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06/05/1996 | FRANCE | N°176996

France | France, Conseil d'État, Avis section, 06 mai 1996, 176996


Vu, enregistré le 19 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le jugement du 15 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Papeete, avant de statuer sur la demande de M. Michel X..., demeurant B.P. 1952 à Papeete (Polynésie française), tendant à la décharge de l'imposition à laquelle il a été assujetti au titre des centimes additionnels à l'impôt foncier dans les rôles de la commune de Pirae (Polynésie française), a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux

administratif, de transmettre le dossier au Conseil d'Etat en soumet...

Vu, enregistré le 19 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le jugement du 15 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Papeete, avant de statuer sur la demande de M. Michel X..., demeurant B.P. 1952 à Papeete (Polynésie française), tendant à la décharge de l'imposition à laquelle il a été assujetti au titre des centimes additionnels à l'impôt foncier dans les rôles de la commune de Pirae (Polynésie française), a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions suivantes : 1°) Les décrets du 5 août 1881 et du 30 décembre 1912 modifiés sont-ils demeurés en vigueur en dépit du changement de statut des Etablissements français de l'Océanie devenus territoire d'outre-mer autonome, et en dépit de la disparition de la fonction de gouverneur ? Ne doit-on pas, désormais, faire application, en Polynésie française, des dispositions combinées des articles R. 233, 2° alinéa, et R. 234 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ? 2°) Dans l'hypothèse où les décrets précités seraient demeurés en vigueur, à quelle autorité doit s'adresser le contribuable pour présenter sa réclamation préalable, dès lors que l'ensemble de la fiscalité applicable en Polynésie française est désormais issue de délibérations de l'assemblée territoriale : le Haut-commissaire ou le président du gouvernement du territoire ? 3°) Dans l'hypothèse où le président du gouvernement du territoire serait compétent pour se prononcer sur les demandes préalables relatives aux impositions territoriales, serait-il également compétent pour se prononcer sur les demandes en décharge ou réduction des impositions prélevées à l'initiative des communes de Polynésie française, en dépit des dispositions précitées de l'article 3-15° de la loi statutaire de 1984 et des dispositions des articles L. 121-26 à L. 121-39 du code des communes de Polynésie française attribuant au Haut-commissaire la tutelle sur les actes des communes de Polynésie française ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971 relative à la création et à l'organisation des communes dans le territoire de la Polynésie française, notamment son article 8 ;
Vu la loi n° 77-1460 du 29 décembre 1977 modifiant le régime communal dans le territoire de la Polynésie française ;
Vu la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 modifiée portant statut de la Polynésie française ;
Vu le décret du 5 août 1881 modifié concernant l'organisation et la compétence des conseils du contentieux administratif dans les colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion et réglementant la procédure à suivre devant ces conseils ;
Vu le décret du 30 décembre 1912 modifié ;
Vu le code des impôts directs de la Polynésie française ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et notamment ses articles R. 233 et R. 234 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953, et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987, notamment son article 12 ;

Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Bechtel, Maître des Requêtes, - les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

1°) Les règles relatives au recours administratif préalable obligatoire en matière de contributions directes et taxes assimilées sont fixées, en Polynésie française, par l'article R. 233, troisième alinéa, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qui renvoie aux dispositions des articles 100 à 104 ter du décret susvisé du 5 août 1881 et des articles 172 et 173 du décret susvisé du 30 décembre 1912, et, plus précisément, des articles 100 et 173, respectivement, de ces deux décrets. Ces articles demeurent en vigueur. Ils ne sont en effet pas inconciliables avec les dispositions législatives et réglementaires qui leur sont postérieures, et notamment avec celles de la loi susvisée du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française. Si, en vertu des dispositions combinées des articles 2, 3 et 62 de cette loi, l'assemblée territoriale de Polynésie française est seule compétente pour fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions territoriales, cette compétence ne fait pas obstacle à ce que le gouvernement de la République fixe les règles relatives à la réclamation préalable en matière fiscale qui font partie du contentieux de l'impôt et ne sont dès lors pas détachables de la procédure administrative contentieuse, laquelle demeure une compétence de l'Etat en vertu de l'article 3 de la loi précitée, et notamment du 13° dudit article.
2°) En ce qui concerne l'article 100 du décret du 5 août 1881, dans sa rédaction issue du décret du 1er août 1957, et l'article 173 du décret du 30 décembre 1912, dans sa rédaction issue du décret du 28 mai 1957, il convient de les interpréter à la lumière de l'évolution du statut de la Polynésie française. Il faut donc les entendre comme signifiant que les demandes en décharge ou en réduction doivent être adressées, non plus au "chef de territoire (service des contributions directes)", mais au président du gouvernement du territoire qui, en vertu de l'article 40 de la loi précitée du 6 septembre 1984, est le chef de l'administration territoriale et, à ce titre, a autorité sur le service territorial des contributions directes. De même, les litiges peuvent ensuite être portés, non "devant le conseil du contentieux administratif, qui prononce, sauf recours devant le Conseil d'Etat", mais devant le tribunal administratif de Papeete en premier ressort, et devant la cour administrative d'appel de Paris en appel.
3°) Il résulte de l'ensemble des textes régissant la fiscalité en Polynésie française que les centimes additionnels votés par les communes constituent une contribution calculée en fonction du montant de l'impôt territorial correspondant, en l'espèce l'impôt foncier, les communes n'ayant d'autre pouvoir que celui de fixer, dans la limite d'un plafond qui leur esr imposé en vertu de l'article 8 de la loi susvisée du 24 décembre 1971, le taux desdits centimes, mesuré en pourcentage de l'impôt territorial. Dans ces conditions, la demande par un contribuable de la décharge ou de la réduction des centimes additionnels qui lui sont réclamés obéit aux mêmes règles que celles applicables aux impôts territoriaux. En particulier, cette demande doit être formée devant le président du gouvernement du territoire avant d'être, le cas échéant, présentée devant le tribunal administratif de Papeete.

