Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 mai 1991 et 18 septembre 1992 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mlle Marie X... et pour Mme veuve X..., demeurant ... ; elles demandent que le Conseil d'Etat annule l'arrêt du 26 mars 1991 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur le recours du ministre du budget, annulé le jugement du tribunal administratif de Paris du 27 septembre 1988 et rejeté la contestation formée par M. Pierre X... contre la saisie-arrêt pratiquée le 3 janvier 1983 sur l'un de ses comptes bancaires pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu des personnes physiques mises à sa charge au titre des années 1955 à 1957 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Froment-Meurice, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Luc-Thaler, avocat de la succession de M. Pierre X... et des consorts X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1850 du code général des impôts, repris au premier alinéa de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales : "Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives à partir de la mise en recouvrement du rôle perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable" ; qu'en vertu de l'article 1975 du même code, en partie repris au second alinéa du même article L. 274, le délai de quatre ans ainsi prévu est interrompu par tous "actes interruptifs de la prescription" ; que les contestations relatives au recouvrement des impôts et taxes dont la perception incombe aux comptables du Trésor font l'objet, de la part du redevable, d'une demande qui, aux termes de l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales, "doit, sous peine de nullité, être présentée au trésorier-payeur général dans un délai de deux mois à partir de la notification de l'acte si le motif invoqué est un vice de forme ou, s'il s'agit de tout autre motif, dans un délai de deux mois après le premier acte qui permet d'invoquer ce motif" ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le motif invoqué est autre qu'un vice de forme et tient à la réalisation d'un événement postérieur à la délivrance d'un acte de poursuites, tel que l'expiration du délai dans lequel se prescrit l'action en recouvrement, la demande doit être présentée dans le délai de deux mois qui suit la signification ou la notification du premier acte ultérieur de poursuites qui permet au redevable de se prévaloir de cet événement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. X... a fait valoir, au soutien de sa demande dirigée contre la saisie-arrêt pratiquée le 3 janvier 1983 par le comptable du Trésor sur le compte bancaire dont il était titulaire au Crédit agricole mutuel d'Ile-de-France pour avoir paiement de cotisations d'impôt sur le revenu des personnes physiques, mises en recouvrement de 1959 à 1961, dont il restait redevable au titre des années 1955, 1956 et 1957, que l'action en recouvrement de ces impositions était prescrite depuis le 13 février 1974, à défaut de tout acte de poursuites postérieur au commandement qui lui avait été signifié le 13 février 1970 ; que l'administration ayant fait valoir devant le tribunal administratif de Paris, auquel M. X... avait soumis le litige né du rejet de sa demande par le receveur général des finances de Paris, que la prescription avait été interrompue par un commandement signifié le 6 février 1974, puis, de nouveau, le 5 janvier 1977, par l'acte de saisie, suivis de vente, d'un véhicule automobile appartenant à M. X..., celui-ci a contesté la validité en la forme du commandement du 6 février 1974 devant le tribunal de grande instance de Pontoise, qui en a prononcé la nullité ; que, par un arrêt, devenu définitif, du 6 mai 1988, rendu sur appel du ministre du budget, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette décision, au motif que l'huissier qui avait procédé à la signification du commandement n'avait pas observé les règles de forme prescrites, à peine de nullité, par les dispositions du décret du 28 août 1972, qui ont été ensuite reprises aux articles 655 et 693 du nouveau code de procédure civile, et que ces irrégularités avaient mis M. X... dans l'impossibilité de faire valoir ses droits ;
Que la cour administrative d'appel de Paris, statuant sur le recours formé par le ministre du budget contre le jugement du 27 septembre 1988 par lequel le tribunal administratif de Paris avait déchargé M. X... de l'obligation de payer les sommes pour le recouvrement desquelles la saisie-arrêt du 3 janvier 1983 avait été pratiquée, a relevé, dans lesmotifs de son arrêt, que, du fait de la nullité du commandement du 6 février 1974, prononcée par la cour d'appel de Versailles, le comptable du Trésor avait, en l'absence de tout acte interruptif de prescription pendant un délai de quatre ans à compter de la signification du précédent commandement du 13 février 1970, été déchu, à partir du 13 février 1974, de toute action contre M. X..., mais jugé qu'il appartenait à ce dernier de soulever le moyen tiré de la prescription dans le délai d'un mois, alors applicable en vertu de l'article 1846 du code général des impôts, qui avait suivi l'acte de saisie pratiqué le 5 janvier 1977 et que, faute de l'avoir fait, il n'était plus recevable à présenter ce moyen à l'appui de sa contestation de l'acte de saisie-arrêt du 3 janvier 1983 ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que c'est seulement à l'occasion de cette contestation que M. X... a pu avoir connaissance du commandement du 6 février 1974 et être mis à même de se prévaloir de ce qu'il était irrégulier en la forme et n'avait pu, de ce fait, interrompre le délai de prescription de quatre ans ayant couru depuis la signification du précédent commandement du 13 février 1970, la cour administrative d'appel a donné une qualification juridiquement erronée à la saisie pratiquée le 5 janvier 1977 en la regardant comme ayant été le premier acte de poursuites contre lequel M. X... aurait dû invoquer le moyen tiré de la prescription de l'action de recouvrement et a, ce faisant, méconnu, en l'espèce, les dispositions précitées de l'article R. 281-2 du livre des procédures fiscales ; que Mme et Mlle X... sont, par suite, fondées à demander l'annulation de son arrêt ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que M. X... était recevable et fondé à soutenir que l'action en recouvrement des impositions restant à sa charge au titre des années 1955, 1956 et 1957 était prescrite depuis le 13 février 1974 ; que le ministre du budget n'est, dès lors, pas fondé à demander l'annulation du jugement ci-dessus analysé du tribunal administratif de Paris du 27 mai 1988 ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 mars 1991 est annulé.
Article 2 : Le recours présenté par le ministre du budget devant la cour administrative d'appel de Paris est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Veuve X..., à Mlle Marie X... et au ministre de l'économie et des finances.