Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 6 juillet 1992 et 1er octobre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret du 28 janvier 1992 lui refusant l'acquisition de la nationalité française ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 F au titre des frais irrépétibles, dont 13 046 F au titre des frais d'avocat exposés par lui ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la nationalité française ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Errera, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes des dispositions, alors en vigueur, de l'article 37-1 du code de la nationalité : "L'étranger ... qui contracte mariage avec un conjoint de nationalité française peut ... acquérir la nationalité française par déclaration ..." ; qu'en vertu des dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 39 du même code, le gouvernement peut s'opposer, par décret en Conseil d'Etat, à l'acquisition de la nationalité française "pour indignité ou défaut d'assimilation" ; que, pour s'opposer, pour indignité, à l'acquisition de la nationalité française par M. X..., ressortissant syrien, les auteurs du décret attaqué du 28 janvier 1992 se sont fondés sur le fait que l'intéressé se serait "publiquement engagé en faveur de l'Irak dès août 1990 et par la suite, alors que cet Etat était en conflit avec la France" ; qu'il résulte de l'instruction que M. X... s'est borné à publier, avec d'autres personnes, dans un journal français, le 12 septembre 1990, un "appel" exprimant l'opposition des signataires à "l'intervention militaire américaine dans le golfe" ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette prise de position publique de M. X... n'est pas constitutive d'indignité, au sens de l'article 39 précité ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'ordonner le supplément d'instruction qu'il sollicite, M. X... est fondé à demander l'annulation du décret attaqué ;
Considérant que, par application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, il y a lieu, en l'espèce, de condamner l'Etat à payer à M. X... une somme de 13 046 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le décret du 28 janvier 1992 est annulé.
Article 2 : L'Etat paiera à M. X... une somme de 13 046 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X... et au ministre du travail et des affaires sociales.