Le présent avis sera notifié au président du tribunal administratif de Papeete, à M. X... et au président du gouvernement du territoire de la Polynésie française.


Synthèse
Formation : Avis section
Numéro d'arrêt : 176996
Date de la décision : 06/05/1996
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - PREMIER MINISTRE - Compétence pour fixer les règles relatives à la procédure administrative contentieuse en Polynésie française.

01-02-02-01-02, 01-02-02-01-07, 19-02-02(1), 46-01-02-02(1), 46-01-06, 46-01-08 Si, en vertu des dispositions combinées des articles 2, 3 et 62 de la loi du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française, l'assemblée territoriale de Polynésie française est seule compétente pour fixer l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions territoriales, cette compétence ne fait pas obstacle à ce que le Gouvernement de la République fixe les règles relatives à la réclamation préalable en matière fiscale qui font partie du contentieux de l'impôt et ne sont dès lors pas détachables de la procédure administrative contentieuse, laquelle demeure une compétence de l'Etat en vertu de l'article 3 de la loi précitée, et notamment du 13° dudit article. Applicabilité de l'article R.233, troisième alinéa, du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel qui, par référence aux dispositions des articles 100 du décret du 5 août 1881 et 173 du décret du 30 décembre 1912, fixe les règles relatives au recours administratif préalable obligatoire en matière de contributions directes et taxes assimilées en Polynésie française.

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTORITES DISPOSANT DU POUVOIR REGLEMENTAIRE - AUTRES AUTORITES - Assemblée territoriale de la Polynésie française - Incompétence pour fixer les règles relatives à la procédure administrative contentieuse - y compris en matière fiscale.

19-02-02(2), 19-03-01-04, 46-01-02-02(2) Les dispositions des articles 100 du décret du 5 août 1881 et 173 du décret du 30 décembre 1912 doivent être interprétées, à la lumière de l'évolution du statut de la Polynésie française, comme attribuant compétence pour se prononcer sur les réclamations préalables en matière fiscale non plus au "chef du territoire (service des contributions directes)" mais au président du gouvernement du territoire qui, en vertu de l'article 40 de la loi du 6 septembre 1984 portant statut de la Polynésie française, est le chef de l'administration territoriale et à ce titre a autorité sur le service territorial des contributions directes. Par suite, une demande en décharge de centimes additionnels votés par une commune de Polynésie française, qui obéit aux mêmes règles que celles applicables à l'impôt territorial auquel se rapporte cette imposition, doit être formée devant le président du gouvernement du territoire avant d'être, le cas échéant, présentée devant le tribunal administratif de Papeete.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - REGLES DE PROCEDURE CONTENTIEUSE SPECIALES - RECLAMATIONS AU DIRECTEUR - Autorité compétente pour fixer les règles relatives à la réclamation préalable en Polynésie française - (1) Gouvernement de la République - (2) Président du gouvernement du territoire.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILEES ET REDEVANCES - QUESTIONS COMMUNES - CONTENTIEUX - Demande en décharge de centimes additionnels perçus par les communes de Polynésie française - Autorité compétente pour se prononcer sur la réclamation préalable à la saisine du tribunal administratif - Président du gouvernement du territoire.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - INSTITUTIONS PROPRES AUX TERRITOIRES D'OUTRE-MER - POLYNESIE FRANCAISE (1) Assemblée territoriale - Incompétence pour fixer les règles relatives à la procédure administrative contentieuse - y compris en matière fiscale - (2) Président du gouvernement du territoire - Compétence pour se prononcer sur les réclamations préalables en matière fiscale.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - REGIME ECONOMIQUE ET FINANCIER - Fixation des règles relatives à la réclamation préalable en matière fiscale - Compétence du gouvernement de la République.

OUTRE-MER - DROIT APPLICABLE DANS LES DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER - ORGANISATION JUDICIAIRE ET PARTICULARITES CONTENTIEUSES - Fixation des règles relatives à la procédure administrative contentieuse - y compris en matière fiscale - Compétence du gouvernement de la République.


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R233
Décret du 05 août 1881 art. 100 à 104 ter
Décret du 30 décembre 1912 art. 172, art. 173
Décret 57-646 du 28 mai 1957
Décret 57-890 du 01 août 1957
Loi 71-1028 du 24 décembre 1971 art. 8
Loi 84-820 du 06 septembre 1984 art. 2, art. 3, art. 62, art. 40


Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 1996, n° 176996
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Gentot
Rapporteur ?: Mme Bechtel
Rapporteur public ?: M. Combrexelle

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:176996.19960506
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