Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 28 février 1995 et 24 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par M. Paul X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule un jugement en date du 20 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Lyon, sur demande de la commission nationale des comptes de campagne, l'a déclaré démissionnaire d'office des fonctions de conseiller général de l'Ain et inéligible pendant un an aux élections cantonales ;
2°) valide son élection ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Vidal, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Descoings, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par M. X... :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-12 du code électoral : "Chaque candidat ou candidat tête de liste soumis au plafonnement prévu à l'article L. 52-11 est tenu d'établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine, l'ensemble des recettes perçues et, selon leur nature, l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, par lui-même ou pour son compte, au cours de la période mentionnée à l'article L. 52-4. Sont réputées faites pour son compte les dépenses exposées directement au profit du candidat et avec l'accord, même tacite, de celui-ci, par les personnes physiques ou morales, les groupements et partis qui lui apportent leur soutien. Le candidat estime et inclut, en recettes et en dépenses, les avantages directs ou indirects, les prestations de services et dons en nature dont il a bénéficié. Dans les deux mois qui suivent le tour de scrutin où l'élection a été acquise, chaque candidat ou candidat tête de liste présent au premier tour dépose à la préfecture son compte de campagne et ses annexes, présentés par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés et accompagnés des justificatifs de ses recettes ainsi que des factures, devis et autres documents de nature à établir le montant des dépenses payées ou engagées par le candidat ou pour son compte ..." ; qu'aux termes de l'article L. 52-8 du code précité, dans sa rédaction antérieure à la loi du 19 janvier 1995 et applicable à l'élection litigieuse : "Les dons consentis par des personnes dûment identifiées pour le financement de la campagne d'un candidat ou de plusieurs candidats lors d'une même élection ne peuvent excéder 30 000 F s'ils émanent d'une personne physique et 10 pour 100 du plafond des dépenses électorales dans la limite de 500 000 F s'ils émanent d'une personne morale autre qu'un parti ou groupement politique ..." ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 de ce même code : "La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne ... Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il a fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection ..." ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 dudit code : "Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection constate, le cas échéant, l'inéligibilité d'un candidat. S'il s'agit d'un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office ..." et qu'aux termes de l'article L. 197 dudit code applicable en matière d'élection cantonale : "Est inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'une brochure intitulée "Bourg-en-Bresse-L'Ain-La revue cantonale", éditée avec l'accord de M. X... par la société Transalpine de diffusion et entièrement financée par l'achat d'espaces publicitaires par vingt-sept commerçants et artisans de la ville de Bourg-en-Bresse a été distribuée gratuitement moins de six mois avant l'ouverture de la campagne électorale des élections cantonales de mars 1994 ;
Considérant que, comme l'a jugé le tribunal administratif de Lyon, la société Transalpine de diffusion est une personne morale, distincte des vingt-sept annonceurs dont, dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît pas qu'en procédant à l'achat d'espaces publicitaires et en assurant ainsi, en fait, le financement de la publication litigieuse, ils aient entendu contribuer au financement de la campagne électorale de M. X... ; qu'une telle situation fait obstacle à ce que, pour l'application de celles des dispositions précitées de l'article L. 52-8 qui étaient relatives au plafonnement des dons, le montant de l'aide puisse être apprécié par annonceur, comme le soutient M. X... et implique au contraire que ce soit l'avantage consenti par la société Transalpine de diffusion à l'intéressé qui soit apprécié dans son ensemble et au regard des dispositions législatives régissant l'octroi de dons aux candidats par les personnes morales ;
Considérant toutefois que la brochure litigieuse, si elle comporte notamment une photographie de M. X... et une référence à son expérience personnelle en sa qualité de conseiller général de l'Ain, se présente pour l'essentiel comme un document d'information sur le rôle du conseil général de l'Ain et une présentation de ses membres ; que, compte tenu de la part très limitée du contenu qui, dans cette brochure, peut apparaître comme ayant une portée électorale, l'avantage en nature consenti à M. X... et assimilable à un don au sens de l'article L. 52-12 précité, ne saurait être pris en compte pour une somme supérieure au quart du coût de la publication et de la diffusion de cette brochure ; que ce coût étant de 28 927 F, la part à prendre en considération pour l'application de l'article L. 52-8 est inférieure au plafond de 10 % relatif aux dons émanant d'une personne morale, qui s'élevait en l'espèce à 8 607 F ;
Considérant que, si M. X... avait initialement inscrit à ce titre dans son compte de campagne une somme de 17 153 F, qui dépassait ledit plafond, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que cette évaluation n'était pas susceptible d'être remise en cause devant lui ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de lyon a confirmé le rejet par la commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques du compte de campagne de M. X... et, faisant application des articles L. 118-3 et L. 197 du code électoral, a déclaré M. X... démissionnaire d'office et inéligible aux élections cantonales pendant un an ;
Article 1er : Le jugement en date du 20 janvier 1995 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : L'élection de M. X... en qualité de conseiller général du canton de Bourg en Bresse Nord est validée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. X..., à la commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur.