Vu le mémoire, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 26 août 1994, présenté par le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement du 14 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de Mme Z... épouse Y..., annulé la décision du préfet de la Haute-Savoie en date du 29 mars 1993 lui retirant sa carte de résident ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 ;
Vu le décret n° 46-1754 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Touraine-Reveyrand, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Sanson, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret susvisé du 30 juin 1946 modifié : "la carte de séjour est délivrée, selon le département dans lequel l'étranger a sa résidence, par le préfet de police à Paris, ou par le préfet dans les autres départements" ; que le préfet, qui, en application de ces dispositions, a compétence pour délivrer un titre de séjour à un étranger a aussi compétence pour retirer un tel titre, dans les cas où le retrait d'un tel acte est légalement possible ;
Considérant qu'à la date où le préfet de Haute-Savoie a retiré le titre de séjour de Mme Y..., celle-ci résidait en Haute-Savoie ; que le préfet de ce département était dès lors l'autorité compétente, pour se prononcer sur l'éventuel retrait de ce titre de séjour alors même qu'il avait été délivré par le préfet de Savoie ; que par suite le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'incompétence du préfet de la Haute-Savoie pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 29 mars 1993 retirant le titre de Mme Y... ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens présentés par Mme Y... devant le tribunal administratif de Grenoble ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le titre de séjour délivré à Mme Y... par le préfet de Savoie l'a été, au titre de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, au vu d'un certificat de scolarité présentant un caractère frauduleux ; que par suite, le préfet de Haute-Savoie pouvait légalement retirer, même après l'expiration du délai de recours contentieux le titre de séjour, qui, eu égard aux conditions dans lesquelles il avait été obtenu, n'avait pu conférer aucun droit à son titulaire ;
Considérant que le moyen tiré par Mme Y... de la méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, manque en fait ;
Considérant que Mme Y... ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 12 de l'ordonnance de 1945, qui n'est pas applicable en l'espèce dès lors que l'arrêté attaqué n'a pas été pris à la suite d'une demande de Mme Y... ;
Considérant que si Mme Y... est mariée depuis un an avec un ressortissant zaïrois résidant en France depuis 10 ans et soutient qu'elle n'a pas d'attaches dans son pays d'origine, il ressort de l'instruction que son époux, débouté définitivement de sa demande de droit d'asile, se maintient en France sous couvert d'autorisations provisoires ; qu'aucune circonstance ne fait obstacle à ce que le couple s'installe dans un autre pays ; que l'atteinte portée par la mesure attaquée au droit de Mme Y... au respect de sa vie familiale n'est pas disproportionnée au but poursuivi, notamment compte-tenu de l'atteinte causée à l'ordre public par la manoeuvre frauduleuse dont elle s'est rendue coupable ; que dès lors, ladite mesure n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que de tout ce qui précède il résulte que le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du préfet de la Haute-Savoie du 29 mars 1993 ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Grenoble en date du 14 juin 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Grenoble par Mme Y... est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Mariam X...
Y... épouse Kamanga et au ministre de l'intérieur.