
Vu le code des douanes ;
Vu le décret n° ...

Vu le recours et le mémoire complémentaire du ministre du budget enregistrés les 9 juin 1992 et 5 octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre du budget demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 21 juin 1991 par lequel la Cour des comptes a déclaré M. X..., receveur principal régional des douanes, quitte et libéré de sa gestion pour la période allant de l'exercice 1985 au 29 juillet 1988 ;
2°) de renvoyer l'affaire devant la Cour des Comptes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 63-156 du 23 février 1963 et notamment son article 60 ;
Vu le code des douanes ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat du ministre du budget ;
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu de l'article 60-I de la loi de finances du 23 février 1963 : "Quel que soit le lieu où ils exercent leurs fonctions, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables ... de la conservation des pièces justificatives des opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent ..." ; qu'aux termes du paragraphe II du même article : "La responsabilité pécuniaire des comptables publics s'étend à toutes les opérations du poste comptable qu'ils dirigent depuis la date de leur installation jusqu'à la date de cessation des fonctions" ; qu'aux termes de l'article 136 du décret du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique : "Les comptabilités spéciales donnent l'inventaire et, sauf dérogation autorisée par le ministre de l'économie et des finances, retracent la valeur des matières, valeurs et titres auxquels elles s'appliquent ." ; qu'en vertu de l'article 137 du même décret : "Les comptabilités spéciales mentionnées aux articles ci-dessus sont tenues ... par les comptables de l'Etat ..." ;
Considérant qu'il résulte des dispositions rappelées ci-dessus que les comptables publics sont tenus de retracer toutes les opérations du poste comptable dans la comptabilité générale ou dans la comptabilité matière selon les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité publique ;
Considérant qu'en vertu du paragraphe IV de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 : "Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels une somme égale ..., dans le cas où il en tient la comptabilité matière, à la valeur du bien manquant." ; qu'ainsi la responsabilité instituée par ces dispositions ne peut être engagée ou mise en oeuvre que dans le cas où le comptable intéressé tient effectivement une comptabilité matière ; que la tenue d'une telle comptabilité permet seule, conformément à l'article 136 du décret du 29 décembre 1962, de déterminer avec exactitude la valeur du bien manquant et par voie de conséquence le montant de l'indemnité à exiger du comptable ; que ni la loi du 23 février 1963 ni le décret du 29 décembre 1962 n'ont prévu de moyens de preuve autres que celui pouvant résulter de la tenue d'une comptabilité et des pièces comptables ; que dès lors, en jugeant que l'obligation faite ou comptable public dont la responsabilité pécuniaire est engagée ou mise en jeu de verser immédiatement de ses derniers personnels une somme égale à la valeur du bien manquant ne pouvait être rendue effective que dans le cas où le comptable tient une comptabilité matière, la Cour des Comptes n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant que le ministre du budget soutient que, par une instruction générale pour les ventes en douanes du 17 décembre 1973, il a été fait obligation aux receveurs dépositaires de marchandises, d'inscrire celles-ci à une comptabilité matière destinée à fournir à tout moment leur situation précise ; qu'il résulte de cette instruction générale versée au dossier qu'elle ne précise notamment pas comment le receveur dépositaire doit établir la valeur des marchandises ou des objets de la date de leur remise aux différentes étapes de préparation de la vente à la vente elle même ; que, dans ces conditions, en jugeant que la comptabilité matière n'avait pas été organisée en ce qui concerne les receveurs des douanes, la Cour des Comptes n'a pas commis d'erreur de fait ;
Considérant qu'aux termes du paragraphe X de l'article 60 de la loi du 23 février 1963 : "Les régisseurs, chargés pour le compte des comptables publics d'opérations d'encaissement et de paiement sont soumis aux règles, obligations et responsabilité des comptables publics dans les conditions et limités fixées par l'un des décrets prévus au paragraphe XII ci-après. Il en est de même des agents chargés de tenir les comptabilités spéciales de matière, valeurs et titres." ; que cette disposition renvoie au pouvoir réglementaire le soin d'adapter aux régisseurs et agents préposés à la tenue de la comptabilité matière la responsabilité des comptables dont le principe est affirmé par la loi, en fixant les conditions et les limites ; que ce décret est, en tout état de cause, sans application aux comptables eux-mêmes ;
Considérant qu'à défaut d'une organisation de la comptabilité matière permettant de définir, selon les règles précises, la valeur des marchandises et des objets remis à la garde et à la conservation des comptables dépositaires des douanes, les dispositions de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, qui ne permettaient pas de déterminer de façon exacte la valeur des objets volés et par voie de conséquence le montant de l'indemnité susceptible d'être exigée de ce comptable n'étaient pas suffisantes pour engager et mettre en oeuvre, à l'encontre de M. X..., le principe de responsabilité qu'elles énoncent ;
Considérant qu'en déclarant M. X... quitte de sa gestion pour les exercices 1985 à 1987 et jusqu'au 29 juillet 1988, date de cessation de ses fonctions, la Cour des Comptes n'a pas outrepassé sa compétence en constatant en conséquence dans son arrêt du 21 juin 1991 que l'ordre de versement émis à l'encontre de ce comptable principal n'avait pas de fondement légal suffisant ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que le ministre du budget n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt par lequel la Cour des Comptes statuant de façon définitive, a déchargé M. X..., receveur principal régional des douanes, des ses comptes pour les exercices 1985 au 29 juillet 1988 et l'a déclaré quitte de sa gestion ;
Article 1 : Le recours du ministre du budget est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances et à M. X....


