Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 juin et 17 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME (L.I.C.R.A) ayant son siège ... (75009) Paris, représentée par son président en exercice, domiciliée audit siège ; la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le Président de la République, sur sa demande tendant à voir prononcer la dissolution administrative de l'association "l'oeuvre française" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la loi du 10 janvier 1936 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Rousselle, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Roue-Villeneuve, avocat de la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME (L.I.C.R.A),
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret du 30 septembre 1953 modifié : "Le Conseil d'Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : 1°) Des recours pour excès de pouvoir formés contre les décrets réglementaires ou individuels ; ... 3°) Des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d'application s'étend au-delà du ressort d'un seul tribunal administratif ; 4°) Des recours pour excès de pouvoir dirigés contre les actes réglementaires des ministres ainsi que, contre les actes administratifs des ministres pris obligatoirement après avis du Conseil d'Etat ..." ;
Considérant que la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME demande au Conseil d'Etat, en se fondant sur les dispositions de l'article 1er de la loi du 10 janvier 1936, aux termes desquels : "Seront dissous, par décret rendu par le Président de la République en conseil des ministres, toutes les associations ou groupement de fait : ... 6°) qui, soit provoqueraient à la discrimination, à la haine ou à la violence sur une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, soit propageraient des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ...", d'annuler la décison de rejet implicite de sa demande tendant à la dissolution de l'association "l'Oeuvre française" ;
Considérant que le décret portant dissolution d'une association pris par le Président de la République en conseil des ministres n'est pas un acte ayant un caractère réglementaire ; que la décision implicite ou explicite de rejet de la demande de prendre un tel décret n'a pas davantage de caractère réglementaire ; que le champ d'application de cet acte ne s'étend pas au-delà du ressort du tribunal administratif dans lequel se trouve le siège de l'association ; que, dès lors, le Conseil d'Etat n'est pas compétent pour connaître en premier et dernier ressort les conclusions de la requête de la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME dirigée contre la décision de refus de prendre un tel décret ; qu'il y a lieu par suite, de transmettre ladite requête au tribunal administratif de Paris ;
Article 1er : Le jugement de la requête susvisée de la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME est attribué au tribunal administratif de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la LIGUE INTERNATIONALE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISEMITISME, à l'association "l'oeuvre française", au président du tribunal administratif de Paris et au ministre de l'intérieur.