La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/1996 | FRANCE | N°136488

France | France, Conseil d'État, 6 / 2 ssr, 15 avril 1996, 136488


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril 1992 et 17 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES, dont le siège social est ... (92080) Paris la Défense 2, représentée par son président en exercice ; l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES demande l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 30 décembre 1991 du ministre de l'intérieur et du ministre de l'environnement relative à l'articulation entre le plan d'opération interne et les plans d'urgence visant les installations cl

assées, publiée au Journal officiel du 16 février 1992 et le vers...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 avril 1992 et 17 août 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES, dont le siège social est ... (92080) Paris la Défense 2, représentée par son président en exercice ; l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES demande l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 30 décembre 1991 du ministre de l'intérieur et du ministre de l'environnement relative à l'articulation entre le plan d'opération interne et les plans d'urgence visant les installations classées, publiée au Journal officiel du 16 février 1992 et le versement par l'Etat d'une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 76-669 du 19 juillet 1976 modifiée ;
Vu la loi n° 87-565 du 22 juillet 1987 ;
Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 modifié ;
vu le décret n° 88-622 du 6 mai 1988 ;
Vu le décret n° 89-838 du 14 novembre 1989 ;
Vu le décret n° 90-918 du 11 octobre 1990 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fougier, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, dans sa rédaction issue de l'article 4 du décret n° 89-937 du 14 novembre 1989, le cinquième alinéa de l'article 17 du décret du 21 septembre 1977 pris pour l'application de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement dispose que l'arrêté préfectoral autorisant une installation peut prévoir l'obligation pour l'exploitant d'établir un plan d'opération interne en cas de sinistre ; que la loi du 22 juillet 1987 relative à l'organisation de la sécurité civile énonce au premier alinéa de son article 3 que "les plans d 'urgence prévoient les mesures à prendre et les moyens de secours à mettre en oeuvre pour faire face à des risques de nature particulière ou liés à l'existence et au fonctionnement d'installations ou d'ouvrages déterminés" ; qu'au nombre des plans d'urgence énumérés au deuxième alinéa du même article, figurent notamment les plan particuliers d'intervention (P.P.I.) ainsi que les plans de secours spécialisés (P.S.S.) liés à un risque défini ; que, sur le fondement du troisième alinéa de l'article 3 de la loi du 22 juillet 1987, le décret n° 88-622 du 6 mai 1988 détermine les conditions dans lesquelles sont établis les plans d'urgence ; que par la circulaire attaquée en date du 30 décembre 1991, le ministre de l'intérieur et le ministre de l'environnement ont défini "l'articulation entre le plan d'opération interne (P.O.I.) et les plans d'urgence visant les installations classées" ;
Sur les conclusions dirigées contre le chapitre I de la circulaire relatif au plan d'opération interne, pris dans son ensemble :
Considérant que le décret n° 89-837 du 14 novembre 1989, pris en Conseil d'Etat, a prévu que l'arrêté autorisant une installation classée pouvait faire obligation à l'exploitant d'établir un plan d'opération interne en cas de sinistre et qu'il appartenait à ce plan de définir "les mesures d'organisation, les méthodes d'intervention et les moyens nécessaires que l'exploitant doit mettre en oeuvre pour protéger le personnel, les populations et l'environnement" ; que le chapitre I de la circulaire attaquée en commentant le décret précité n'a édicté aucune règle nouvelle ; que l'Union requérante n'est donc pas recevable à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions dirigées contre le paragraphe 1.1 relatif aux installations concernées par le plan d'opération interne :
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'établissement d'un plan d'opération interne ne peut être prescrit que pour une installation classée soumise à unrégime d'autorisation ; que la circulaire attaquée, en indiquant que l'élaboration d'un tel plan peut être imposée "aux exploitants d'installations qui, par la nature des activités exercées ou par les caractéristiques du voisinage, présentent un risque particulier" n'a pas eu pour objet de rendre possible la prescription d'un plan d'opération interne pour des installations classées soumises au régime de déclaration ; que le paragraphe 1.1 de la circulaire, qui n'étend en rien le champ d'application du plan d'opération interne, n'édicte donc aucune règle nouvelle dont l'Union requérante serait recevable à contester la légalité ;
Sur les conclusions dirigées contre le paragraphe 1.2 relatif au contenu du plan d'opération interne :
Considérant que l'article 3 (5°) du décret du 21 septembre 1977 prévoit que le dossier de la demande d'autorisation comporte notamment "une étude exposant les dangers que peut présenter l'installation en cas d'accident et justifiant les mesures propres à en réduire la probabilité et les effets" ; que l'article 18 du décret du 21 septembre 1977, tel qu'il a été complété par l'article 4 du décret n° 86-1289 du 19 décembre 1986, énonce que des arrêtés complémentaires, peuvent prescrire en particulier la mise à jour des informations présentées au titre de la demande d'autorisation ;
Considérant qu'il suit de là que les dispositions du paragraphe 1.2 de la circulaire, en vertu desquelles le plan d'opération interne est établi "sur la base d'une étude de danger comportant une analyse des différents scénarios d'accidents possibles et de leurs conséquences les plus pénalisantes" constituent à l'intention de l'autorité préfectorale, pour l'exercice de la compétence qu'elle tient de la réglementation en vigueur, une interprétation des dispositions combinées des articles 3 (5°), 17 (alinéa 5) et 18 du décret du 21 septembre 1977 modifié que l'Union requérante n'est pas recevable à déférer au juge de l'excès de pouvoir ;
Sur les conclusions dirigées contre le paragraphe 1.4 relatif aux exercices d'application du plan d'opération interne :
Considérant que le paragraphe 1.4 de la circulaire a pour objet de rendre obligatoire la réalisation par l'exploitant et à ses frais d'exercices d'application du plan d'opération interne, au moins une fois par an ; que de telles prescriptions ajoutent à la réglementation en vigueur une norme nouvelle que les ministres de l'intérieur et de l'environnement n'avaient pas compétence pour édicter ; que l'Union requérante est, par suite, recevable et fondée à en demander l'annulation ;

