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14/02/1996 | FRANCE | N°144042

France | France, Conseil d'État, 9 / 8 ssr, 14 février 1996, 144042


Vu la requête enregistrée le 5 janvier 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Patrick X..., demeurant Les rues, à Boce (49150) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 1992 du tribunal administratif de Nantes en tant que celui-ci a décidé qu'il n'y avait lieu de statuer sur sa demande dirigée contre la décision du 8 avril 1992 du directeur de l'hôpital local de Baugé, refusant de lui communiquer son dossier administratif ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'h

pital à lui payer une somme de 10 000 F en application de l'article 75-I ...

Vu la requête enregistrée le 5 janvier 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Patrick X..., demeurant Les rues, à Boce (49150) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 1992 du tribunal administratif de Nantes en tant que celui-ci a décidé qu'il n'y avait lieu de statuer sur sa demande dirigée contre la décision du 8 avril 1992 du directeur de l'hôpital local de Baugé, refusant de lui communiquer son dossier administratif ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) de condamner l'hôpital à lui payer une somme de 10 000 F en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifié ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Ph. Martin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 : "L'accès aux documents administratifs s'exerce : a) par consultation gratuite sur place ... b) sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par délivrance de copie en un seul exemplaire, aux frais de la personne qui les sollicite ..." ;
Considérant que M. X..., médecin à temps partiel à l'hôpital local de Baugé (Maine-et-Loire) a demandé à celui-ci, sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978, de lui communiquer son dossier administratif ; qu'après que la commission d'accès aux documents administratifs eut émis, le 19 mars 1992, à la suite du refus initialement opposé par l'hôpital à la demande dont il avait été saisi par M. X..., un avis favorable à la communication sollicitée, le directeur de l'établissement a, par lettre du 8 avril 1992, fait connaître à l'intéressé qu'il avait la possibilité de consulter son dossier administratif chez l'avocat auquel il avait été transmis dans le cadre d'une autre instance ; que M. X... a demandé le 1er juin 1992 au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision contenue dans cette lettre du 8 avril 1992 ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978, qu'un document administratif communicable doit être mis à la disposition de la personne qui demande à le consulter dans les locaux de l'administration dont il émane et non dans un autre lieu, tel que le cabinet d'un avocat ; qu'ainsi, la lettre du 8 avril 1992 du directeur de l'hôpital local de Baugé n'a pas mis M. X... à même de consulter son dossier administratif dans des conditions répondant aux exigences de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 et doit être regardée, ainsi que le fait valoir M. X..., comme équivalant à un refus de communication ;
Considérant, en second lieu, que les premiers juges ont estimé que la production, dans le cadre d'une autre instance, de plusieurs documents présentés par l'hôpital local de Baugé comme constituant le dossier administratif de l'intéressé, suffisait à faire regarder comme satisfaite la demande de communication présentée par celui-ci ; que, toutefois, il n'est pas établi que les pièces ainsi produites, qui se composent essentiellement de correspondances de tiers, de rapports de services et de comptes rendus de réunions statutaires, constituent l'intégralité du dossier administratif de M. X... ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... ne peut être regardé comme ayant obtenu la communication des documents qu'il avait demandés ; qu'il est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu sur sa demande ; qu'ainsi ce jugement doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nantes et d'y statuer immédiatement ;
Considérant que M. X... avait droit, sur le fondement de l'article 6 bis de la loi du 17 juillet 1978 à la communication de son dossier administratif ; que par suite, la décision du directeur de l'hôpital local de Baugé du 8 avril 1992 doit être annulée ;

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. X..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'hôpital local de Baugé la somme réclamée par celui-ci au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'hôpital local de Baugé à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre de l'article 75-I précité ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du 15 octobre 1992 du tribunal administratif de Nantes et la décision du 8 avril 1992 du directeur de l'hôpital local de Baugé sont annulés.
Article 2 : L'hôpital local de Baugé paiera à M. X... une somme de 10 000 F, au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick X..., à l'hôpital local de Baugé et au ministre du travail et des affaires sociales.


Synthèse
Formation : 9 / 8 ssr
Numéro d'arrêt : 144042
Date de la décision : 14/02/1996
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

26-06-01-02-04 DROITS CIVILS ET INDIVIDUELS - ACCES AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS - ACCES AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS AU TITRE DE LA LOI DU 17 JUILLET 1978 - DROIT A LA COMMUNICATION - MODALITES DE L'EXERCICE DU DROIT DE COMMUNICATION -Notion de refus de communication - Existence - Administration invitant l'intéressé à consulter son dossier administratif non sur place mais chez l'avocat auquel il avait été transmis dans le cadre d'une autre instance.

26-06-01-02-04 Il résulte des dispositions de l'article 4 de la loi du 17 juillet 1978 qu'un document administratif communicable doit être mis à la disposition de la personne qui demande à le consulter dans les locaux de l'administration dont il émane et non pas dans un autre lieu. Par suite, la lettre par laquelle le directeur d'un établissement hospitalier fait connaître à un médecin employé dans cet établissement, en réponse à une demande de communication de son dossier administratif, qu'il a la possibilité de consulter celui-ci chez l'avocat de l'établissement auquel ce document avait été transmis dans le cadre d'une autre instance, doit être regardé comme équivalant à un refus de communication.


Références :

Loi 78-753 du 17 juillet 1978 art. 4, art. 6 bis
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 14 fév. 1996, n° 144042
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Bardou
Rapporteur public ?: M. Ph. Martin

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:144042.19960214
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