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10/05/1996 | FRANCE | N°162137

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 10 mai 1996, 162137


Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 octobre 1994, présentée par le COMITE DE DEFENSE DES HABITANTS MENACES PAR L'A 83 (C.O.D.H.A.M.E.), dont le siège est fixé chez M. Michel A..., demeurant ..., M. Michel A..., demeurant ..., M. Dominique Y..., demeurant ..., M. René Z..., demeurant ..., M. Jacques F..., demeurant Le Champ de l'Epine Gosne, M. Pierre X..., demeurant ..., M. Michel C..., demeurant Lisenderie à Saint-Aubin-du-Cormier (35140), M. Pierre B..., demeurant Savatais à Dourdain (35450), l'ASSOCIATION DE DEVELOPPEMENT DE GENERATION E

COLOGIEILLE ET VILAINE, dont le siège est ..., représenté...

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 octobre 1994, présentée par le COMITE DE DEFENSE DES HABITANTS MENACES PAR L'A 83 (C.O.D.H.A.M.E.), dont le siège est fixé chez M. Michel A..., demeurant ..., M. Michel A..., demeurant ..., M. Dominique Y..., demeurant ..., M. René Z..., demeurant ..., M. Jacques F..., demeurant Le Champ de l'Epine Gosne, M. Pierre X..., demeurant ..., M. Michel C..., demeurant Lisenderie à Saint-Aubin-du-Cormier (35140), M. Pierre B..., demeurant Savatais à Dourdain (35450), l'ASSOCIATION DE DEVELOPPEMENT DE GENERATION ECOLOGIEILLE ET VILAINE, dont le siège est ..., représentée par son président en exercice, Mme Pascale D..., le COMITE DE SAUVEGARDE DES MASSIFS FORESTIERS DES MARCHES DE BRETAGNE, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice, Mme G. E... ; le COMITE DE DEFENSE DES HABITANTS MENACES PAR L'A 83 et autres demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule le décret du 4 août 1994 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux de construction de la section de Rennes-Avranches de l'autoroute A 83 entre la rocade Est de Rennes, commune de Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) et la RN 176 (à l'Est de Pontaubault, Manche), classant dans la catégorie des autoroutes cette même section et mettant en compatibilité les plans d'occupation des sols des communes de Cesson-Sévigné, ThorignéFouillard, Liffré, Saint-Aubin-du-Cormier en Ille-et-Vilaine, Saint-James et Poilley dans la Manche et les documents régissant le lotissement de Baugé II à Liffré ;
2°) condamne l'Etat à leur verser la somme de 25 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
3°) décide qu'il sera sursis à l'exécution de ce décret ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 92-2 du 3 janvier 1992 ;
Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977, modifié par le décret n° 93-245 du 25 février 1993 ;
Vu le décret n° 84-617 du 17 juillet 1984 ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu les décrets n° 93-742 et 93-743 du 20 mars 1993 :
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Chemla, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le décret attaqué du 4 août 1994 déclare d'utilité publique et urgents les travaux de construction de la section Rennes-Avranches de l'autoroute A 83 entre la rocade Est de Rennes, commune de Cesson-Sévigné (Ille-et-Vilaine) et la RN 176, à l'Est de Pontaubault (Manche) ;
En ce qui concerne la légalité externe du décret attaqué :
Sur la composition du dossier d'enquête :
Considérant que si les requérants soutiennent que la réalisation de la section d'autoroute litigieuse implique celle de travaux et d'ouvrages soumis à autorisation ou à déclaration en application de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau et si le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 prévoit que les demandes d'autorisation et les déclarations de tels travaux et ouvrages sont accompagnées d'une "étude d'impact spécifique" indiquant, notamment, les incidences de l'opération sur la ressource en eau, le moyen tiré de ce que le dossier de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique contestée ne contenait ni cette étude, ni ces indications, est, en tout état de cause, inopérant, dès lors que ladite déclaration d'utilité publique n'entraînait, par elle-même, aucune modification de l'état des lieux et ne dispensait pas le maître d'ouvrage, avant tout commencement d'exécution des travaux, de respecter les procédures dedéclaration ou d'autorisation éventuellement requises ;
Considérant que la disposition ajoutée par le décret n° 93-245 du 25 février 1993 à l'article 1er du décret n° 77-141 du 12 octobre 1977 imposait de faire figurer dans l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête "la dénomination précise et complète du ou des auteurs de l'étude" ; qu'il ressort de l'examen du document en cause que ces renseignements y figurent dans un encadré spécial ; que le moyen tiré de ce que la disposition précitée n'aurait pas été respectée manque donc en fait ;
Considérant que, contrairement à ce qui est allégué, l'étude d'impact jointe au dossier d'enquête, laquelle comporte notamment un inventaire détaillé de la faune et de la flore, la liste des monuments historiques et des sites classés ou inscrits, ainsi que la description des massifs forestiers et du réseau hydrographique situés dans la zone d'étude du projet, présente une analyse suffisante de l'état initial du site et son environnement ; que les effets de la réalisation du projet sur cet environnement, en particulier dans les forêts de Rennes et de Liffré et en ce qui concerne les sites sensibles de la vallée de l'Illet et du coteau de Forgette, sont également analysés de façon précise ; qu'il ne ressort pas du dossier que les conséquences de la mise en service de l'autoroute sur la qualité de l'air aient été inexactement appréciées ; qu'il résulte de ce qui précède que l'étude d'impact satisfaisait aux exigences de l'article 2 modifié du décret susmentionné du 12 octobre 1977 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature ;

