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17/01/1996 | FRANCE | N°141711

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 17 janvier 1996, 141711


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 septembre 1992 et 26 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES", représentée par son liquidateur, M. Jean-Pierre X... demeurant ... (65001) ; la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 31 juillet 1992 rejetant sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 4 février 1992 par laquelle le président du tribunal administratif de Pau,

statuant en référé, lui a enjoint d'évacuer les locaux du bâtimen...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 septembre 1992 et 26 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES", représentée par son liquidateur, M. Jean-Pierre X... demeurant ... (65001) ; la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES" demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 31 juillet 1992 rejetant sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance du 4 février 1992 par laquelle le président du tribunal administratif de Pau, statuant en référé, lui a enjoint d'évacuer les locaux du bâtiment dit "casino municipal" à Argelès-Gazost ;
2°) de régler l'affaire au fond en rejetant la demande présentée par la commune d'Argelès-Gazost devant le président du tribunal administratif de Pau par la voie du référé ;
3°) de condamner la commune d'Argelès-Gazost à lui verser la somme de 15 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES" et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la commune d'Argelès-Gazost,
- les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 130 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "En cas d'urgence, le président du tribunal administratif ... peut, sur simple requête qui ... sera recevable même en l'absence d'une décision administrative préalable, ordonner toutes mesures utiles sans faire préjudice au principal et sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative" ;
Considérant que, par une convention passée le 22 juin 1983, modifiée par un avenant conclu le 27 août 1983, la commune d'Argelès-Gazost a concédé à la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES", pour une période devant s'achever le 31 décembre 1991, l'exploitation des installations situées dans un bâtiment dit "casino municipal" ; que, le 2 octobre 1991, elle a notifié au concessionnaire sa décision de ne pas renouveler cette convention au terme prévu ; que, pour rejeter, par l'arrêt attaqué, l'appel formé par la société contre l'ordonnance du président du tribunal administratif de Pau, statuant en référé, en date du 4 février 1992 prescrivant au concessionnaire d'évacuer les installations dont celui-ci assurait l'exploitation, la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est notamment fondée sur ce que la poursuite de l'occupation des lieux par la société aurait compromis le fonctionnement du service public et sur ce que, par suite, l'expulsion sollicitée aurait présenté un caractère d'urgence ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune n'envisageait ni de reprendre elle-même l'exploitation desdites installations, ni de confier celle-ci dans un bref délai à un autre cocontractant ; qu'ainsi, la cour a dénaturé les faits de l'espèce ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES" est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif : "S'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d'Etat peut ... régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant que, si la commune affirme que la réalisation de travaux serait nécessaire pour remettre en état les installations du "casino municipal", elle ne justifie pas de l'urgence qui s'attacherait à l'exécution de ces travaux ; que, dès lors, la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son ordonnance du 4 février 1992, le président du tribunal administratif de Pau lui a enjoint d'évacuer les installations dont elle assurait l'exploitation ;

Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, d'une part, les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES", qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer la somme que la commune d'Argelès-Gazost demande pour les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il y a lieu de condamner la commune, sur le fondement de ces dispositions, à verser à la société la somme de 10 000 F ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 31 juillet 1992 est annulé.
Article 2 : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Pau en date du 4 février 1992 est annulée.
Article 3 : La demande présentée par la commune d'Argelès-Gazost devant le président du tribunal administratif de Pau est rejetée.
Article 4 : La commune d'Argelès-Gazost est condamnée à payer la somme de 10 000 F à la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES".
Article 5 : Les conclusions de la commune d'Argelès-Gazost tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la S.A.R.L. "LE JARDIN DES PYRENEES", à la commune d'Argelès-Gazost et au ministre de l'intérieur.


Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS - RESILIATION - Evacuation par le concessionnaire des installations de la concession - Mesure demandée en référé (article R - 130 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel) - Condition d'urgence - Condition non remplie en l'espèce.

39-04-05-02, 54-03-01-04-01(2) Commune ayant concédé à une société l'exploitation des installations situées dans un bâtiment dit "casino municipal", puis notifié à ce concessionnaire sa décision de ne pas renouveler la concession au terme prévu. L'évacuation par le concessionnaire des installations dont il assurait l'exploitation, sollicitée par la commune devant le juge administratif des référés, ne présente pas un caractère d'urgence, dès lors que la commune n'envisageait ni de reprendre elle-même l'exploitation de ces installations ni de confier celle-ci dans un bref délai à un autre cocontractant.

PROCEDURE - PROCEDURES D'URGENCE - REFERE TENDANT AU PRONONCE D'UNE MESURE URGENTE - CONDITIONS - URGENCE (1) Contrôle du juge de cassation - Appréciation souveraine sauf dénaturation - (2) Absence en l'espèce - Evacuation par un concessionnaire des installations d'une concession résiliée.

54-03-01-04-01(1), 54-08-02-02-01-04 En estimant qu'une mesure dont le prononcé est sollicité dans le cadre de l'article R.130 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel présente un caractère d'urgence, une cour administrative d'appel se livre à une appréciation souveraine qui n'est pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation, en l'absence de dénaturation des faits de la cause. En estimant que l'évacuation, par un concessionnaire dont la concession n'avait pas été renouvelée, des installations dont il assurait l'exploitation, présentait un caractère d'urgence, alors que la commune n'envisageait ni de reprendre elle-même cette exploitation ni de la confier à bref délai à un autre cocontractant, une cour administrative d'appel dénature les faits de l'espèce.

PROCEDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTROLE DU JUGE DE CASSATION - REGULARITE INTERNE - DENATURATION - Référé tendant au prononcé d'une mesure urgente (article R - 130 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel) - Conditions - Urgence - Appréciation souveraine sauf dénaturation.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R130
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11, art. 75
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 17 jan. 1996, n° 141711
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. de Lesquen
Rapporteur public ?: M. Fratacci

Origine de la décision
Formation : 7 /10 ssr
Date de la décision : 17/01/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 141711
Numéro NOR : CETATEXT000007862366 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-01-17;141711 ?
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