Sur les conclusions dirigées contre les dispositions du début du chapitre II de la circulaire concernant le champ d'application des différents types de plans d'urgence :
Considérant qu'il résulte des termes de l'article 12 du décret du 6 mai 1988 pris pour l'application de la loi du 22 juillet 1987 que "les plans de secours spécialisés sont établis pour faire face aux risques technologiques qui n'ont pas fait l'objet d'un plan particulier d'intervention" ; que la circulaire attaquée, en indiquant que l'établissement d'un plan de secours spécialisé relève de la seule appréciation du préfet n'a pas eu pour objet de rendre possible l'élaboration de ce type de plan pour faire face à des risques technologiques déjà visés par un plan particulier d'intervention ; que le début du chapitre II de la circulaire, qui ne modifie en rien le champ d'application des différents types de plans d'urgence, n'édicte donc aucune règle nouvelle dont l'Union requérante serait recevable à contester la légalité ;
Sur les conclusions dirigées contre le paragraphe 2.1 relatif au plan particulier d'intervention :
Considérant que le décret du 6 mai 1988 pris en Conseil d'Etat a prévu par son article 7-5°, que le plan particulier d'intervention comporte : "les mesures incombant à l'exploitant à l'égard des populations voisines et notamment, en cas de danger immédiat, les mesures d'urgence qu'il est appelé à prendre avant l'intervention de l'autorité de police et pour le compte de celle-ci, en particulier : a) la diffusion de l'alerte auprès des populations voisines ; b) l'interruption de la circulation sur les infrastructures de transport et l'éloignement des personnes du voisinage du site ..." ; qu'il suit de là que les dispositions du paragraphe 2.1 de la circulaire recommandant aux préfets dans le cadre de l'élaboration des plans particuliers d'intervention de prévoir, à défaut d'un réseau fixe de sirènes susceptible d'assurer de manière satisfaisante l'alerte des populations, d'imposer des moyens mobiles d'alerte et d'exiger, au titre de l'interruption des voies de circulation terrestres, la mise en place de dispositifs appropriés, constituent à l'intention des autorités chargées d'arrêter ces plans, un simple rappel des pouvoirs qu'elles tiennent de la loi du 22 juillet 1987 et des dispositions réglementaires légalement prises pour son application ; que l'Union requérante n'est, dès lors, pas recevable à les contester ;

Sur les conclusions dirigées contre le chapitre III relatif à l'arrêté d'autorisation au titre des installations classées :
En ce qui concerne le premier alinéa :
Considérant que le premier alinéa du chapitre III de la circulaire, en prescrivant de transcrire dans l'arrêté préfectoral relatif à la législation sur les installations classées ou dans un arrêté complémentaire les obligations incombant à l'exploitant en vertu d'un plan particulier d'intervention ou d'un plan de secours spécialisé, a pour effet de soumettre les infractions aux prescriptions de ces deux types de plan d'urgence aux sanctions pénales prévues en matière d'installations classées, à titre de peine principale par l'article 43 du décret du 21 septembre 1977, et à titre de peine complémentaire par l'article 19 de la loi du 19 juillet 1976 ; que cette extension du champ d'application de dispositions d'ordre pénal excède la compétence des ministres auteurs de la circulaire ; que l'Union requérante est, par suite, recevable et fondée à demander l'annulation sur le point susanalysé du premier alinéa du chapitre III de la circulaire ;