Considérant que l'évaluation sommaire des dépenses figurant au dossier d'enquête n'avait pas à préciser le coût de chaque ouvrage, ni les éléments de calcul retenus pour évaluer le montant des acquisitions foncières ; qu'il ne ressort pas du dossier que ladite estimation ait été entachée d'omission ou d'une sous-estimation manifeste de nature à vicier la procédure ;
Considérant que l'étude d'évaluation économique et sociale prévue par l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 pour les grands projets d'infrastructure de transports et qui a été jointe au dossier d'enquête comporte les informations et les analyses prescrites par ce texte ; qu'elle indique en particulier que l'autoroute ne sera pas concédée et que son utilisation ne sera pas soumise à péage ; qu'elle contient une estimation du coût de réalisation de l'ouvrage et des coûts annuels d'entretien et d'exploitation ; qu'un taux de rentabilité économique de l'investissement à l'horizon 2 000 a été calculé ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'étude d'évaluation ne comporte aucune analyse des conditions de financement du projet doit être écarté ; que si cette étude ne fait pas référence au projet dont le principe avait été adopté par le conseil général, de mise à deux fois deux voies dans un délai de dix ans de l'ex RN 175 entre Rennes et Antrain, cette circonstance ne permet pas à elle seule de la regarder comme insuffisante au regard des exigences de l'article 4 du décret du 17 juillet 1984 ;
Sur la composition de la commission d'enquête :
Considérant qu'aux termes des dispositions seules applicables en l'espèce de l'article 9 du décret du 23 avril 1985 : "Le commissaire-enquêteur ou les membres des commissions d'enquête peuvent être choisis : - parmi les personnes ayant acquis, en raison notamment de leurs fonctions, de leurs activités professionnelles ou de leur participation à la vie associative, une compétence ou des qualifications particulières soit dans le domaine technique de l'opération soumise à l'enquête, soit en matière d'environnement ... - parmi les personnes figurant sur la liste nationale ou les listes départementales tenues, en application de l'article R.115 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ..." ; qu'ainsi, la circonstance, à la supposer établie, qu'aucun des membres de la commission d'enquête n'aurait eu de qualificationparticulière en matière d'environnement ne suffit pas à établir que cette dernière qui comportait des techniciens spécialisés, aurait été composée en méconnaissance des dispositions précitées ;
Sur le déroulement de l'enquête :
Considérant que le moyen tiré de ce que le préfet aurait, en méconnaissance des dispositions légales sur la liberté d'accès aux documents administratifs, implicitement refusé à l'un des requérants la communication d'une étude de l'office national des forêts est, en tout état de cause, sans influence sur la régularité de la procédure d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique litigieuse ; que la circonstance qu'a été refusée à ce requérant la photocopie à ses frais du dossier d'enquête n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, entaché d'irrégularité ladite procédure ;

