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20/03/1996 | FRANCE | N°121601

France | France, Conseil d'État, 8 / 9 ssr, 20 mars 1996, 121601


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre et 10 avril 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Louis Y..., demeurant Ile Sainte-Marguerite, à Cannes (06400) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 11 octobre 1990 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande qu'il lui avait présentée avec sa mère, Mme X... Coupez, veuve Z..., décédée, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes refusant le renouvellement

de l'autorisation accordée à Mme Z... d'occuper une parcelle du domain...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre et 10 avril 1991 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Louis Y..., demeurant Ile Sainte-Marguerite, à Cannes (06400) ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1° annule le jugement du 11 octobre 1990 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande qu'il lui avait présentée avec sa mère, Mme X... Coupez, veuve Z..., décédée, tendant, d'une part, à l'annulation de la décision implicite du préfet des Alpes-Maritimes refusant le renouvellement de l'autorisation accordée à Mme Z... d'occuper une parcelle du domaine public maritime de l'île Sainte-Marguerite, d'une superficie de 4 135 m , sur le sol de laquelle était construit un bâtiment à usage d'hôtel-restaurant, d'autre part, à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 1988 par lequel ledit préfet a concédé l'occupation de la même parcelle à la S.A.R.L. "Hostellerie du Masque de Fer", enfin, à titre subsidiaire, à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité en raison du préjudice subi du fait de ces décisions ;
2° annule lesdites décisions et condamne l'Etat à lui payer cette indemnité, avec les intérêts de droit à compter de la première demande ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, modifiée ;
Vu le décret n° 79-518 du 29 juin 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 91-641 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Auditeur,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. JeanLouis Y... et de la SCP Le Prado, avocat de la société "Hostellerie du Masque de Fer",
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du préfet des AlpesMaritimes refusant le renouvellement de l'autorisation accordée à Mme Veuve Z... :
En ce qui concerne la légalité externe de cette décision :
Considérant, en premier lieu, qu'aucun principe n'impose à l'autorité gestionnaire du domaine public, lorsque, comme en l'espèce, elle prend, dans l'intérêt de ce domaine, une mesure qui ne revêt pas le caractère d'une sanction, de respecter une procédure contradictoire ; que, par suite, la décision par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler l'autorisation d'occupation du domaine public maritime dont bénéficiait Mme Z... a pu légalement être prise sans que cette dernière ait été invitée à faire présenter ses observations ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 du décret du 29 juin 1979, relatif aux concessions d'endigage et d'utilisation des dépendances du domaine public maritime maintenues dans ce domaine en dehors des ports, qui ne s'appliquent qu'aux concessions d'endigage, est inopérant à l'appui de conclusions dirigées contre une décision relative à une demande d'utilisation de ce domaine ; qu'ainsi, M. Y... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet aurait été prise selon une procédure irrégulière ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, dans sa rédaction issue de l'article 26 de la loi du 17 janvier 1986 : " ... doivent être motivées les décisions qui : ... refusent une autorisation ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que, par deux lettres des 10 février et 24 mai 1988, Mme A... a demandé que soit renouvelée l'autorisation d'occupation du domaine public maritime dont elle bénéficiait ; que, par une lettre du 1er juillet 1988, le chef du service maritime et hydraulique de la direction départementale de l'équipement des Alpes-Maritimes l'a informée de ce que le préfet desAlpes-Maritimes avait décidé d'attribuer la concession d'occupation de la parcelle du domaine public maritime dont elle sollicitait le renouvellement à la société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer" ; que cette lettre, qui doit être regardée comme notifiant une décision de rejet de la demande présentée par Mme Z..., comporte l'énoncé des circonstances de fait et de droit sur le fondement desquels cette décision a été prise et fait état, notamment, du défaut d'entretien du bâtiment occupé par l'intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision dont il s'agit ne serait pas motivée, manque en fait ;
En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'il résulte des principes généraux de la domanialité publique que les titulaires d'autorisation n'ont pas de droits acquis au renouvellement de leur titre ; qu'il appartient à l'administration, sous le contrôle du juge, d'examiner chaque demande de renouvellement en appréciant les garanties qu'elle présente pour la meilleure utilisation possible du domaine public ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de Mme Z..., l'administration s'est fondée sur ce que le bâtiment à usage d'hôtel-restaurant construit sur la parcelle que l'intéressée était autorisée à occuper, avait été laissé sans entretien ; que ce motif, dont l'exactitude matérielle n'est pas contestée, est, eu égard à l'intérêt général que présente le développement touristique de l'île Sainte-Marguerite, de nature à justifier légalement la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prononcée la nullité de la convention par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a concédé l'occupation de la parcelle litigieuse à la société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer" :
Considérant que seuls sont recevables à demander au juge de prononcer la nullité d'un contrat les personnes qui y sont parties ; que les consorts Z... ne sont pas parties à la convention conclue entre l'Etat et la société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer"; que, dès lors, les conclusions de M. Y... qui tendent à ce que le juge en prononce la nullité ne sont pas recevables ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 1988 approuvant cette convention :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966 sur la société commerciale : "Les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce ... Les personnes qui ont agi au nom d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions, d'une part, que la concession de l'occupation d'une parcelle domaniale a pu être valablement demandée par la société à responsabilité limitée Sejhôtel, agissant au nom de la société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer" en cours de formation, en vue de l'exercice des futures activités de cette dernière société, et, d'autre part, que le préfet des Alpes-Maritimes a pu légalement accorder la concession d'occupation litigieuse à une société qui n'avait pas encore été immatriculée au registre du commerce, mais dont les statuts avaient été signées le 21 octobre 1987 et devait être regardée, à la date de la décision préfectorale, comme étant en cours de formation, au sens desdites dispositions ; qu'ainsi les moyens soulevés par M. Y... doivent être écartés ;

