Vu le recours, enregistré le 21 août 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE LA JUSTICE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 6 juin 1991 par lequel le tribunal administratif de Lyon a 1) annulé, à la demande de Mlle Josiane X..., ses décisions implicites de rejet en date des 13 mars et 4 août 1990, ensemble sa décision explicite du 29 août 1990, rejetant la demande de Mlle X... tendant à la mise en oeuvre de la protection prévue par l'article 11 de la loi n° 83634 du 13 juillet 1983 ; 2) condamné l'Etat à payer à Mlle X... une indemnité de 5 000 F augmentée des intérêts, et alloué à Mlle X..., à la charge de l'Etat, une somme de 3 000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mlle X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
Vu le code civil, notamment son article 1154 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Auditeur,
- les observations de Me Guinard, avocat de Mlle Josiane X...,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Sur le recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 11, 3ème alinéa de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " ... La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ..." ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X..., alors qu'elle était en service au greffe du conseil de prud'hommes de Roanne, en qualité de greffier en chef, chef de greffe, a été l'objet de la part de deux organisations syndicales de prises à partie par voie de presse ; que les faits dont il s'agit et les expressions utilisées à cette occasion par lesdites organisations entrent dans le champ d'application des dispositions susmentionnées de la loi du 13 juillet 1983 ; que, par suite, l'Etat était tenu de faire bénéficier Mlle X... de la protection instituée par la loi ; que, par suite, le MINISTRE DE LA JUSTICE n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Lyon est entaché d'erreur de droit ;
Sur l'appel incident formé par Mlle X... :
Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice :
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par Mlle X... en l'évaluant à 20 000 F ;
Sur les intérêts :
Considérant que Mlle X... a droit aux intérêts de cette somme à compter du 11 septembre 1990, jour de la réception par le ministre de sa demande ;
Sur les intérêts des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 10 juillet 1992 ;qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à Mlle X... la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE LA JUSTICE est rejeté.
Article 2 : La somme de 5 000 F que l'Etat a été condamné à verser à Mlle X... par le jugement susvisé du tribunal administratif de Lyon en date du 6 juin 1991 est portée à 20 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 11 septembre 1990. Les intérêts échus le 10 juillet 1992 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 1991 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Etat versera à Mlle X... une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'appel incident formé par Mlle X... est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mlle Josiane X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.