En ce qui concerne le deuxième alinéa :
Considérant qu'en vertu du sixième alinéa de l'article 17 du décret du 21 septembre 1977, dans sa rédaction issue de l'article 4 du décret n° 89-837 du 14 novembre 1989, l'arrêté d'autorisation d'une installation classée fixe "les mesures d'urgence qui incombent à l'exploitant sous le contrôle de l'autorité de police et les obligations de celui-ci en matière d'information et d'alerte des personnes susceptibles d'être affectées par un accident, quant aux dangers encourus, aux mesures de sécurité et au comportement à adopter" ; qu'en rappelant, au vu de ces dispositions, qu'il appartient aux préfets, dans l'arrêté d'autorisation au titre des installations classées, d'imposer la réalisation des mesures d'information du public sur les risques et sur le comportement à adopter en cas d'accident, le deuxième alinéa du chapitre III de la circulaire n'édicte aucune règle nouvelle dont l'Union requérante serait recevable à contester la légalité ;
Sur les conclusions dirigées contre le chapitre IV intitulé "mesures transitoires":
Considérant qu'il ressort ainsi qu'il a été dit ci-dessus du sixième alinéa de l'article 17 du décret du 21 septembre 1977 modifié, que l'arrêté d'autorisation d'une installationclassée fixe les mesures d'urgence qui incombent à l'exploitant sous le contrôle de l'autorité de police ; que des prescriptions de cette nature peuvent également faire l'objet d'un arrêté complémentaire pris sur le fondement de l'article 18 du même décret ; que, par ailleurs, en vertu de l'article 6-2° du décret du 6 mai 1988, doivent faire l'objet d'un plan particulier d'intervention les installations classées au voisinage desquelles les servitudes d'utilité publique énoncées à l'article 7-1 de la loi du 19 juillet 1976 peuvent être instituées ; qu'un plan de secours spécialisé peut également être établi pour celles des installations classées entrant dans le champ des prévisions de l'article 12 du décret du 6 mai 1988 ;
Considérant dans ces conditions, qu'en invitant les préfets, lorsqu'une installation classée fait déjà l'objet d'un plan d'opération interne mais pas encore d'un plan d'urgence approuvé, à imposer à l'exploitant, par application des articles 17 et 18 du décret du 21 septembre 1977 modifié, les mesures d'urgence lui incombant sous le contrôle de l'autorité de police, et en leur demandant de veiller à ce que ces mesures soient cohérentes avec celles qui seront arrêtées dans le plan d'urgence, les ministres de l'intérieur et de l'environnement se sont bornés à donner de la réglementation en vigueur une interprétation que l'Union requérante n'est pas recevable à contester devant le juge de l'excès de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES n'est recevable et fondée à demander l'annulation que des dispositions du paragraphe 1.4 de la circulaire ainsi que de celles du premier alinéa du chapitre III en tant qu'elles sont relatives à l'application des sanctions pénales prévues pour les installations classées en cas de méconnaissance des plans particuliers d'intervention et des plans de secours spécialisés ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions entachées d'illégalité sont divisibles des autres dispositions de la circulaire et encourent donc seules l'annulation ;
Sur l'application de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES la somme de 10 000 F qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Dans le texte de la circulaire du ministre de l'intérieur et du ministre de l'environnement en date du 30 décembre 1991 sont annulés 1°) le paragraphe 1.4 ; 2°) les mots "au P.P.I, ou le cas échéant au P.S.S" figurant au premier alinéa du chapitre III.
Article 2 : L'Etat versera à l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'UNION DES INDUSTRIES CHIMIQUES, au ministre de l'intérieur et au ministre de l'environnement.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

- RJ1 - RJ2 ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFERENTES CATEGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - CARACTERE REGLEMENTAIRE DES INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - NE PRESENTE PAS CE CARACTERE - Circulaire interprétative - Incidence de l'illégalité du texte interprété sur le caractère interprétatif - Absence (1) (2).

01-01-05-03-02, 54-01-01-02-04 La circonstance qu'un texte interprété par une circulaire serait illégal n'est pas de nature à conférer à la circulaire en cause un caractère réglementaire. Irrecevabilité du recours dirigé contre une circulaire qui se borne à interpréter un décret, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de ce que le décret aurait été illégal (sol. impl.).

- RJ2 PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - DECISIONS POUVANT OU NON FAIRE L'OBJET D'UN RECOURS - ACTES NE CONSTITUANT PAS DES DECISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS - CIRCULAIRES NON REGLEMENTAIRES - Circulaire interprétative - Incidence de l'illégalité du texte interprété sur le caractère interprétatif - Absence.


Références :

Circulaire du 30 décembre 1991
Décret 77-1133 du 21 septembre 1977 art. 17, art. 3, art. 18, art. 43
Décret 86-1289 du 19 décembre 1986 art. 4
Décret 88-622 du 06 mai 1988 art. 12, art. 7, art. 6
Décret 89-837 du 14 novembre 1989 art. 4
Décret 89-937 du 14 novembre 1989 art. 4
Loi 76-669 du 19 juillet 1976 art. 19, art. 7-1
Loi 87-565 du 22 juillet 1987 art. 3
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75-1, art. 75

1.

Cf. Section, 1983-07-29, Syndicat général C.G.T. des personnels de l'éducation nationale, p. 309. 2. Comp. 1993-06-18, Institut français d'opinion publique, p. 178


Publications
Proposition de citation: CE, 15 avr. 1996, n° 136488
Mentionné aux tables du recueil Lebon
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: M. Fougier
Rapporteur public ?: M. Piveteau

Origine de la décision
Formation : 6 / 2 ssr
Date de la décision : 15/04/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 136488
Numéro NOR : CETATEXT000007939067 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-04-15;136488 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award