Considérant, en deuxième lieu, que M. Y... soutient que le préfet aurait méconnu le caractère personnel et incessible qui s'attache aux autorisations d'occupation du domaine public, dès lors que la société à laquelle la concession a été accordée serait différente, même en l'absence de modification de sa raison sociale, de la société en formation pour le compte de laquelle l'octroi de cette concession avait été initialement sollicitée ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande tendant à obtenir la concession a été présentée le 26 août 1986 par la société à responsabilité limitée Sejhôtel pour le compte d'une société en formation, dénommée société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer" ; que les conditions dans lesquelles la composition du capital de cette société en formation a été modifiée postérieurement à la décision lui attribuant la concession, sont sans influence sur la légalité de l'arrêté attaqué ; que, par suite, en décidant d'attribuer la concession d'occupation précitée à la société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer", le préfet n'a, ni fondé sa décision sur des faits matériellement inexacts, ni commis d'erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Sur les conclusions à fin d'indemnité :
Considérant, d'une part, que le refus de renouvellement d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public ne donne pas lieu à indemnisation et, d'autre part, qu'en attribuant une concession d'occupation du domaine public maritime à la société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer", l'administration n'a commis aucune faute ; qu'ainsi, les conclusions de M. Y... qui tendent au versement d'une indemnité en raison du préjudice qu'il aurait subi du fait des décisions administratives contestées ne peuvent être accueillies ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande qu'il avait formé avec Mme Z... ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat et la société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer", qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnées à payer à M. Y... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis Y..., à la société à responsabilité limitée "Hostellerie du Masque de Fer" et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

24-01-01-02-01 DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - CONSISTANCE ET DELIMITATION - DOMAINE PUBLIC NATUREL - CONSISTANCE DU DOMAINE PUBLIC MARITIME.


Références :

Décret 79-518 du 29 juin 1979 art. 3
Loi 66-537 du 24 juillet 1966 art. 5
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1
Loi 86-76 du 17 janvier 1986 art. 26
Loi 91-641 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 20 mar. 1996, n° 121601
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Struillou
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Formation : 8 / 9 ssr
Date de la décision : 20/03/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 121601
Numéro NOR : CETATEXT000007891388 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-03-20;121601 ?
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