Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juin 1991 et 24 octobre 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le SYNDICAT DES EXPLOITANTS DE VOITURE DE PETITE REMISE, dont le siège est ... au Havre (76600), représenté par son président en exercice ; le syndicat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté, sauf en ce qui concerne le terme "indivisiblement" figurant à l'article 1er et le dernier alinéa de l'article 3, le recours formé contre l'arrêté du préfet de Seine-Maritime en date du 1er octobre 1986 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne des droits de l'homme et notamment son article 10 ;
Vu la loi n° 77-6 du 3 janvier 1977 ;
Vu le décret n° 55-960 du 11 juillet 1955 ;
Vu le décret n° 77-1308 du 29 novembre 1977 ;
Vu le code des postes et télécommunications ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat du SYNDICAT DES EXPLOITANTS DE VOITURE DE PETITE REMISE,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 3 janvier 1977, relative à l'exploitation des voitures dites de "petite remise" : "Les voitures de petite remise sont des véhicules automobiles mis, à titre onéreux, avec un chauffeur, à la disposition des personnes qui en font la demande pour assurer leur transport et celui de leurs bagages. Ces voitures ne peuvent ni stationner, ni circuler sur la voie publique en quête de clients ni porter de signe distinctif de caractère commercial, concernant leur activité de petite remise, visible de l'extérieur. Elles ne peuvent être équipées d'un radio-téléphone" ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "L'exploitation de voiture de petite remise est soumise à autorisation délivrée par le préfet ... Toute autorisation est incessible" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 novembre 1977 pris pour l'application de la loi : "Les voitures de petite remise doivent faire l'objet d'une location préalable au siège de l'entreprise ... Chaque voiture doit comporter un carnet de bord pour lequel le conducteur porte avant le départ mention de la commande qu'il exécute" ; qu'aux termes de l'article 4 du même décret : "L'autorisation d'exploitation de voiture de petite remise prévue à l'article 2 de la loi n° 77-6 du 3 janvier 1977 est personnelle. Elle ne peut être ni prêtée, ni louée" ;
En ce qui concerne l'article 1er de l'arrêté préfectoral attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du préfet de Seine-Maritime en date du 1er octobre 1986 : "L'appellation de "voiture de petite remise" est réservée à toute voiture qui, sans être d'un caractère luxueux et destinée seulement à la clientèle étrangère comme les voitures de grande remise définies dans le décret du 15 juillet 1955 et l'arrêté ministériel du 18 avril 1966, est conduite par son propriétaire ou son préposé et louée indivisiblement suivant les conditions fixées à l'avance entre les parties et à un prix librement débattu" ; que, contrairement à ce que soutient le syndicat requérant, la référence ainsi faite aux dispositions du décret du 15 juillet 1955 et à celles de l'arrêté du 18 avril 1966 ne modifie pas la définition des voitures de petite remise et n'a pas pour effet de leur interdire de présenter éventuellement un caractère luxueux ni de transporter des étrangers dans les conditions définies par la loi du 3 janvier 1977 et le décret du 29 novembre 1977 susvisés ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 3 janvier 1977 et du décret du 29 novembre 1977 que l'autorisation d'exploitationd'une voiture de petite remise est incessible, personnelle et qu'elle ne peut être ni prêtée, ni louée ; qu'il ressort de l'article 1er dudit décret que toute voiture de petite remise doit faire l'objet d'une location préalable au siège de l'entreprise ; que, dans ces conditions, en prévoyant que toute voiture doit être conduite par son propriétaire ou son préposé, le préfet de Seine-Maritime s'est contenté de tirer les conséquences de la loi du 3 janvier 1977 et du décret du 29 novembre 1977 mentionnées ci-dessus ;
En ce qui concerne l'article 4 de l'arrêté préfectoral attaqué :
Considérant qu'il résulte des travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1977 que le législateur a entendu interdire à toutes les voitures de petite remise, autres que les véhicules utilisés comme de telles voitures dans les communes dépourvues de taxis, d'utiliser les stations radioélectriques privées ;
Considérant que cette interdiction qui a été édictée dans un but de réglementation de l'exercice d'une profession et pour éviter une concurrence déloyale envers les taxis, et qui ne met en cause ni l'expression d'une opinion ni la fourniture d'informations sur un sujet d'intérêt général, est étrangère aux prévisions des dispositions de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT DES EXPLOITANTS DE VOITURE DE PETITE REMISE n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-Maritime en date du 1er octobre 1986 ;
Article 1er : La requête du SYNDICAT DES EXPLOITANTS DE VOITURE DE PETITE REMISE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES EXPLOITANTS DE VOITURE DE PETITE REMISE et au ministre de l'intérieur.