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27/03/1996 | FRANCE | N°164465

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 27 mars 1996, 164465


Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-PIERRE à La Réunion (97448) ; la COMMUNE DE SAINT-PIERRE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision en date du 14 décembre 1994 par laquelle le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a autorisé M. André Y... à intenter, au nom de la COMMUNE DE SAINT-PIERRE, une action aux lieu et place de la commune à l'encontre de M. Elie X..., son maire, pour détournement de fonds publics ;
2°) rejette la demande présentée par M.

André Y... devant ce tribunal ;
3°) condamne M. Y... à lui payer la so...

Vu la requête, enregistrée le 13 janvier 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE SAINT-PIERRE à La Réunion (97448) ; la COMMUNE DE SAINT-PIERRE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule la décision en date du 14 décembre 1994 par laquelle le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a autorisé M. André Y... à intenter, au nom de la COMMUNE DE SAINT-PIERRE, une action aux lieu et place de la commune à l'encontre de M. Elie X..., son maire, pour détournement de fonds publics ;
2°) rejette la demande présentée par M. André Y... devant ce tribunal ;
3°) condamne M. Y... à lui payer la somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal ;
Vu le code des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Debat, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du maire de la COMMUNE DE SAINT-PIERRE et de la SCP Gatineau, avocat de M. André-Maurice Y...,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sur la procédure :
Considérant que, par une décision du 14 octobre 1992, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion avait autorisé M. Y... à agir en justice au nom de la COMMUNE DE SAINT-PIERRE à l'encontre de M. Elie X..., son maire, à raison de surfacturations ayant pu affecter certains marchés négociés passés par la commune et qui auraient été destinés à financer la campagne électorale de M. Elie X... entre mars et septembre 1989 ; que, par une décision en date du 9 juillet 1993, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé ladite autorisation, au motif qu'elle était intervenue alors que le délai de deux mois imparti au tribunal administratif pour statuer était expiré et qu'ainsi le tribunal était dessaisi de la demande de M. Y... ;
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE SAINT-PIERRE, en statuant sur la nouvelle demande d'autorisation de plaider introduite par M. Y... le 10 novembre 1994, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion n'a pas méconnu l'autorité de la chose jugée par la décision du Conseil d'Etat en date du 9 juillet 1993, laquelle concernait la première demande de M. Y... ; que la décision attaquée constitue une nouvelle autorisation distincte de la précédente, à la suite de l'annulation de cette dernière par le Conseil d'Etat ; que le fait qu'une procédure judiciaire avait été engagée par M. Y... en vertu de l'autorisation dont il avait bénéficié précédemment ne s'opposait pas à ce que le tribunal accordât à M. Y... l'autorisation qu'il sollicitait ; que la circonstance que la décision attaquée ait abrogé la décision implicite de rejet de la première demande de M. Y... née le 7 octobre 1992, laquelle n'avait créé de droits ni à l'égard de M. Elie X..., ni pour la COMMUNE DE SAINT-PIERRE, est sans incidence sur son bien-fondé ;
Considérant, en second lieu, qu'il est constant que, par délibérations des 15 mai, 16 juin et 17 juillet 1992, le conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT-PIERRE avait expressément refusé d'exercer l'action en justice demandée par M. Y... pour les faits qui ont motivé sa seconde demande d'autorisation de plaider et qu'à la date du 10 novembre 1994 à laquelle M. Y... a, à nouveau, saisi le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, la commune n'avait pas exercé elle-même cette action ; qu'ainsi, à cette date, la COMMUNE DE SAINT-PIERRE, qui n'avait pas à être saisie d'une nouvelle demande d'autorisation de plaider par M. Y..., devait être regardée comme ayant refusé ou négligé d'exercer l'action envisagée par l'intéressé ; que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE SAINT-PIERRE, la demande de M. Y... au tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion contenait des éléments suffisants sur la nature de l'action que M. Y... envisageait d'exercer au nom de la commune ;
Sur les conditions de fond de l'autorisation de plaider :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 316-5 du code des communes repris par l'article L. 2132-5 du code des collectivités territoriales : "Tout contribuable inscrit au rôle de la commune a le droit d'exercer, tant en demande qu'en défense, à ses frais et risques, avec l'autorisation du tribunal administratif, les actions qu'il croit appartenir à la commune et que celle-ci, préalablement appelée à en délibérer, a refusé ou négligé d'exercer" ; qu'il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle examine une demande présentée par un contribuable sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, sans se substituer au juge de l'action, et au vu des éléments qui lui sont fournis, que l'action envisagée présente un intérêt suffisant pour la commune et qu'elle a une chance de succès ;
Considérant qu'à la suite du passage sur l'île de la Réunion du cyclone "Firinga", en février 1989, le conseil municipal de la COMMUNE DE SAINT-PIERRE a, par délibération du 28 mars 1989, autorisé M. Elie X..., maire de la commune, à passer les marchés publics nécessaires à la réalisation de travaux divers, dans la limite de 420 000 F pour chaque marché, fixée par le code des marchés publics ; que M. Y... fait valoir que M. Elie X... a signé à cette date des marchés en blanc et qu'une partie des entreprises qui ont bénéficié de ces marchés ont contribué jusqu'en septembre 1989 au financement de la campagne électorale de M. Elie X..., alors en cours à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion de l'élection municipale de mars 1989 ; qu'il résulte du rapprochement de ces circonstances que l'action envisagée par M. Y..., à raison de surfacturations éventuelles de certains de ces marchés, destinées à financer la campagne électorale de M. Elie X..., ne peut être regardée comme dépourvue de chances de succès ; qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que les faits reprochés à M. Elie X... par M. Y... seraient prescrits ; que, s'ils étaient établis, ces faits seraient de nature à avoir engendré un préjudice pour la COMMUNE DE SAINT-PIERRE et que ladite action présente donc pour elle un intérêt suffisant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-PIERRE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 14 décembre 1994 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;
Sur les conclusions de M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions susvisées de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de condamner la COMMUNE DE SAINT-PIERRE à payer à M. Y... la somme de 14 232 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE SAINT-PIERRE tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que M. Y..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNE DE SAINT-PIERRE les sommes qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE SAINT-PIERRE est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE SAINT-PIERRE versera à M. Y... une somme de 14 232 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE SAINT-PIERRE, à M. André Y..., à M. Elie X..., au ministre de l'intérieur et au ministre délégué à l'outre-mer.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 164465
Date de la décision : 27/03/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

135-02-05-01 COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - EXERCICE PAR UN CONTRIBUABLE DES ACTIONS APPARTENANT A LA COMMUNE.


Références :

Code des communes L316-5, L2132-5
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 1996, n° 164465
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Debat
Rapporteur public ?: Mme Maugüé

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:164465.19960327
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