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10/05/1996 | FRANCE | N°162409

France | France, Conseil d'État, 2 / 6 ssr, 10 mai 1996, 162409


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 octobre 1994 et 28 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE LA DROME ; le PREFET DE LA DROME demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble du 23 septembre 1994 en tant qu'il a annulé la décision complémentaire, contenue dans ses arrêtés des 13 et 21 septembre 1994, fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à

la frontière de M. Nacerredine X..., de Mme Leïla X... et de leur fils...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 octobre 1994 et 28 novembre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE LA DROME ; le PREFET DE LA DROME demande au président de la section du Contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble du 23 septembre 1994 en tant qu'il a annulé la décision complémentaire, contenue dans ses arrêtés des 13 et 21 septembre 1994, fixant l'Algérie comme pays de destination de la reconduite à la frontière de M. Nacerredine X..., de Mme Leïla X... et de leur fils Abdelhamid X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Nacerredine X..., Mme Leïla X... et leur fils Abdelhamid X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Chemla, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat des époux X...,
- les conclusions de M. Delarue, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par le jugement susvisé du 23 septembre 1994 le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble après avoir joint les requêtes de M. Narcerredine X..., de Mme Leïla X... et de leur fils Abdelhamid X..., a, d'une part, rejeté leurs conclusions dirigées contre les arrêtés du PREFET DE LA DROME décidant leur reconduite à la frontière, d'autre part, annulé les décisions de la même autorité fixant l'Algérie comme pays de renvoi des intéressés ; que le PREFET DE LA DROME fait appel de ce jugement en tant qu'il a annulé ces dernières décisions ; que, par la voie de l'appel incident, les consorts X... demandent l'annulation des arrêtés ayant prononcé leur reconduite à la frontière ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en joignant, pour statuer par une seule décision, les requêtes susmentionnées, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Grenoble n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;
Sur la recevabilité de l'appel incident :
Considérant qu'en contestant la légalité des arrêtés ayant ordonné leur reconduite à la frontière les consorts X... ne soulèvent pas un litige distinct de celui relatif à la légalité des décisions complémentaires fixant le pays de destination sur lequel porte l'appel principal ; qu'ainsi leurs conclusions sont recevables ;
Sur la légalité des arrêtés de reconduite à la frontière litigieux :
En ce qui concerne les arrêtés du 13 septembre 1994 concernant M. Nacerredine X... et Mme Leïla X... :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X..., à qui la qualité de réfugié a été refusée par des décisions du 6 octobre 1992 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées le 5 novembre 1993 par la commission des recours des réfugiés, se sont maintenus sur le territoire pendant plus d'un mois après la notification des décisions du 24 décembre 1993 du PREFET DE LA DROME leur refusant la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ils se trouvaient ainsi dans le cas, prévu à l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'au soutien de leurs conclusions contre les arrêtés ayant prononcé leur reconduite à la frontière, les époux X... se bornent à exciper de l'illégalité des décisionssusmentionnées du 24 décembre 1993 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'il ressort cependant du dossier qu'ils ont reçu notification de ces dernières décisions au plus tard le 4 janvier 1994 et n'ont formé contre elles aucun recours ; qu'ainsi, à la date d'introduction de leurs demandes contre les arrêtés litigieux du 13 septembre 1994, lesdites décisions étant devenues définitives, les époux X... n'étaient plus recevables à en contester la légalité, même par voie d'exception ;
En ce qui concerne l'arrêté du 21 septembre 1994 décidant la reconduite à la frontière de M. Abdelhamid X... :

Considérant qu'aux termes de l'article 22-I de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, le préfet peut "décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière ... 2°(s'il) s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ..." ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. Abdelhamid X... s'est maintenu dans de telles conditions sur le territoire et entrait ainsi dans le champ d'application de cette disposition ;
Considérant que si M. Abdelhamid X... fait valoir que ses parents et la plupart de ses frères et soeurs vivent en France, il ressort du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment du fait que ses parents font également l'objet de mesures d'éloignement, l'arrêté du PREFET DE LA DROME n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'ainsi il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité des décisions fixant l'Algérie comme pays de destination :
Considérant que les consorts X... doivent être regardés comme établissant, par les justifications qu'ils produisent, que la vie de M. Nacerredine X..., qui a été élu aux élections communales de juin 1990 sur une liste du Front Islamique du Salut et s'est ensuite démis de ses fonctions en raison de désaccords avec cette organisation, pourrait être, ainsi que celle des membres de sa famille, menacée en cas de retour en Algérie ; que dans ces conditions le PREFET DE LA DROME ne pouvait légalement décider le renvoi des intéressés en Algérie ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que ni le PREFET DE LA DROME, ni les consorts X... ne sont fondés à demander la réformation du jugement attaqué ;
Article 1er : La requête du PREFET DE LA DROME et l'appel incident des consorts X... sont rejetés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE LA DROME, aux consorts X... et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03,RJ1 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE -Décision distincte fixant le pays de renvoi (article 27 ter de l'ordonnance du 2 novembre 1945) - Illégalité - Etrangers dont la vie serait menacée en cas de retour dans leur pays (1).

335-03 Les consorts S. établissent, par les justifications qu'ils produisent, que la vie de M. S., qui a été élu aux élections communales de juin 1990 sur une liste du Front islamique du salut et s'est ensuite démis de ses fonctions en raison de désaccord avec cette organisation, pourrait, ainsi que celle des membres de sa famille, être menacée en cas de retour en Algérie. Illégalité de la décision préfectorale, intervenue à la suite d'un arrêté de reconduite à la frontière, fixant l'Algérie comme pays de destination des intéressés.


Références :

Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22

1. Comp., pour la légalité du refus du statut de réfugié dès lors que les persécutions n'émanent pas du gouvernement du pays ou ne sont pas volontairement tolérées par lui, 31 janvier 1996, Abib, n° 163009, à paraître au recueil Lebon.


Publications
Proposition de citation: CE, 10 mai. 1996, n° 162409
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mme Chemla
Rapporteur public ?: M. Delarue

Origine de la décision
Formation : 2 / 6 ssr
Date de la décision : 10/05/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 162409
Numéro NOR : CETATEXT000007935298 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-05-10;162409 ?
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