Considérant qu'il n'est pas établi par les pièces versées au dossier que les membres de la commission d'enquête auraient, dans l'accomplissement de leur mission, manqué d'indépendance ou fait preuve d'une partialité de nature à vicier la procédure ; que les allégations relatives à leur intérêt personnel ne sont étayées par aucun argument permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé ;
Sur le rapport d'enquête et l'avis de la commission :
Considérant qu'en conformité avec les dispositions législatives et réglementaires en vigueur, avaient été désignés en qualité de membres de la commission d'enquête cinq titulaires et deux suppléants ; que le suppléant présent remplaçait régulièrement l'un des membres titulaires ;
Considérant qu'il ressort du dossier que la commission a examiné l'ensemble des observations consignées ou annexées au registre d'enquête ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que fût précisé dans le rapport d'enquête le caractère favorable ou défavorable des observations qu'il recense ;
Considérant que le rapport d'enquête comporte les conclusions motivées de la commission ; que celle-ci a formulé un avis favorable à la déclaration d'utilité publique de l'opération sous réserve d'une rectification de tracé dans l'une des communes de l'arrondissement de Rennes ; que le moyen tiré de ce que la commission ne se serait pas prononcée sur l'ensemble du projet manque en fait ;
Considérant que la circonstance que la commission d'enquête aurait été induite en erreur sur le sens de l'avis formulé sur le projet par le syndicat intercommunal à vocation multiple de Saint-Aubin du Cormier est, en tout état de cause, sans influence sur la solution du litige ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu'une opération ne peut légalement être déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, éventuellement, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte, ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;
Considérant que la section Rennes-Avranches de l'A 83, laquelle relie Caen à Niort, s'inscrit dans le projet de "route des estuaires" destinée à désenclaver la façade maritime Ouest de la France et à offrir des liaisons rapides, évitant la région parisienne, entre le Nord et le Sud de l'Europe ; qu'elle répond aussi à un objectif d'amélioration de la desserte régionale ; que sa réalisation présente ainsi un caractère d'utilité publique ; qu'eu égard tant à l'importance de l'opération qu'aux précautions prises et, en particulier, au fait que, dans la traversée des forêts de Rennes et de Liffré, l'autoroute utilise l'emprise d'une route nationale existante, ni les inconvénients de toute nature du projet, notamment pour l'environnement, ni son coût financier ne peuvent être regardés comme excessifs par rapport à l'intérêt que l'opération présente ; que, dès lors, ces inconvénients ne sont pas de nature à lui retirer son caractère d'utilité publique ;
Sur les conclusions de la requête tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente affaire la partie perdante, soit condamné à verser aux requérants la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête du COMITE DE DEFENSE DES HABITANTS MENACES PAR L'A 83 et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au COMITE DE DEFENSE DES HABITANTS MENACES PAR L'A 83, à M. Michel A..., à M. Dominique Y..., à M. René Z..., à M. Jacques F..., à M. Pierre X..., à M. Michel C..., à M. Pierre B..., à l'ASSOCIATION DE DEVELOPPEMENT DE GENERATION ECOLOGIE-ILLE-ET-VILAINE, au COMITE DE SAUVEGARDE DES MASSIFS FORESTIERS DES MARCHES DE BRETAGNE et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Synthèse
Formation : 2 / 6 ssr
Numéro d'arrêt : 162137
Date de la décision : 10/05/1996
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir

Analyses

27 EAUX - Ouvrages et travaux soumis à autorisation ou déclaration en vertu de l'article 10 de la loi n° du 3 janvier 1992 - Etude d'impact spécifique prévue par le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 - Obligation de faire figurer ce document dans le dossier de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique du projet - Absence.

27, 34-02-01-01-01-01, 44-01-01 Dès lors que la déclaration d'utilité publique d'un projet n'entraîne par elle-même aucune modification de l'état des lieux et ne dispense pas le maître d'ouvrage, avant tout commencement des travaux, d'obtenir les autorisations ou de souscrire les déclarations éventuellement requises par les dispositions de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau, le dossier de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique n'a pas à contenir l'étude d'impact spécifique qui, en vertu du décret du 29 mars 1993, doit accompagner les demandes d'autorisation et les déclarations prévues par ces dispositions.

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITE PUBLIQUE - REGLES GENERALES DE LA PROCEDURE NORMALE - ENQUETES - ENQUETE PREALABLE - DOSSIER D'ENQUETE - ETUDE D'IMPACT - Obligation de faire figurer dans le dossier d'enquête l'étude d'impact spécifique prévue par la réglementation sur l'eau (article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 et décret n° 93-742 du 29 mars 1993) - Absence.

NATURE ET ENVIRONNEMENT - PROTECTION DE LA NATURE - ETUDE D'IMPACT - Ouvrages et travaux soumis à autorisation ou déclaration en vertu de l'article 10 de la loi n° 92-2 du 3 janvier 1992 - Etude d'impact spécifique prévue par le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 - Obligation de faire figurer ce document dans le dossier de l'enquête publique préalable à la déclaration d'utilité publique du projet - Absence.


Références :

Décret du 04 août 1994 déclaration d'utilité publique décision attaquée confirmation
Décret 77-141 du 12 octobre 1977 art. 1, art. 2
Décret 84-617 du 17 juillet 1984 art. 4
Décret 85-453 du 23 avril 1985 art. 9
Décret 93-245 du 25 février 1993
Décret 93-742 du 29 mars 1993
Loi 76-629 du 10 juillet 1976 art. 75
Loi 92-2 du 03 janvier 1992 art. 10


Publications
Proposition de citation : CE, 10 mai. 1996, n° 162137
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mme Chemla
Rapporteur public ?: M. Delarue

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1996:162137.19960510
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