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - APPLICATION DANS LE TEMPS - ENTREE EN VIGUEUR - ENTREE EN VIGUEUR SUBORDONNEE A L'INTERVENTION DE MESURES D'APPLICATION - Article 60-IV de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 - Obligation des comptables publics de verser une somme égale à la valeur du bien manquant - Inapplicabilité aux receveurs des douanes en l'absence de mesures d'application.

01-08-01-02, 18-01-03 L'obligation de verser sur ses deniers personnels une somme égale à la valeur du bien manquant, instituée à la charge des comptables publics par le IV de l'article 60 de la loi de finances du 23 février 1963, ne peut être engagée ou mise en jeu que dans le cas où le comptable tient effectivement une comptabilité matière. A défaut d'une organisation de la comptabilité matière permettant de définir, selon des règles précises, la valeur des marchandises et des objets remis à la garde et à la conservation des comptables dépositaires des douanes, les dispositions de l'article 60 de la loi du 23 février 1963, qui ne permettent pas de déterminer de façon exacte la valeur des objets volés et par conséquent le montant de l'indemnité susceptible d'être exigée de ce comptable, ne sont pas suffisantes pour engager et mettre en oeuvre le principe de responsabilité qu'elles énoncent.

COMPTABILITE PUBLIQUE - REGIME JURIDIQUE DES ORDONNATEURS ET DES COMPTABLES - RESPONSABILITE - Responsabilité pécuniaire des comptables publics - Obligation de verser une somme égale à la valeur du bien manquant (article 60-IV de la loi n° 63-156 du 23 février 1963) - Obligation effective dans le seul cas où le comptable tient une comptabilité matière - Inapplicabilité aux receveurs des douanes.


Références :

Décret 62-1587 du 29 décembre 1962 art. 136, art. 137
Instruction générale du 17 décembre 1973 budget
Loi 63-156 du 23 février 1963 art. 60


Publications
Proposition de citation: CE, 04 déc. 1995, n° 138179
Publié au recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Fougier
Rapporteur public ?: M. Piveteau
Avocat(s) : SCP Boré, Xavier, Avocat

Origine de la décision
Formation : 6 / 2 ssr
Date de la décision : 04/12/1995
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 138179
Numéro NOR : CETATEXT000007879142 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1995-12-04;138179 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award