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08/03/1996 | FRANCE | N°162197

France | France, Conseil d'État, 7 /10 ssr, 08 mars 1996, 162197


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 octobre 1994 et 7 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Martine Y..., demeurant ... ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a déclarée démissionnaire d'office des fonctions de conseiller général du département de Loire-Atlantique et inéligible à ces fonctions pendant un an à compter de la date dudit jugement ;
2°) de valider son élection ;
3°) de condamner

la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politi...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 octobre 1994 et 7 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Martine Y..., demeurant ... ; Mme Y... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 13 septembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Nantes l'a déclarée démissionnaire d'office des fonctions de conseiller général du département de Loire-Atlantique et inéligible à ces fonctions pendant un an à compter de la date dudit jugement ;
2°) de valider son élection ;
3°) de condamner la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques à lui verser la somme de 14 232 F en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Lagumina, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de Mme Martine Y...,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 197 du code électoral : "Est inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et délais prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit" ;
Considérant que la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de Mme Y... par une décision du 22 juillet 1994 et saisi le juge de l'élection ; que, par un jugement en date du 13 septembre 1994, le tribunal administratif de Nantes a déclaré Mme Y... démissionnaire d'office des fonctions de conseiller général du canton de Nantes 10 et inéligible à ces fonctions pendant un an à compter de cette date ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral dans sa rédaction alors en vigueur : "Les dons consentis par des personnes dûment identifiées pour le financement de la campagne d'un candidat ou de plusieurs candidats lors d'une même élection ne peuvent excéder 30 000 F s'ils émanent d'une personne physique et 10 % du plafond des dépenses électorales dans la limite de 500 000 F s'ils émanent d'une personne morale autre qu'un parti ou groupement politique" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que dans le compte de campagne de Mme Y..., candidate à l'élection cantonale de Nantes 10, est inscrit sur la liste des donateurs personnes physiques un chèque de 40 000 F versé par "M. X... et consorts" ; qu'il est constant que les titulaires du compte joint sur lequel ce chèque a été tiré sont dix élus de Saint-Sébastien-sur-Loire, commune dont Mme Y... était le maire ; que Mme Y... soutient que le versement d'un chèque de 40 000 F par "M. X... et consorts" ne contrevient pas aux régles de plafonnement fixées par les dispositions précitées dès lors que le don doit être regardé comme provenant de dix personnes physiques identifiées ayant versé chacune une somme de 4 000 F ;

Considérant que les co-titulaires d'un compte joint sont liés par une clause de solidarité active et passive organisée par les articles 1197 à 1216 du code civil ; qu'il en résulte d'une part , que chaque titulaire peut personnellement engager l'ensemble des avoirs du compte sans mandat préalable délivré par les autres co-titulaires et, d'autre part, que la quote-part réelle de propriété de chacun des co-titulaires sur ces avoirs n'est pas déterminée ; que la solidarité passive ne lie les co-titulaires d'un compte joint qu'à l'égard du dépositaire de ce compte, mais ne les oblige pas à l'égard de tiers ; que, par suite, un don émis par l'intermédiaire d'un telcompte doit être regardé pour l'application des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral, qui impose que le donateur soit dûment identifié, comme le don de la personne physique ayant effectivement engagé la somme retracée dans le compte de campagne en l'occurrence le signataire du chèque dès lors que les co-titulaires du compte ne produisent que devant le juge des justifications de leurs éventuels engagements ; que, dès lors la commission des comptes de campagnes et des financements politiques était fondée à rejeter le compte de campagne de Mme Y... pour dépassement du plafond de 30 000 F fixé par l'article L. 52-8 pour les dons des personnes physiques ;
Considérant que Mme Y... soutient, à titre subsidiaire, que le groupement formé par les dix co-titulaires du compte "M. X... et consorts" constituerait un "groupement politique" dont les dons ne sont pas soumis à plafonnement en vertu de l'article L. 52-8 précité du code électoral ; qu'il ressort des pièces du dossier que les dix co-titulaires du compte "M. X... et consorts" ne sont liés que par la convention de compte joint ; que Mme Y... n'apporte aucune précision concernant les buts, les activités ou le fonctionnement de ce groupement et permettant d'établir qu'il s'agirait d'un groupement politique ; que, dès lors, ce moyen ne peut être qu'écarté ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l'a, sur la saisine de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, déclarée inéligible pour un an comme conseiller général et démissionnaire d'office de son mandat de conseiller général dans le canton de Nantes 10 ;
Considérant en revanche que l'inéligibilité d'une durée d'un an prévue à l'article L. 197 du code électoral doit prendre effet à la date à laquelle la décision du juge de l'élection constatant cette inéligibilité devient définitive ; qu'en raison de l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 septembre 1994, cette date doit, en l'espèce, être fixée au jour de la présente décision ; que le jugement attaqué doit être réformé en ce sens ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas dans la présente affaire la partie perdante soit condamné à verser à Z... LAURENT la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Mme Y... est déclarée inéligible en qualité de conseiller général pendant un an à compter de la date de la présente décision. Le jugement du 13 septembre 1994 du tribunal administratif de Nantes est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 2 : Les conclusions de la requête sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Martine Y..., à la Commission des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

28-005-04-01 ELECTIONS - DISPOSITIONS GENERALES APPLICABLES AUX ELECTIONS POLITIQUES - FINANCEMENT ET PLAFONNEMENT DES DEPENSES ELECTORALES - DONS -Dispositions de l'article L.52-8 du code électoral limitant à 30 000 F les dons d'une même personne physique en faveur d'un ou plusieurs candidats - Cas d'une somme versée par un chèque tiré sur un compte joint.

28-005-04-01 Compte de campagne dans lequel figure un chèque de 40 000 F tiré sur un compte joint dont dix personnes sont co-titulaires. En vertu des dispositions des articles 1197 à 1216 du code civil régissant les comptes joints, chaque titulaire peut personnellement engager l'ensemble des avoirs du compte sans mandat préalable des autres titulaires, la quote-part réelle de propriété de chacun des titulaires n'est pas déterminée et les titulaires sont liés par la solidarité passive à l'égard du dépositaire du compte mais non à l'égard de tiers. Par suite, pour l'application de l'article L.52-8 du code électoral qui impose que le donateur soit dûment identifié, un don émis par l'intermédiaire d'un compte joint doit, en l'absence d'engagements des autres titulaires du compte, être regardé comme le don du signataire du chèque. Inéligibilité du candidat, le montant du chèque excédant le plafond de 30 000 F que les dispositions de l'article L.52-8 assignent aux dons d'une même personne physique.


Références :

Code civil 1197 à 1216
Code électoral L197, L52-8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 08 mar. 1996, n° 162197
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: Mlle Lagumina
Rapporteur public ?: M. Chantepy

Origine de la décision
Formation : 7 /10 ssr
Date de la décision : 08/03/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 162197
Numéro NOR : CETATEXT000007856972 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-03-08;162197 ?
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