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10/06/1996 | FRANCE | N°154239

France | France, Conseil d'État, 7 / 10 ssr, 10 juin 1996, 154239


Vu l'ordonnance en date du 7 décembre 1993, enregistrée le 10 décembre 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administrative d'appel, la requête présentée à cette Cour par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE ;
Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 5 novembre 1993, présentée par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE dont le si

ège est ... ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE demande qu...

Vu l'ordonnance en date du 7 décembre 1993, enregistrée le 10 décembre 1993 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administrative d'appel, la requête présentée à cette Cour par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE ;
Vu la requête sommaire, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 5 novembre 1993, présentée par la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE dont le siège est ... ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 9 septembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de "l'Association pour la sauvegarde du village à Spicheren" et autres, annulé, d'une part, la délibération du 29 novembre 1991 du conseil municipal de Spicheren approuvant la modification du plan d'occupation des sols de cette commune, d'autre part, l'arrêté du 16 octobre 1992 par lequel le maire de Spicheren a accordé à la requérante le permis de construire un hôtel-restaurant ;
2°) rejette la demande présentée au tribunal administratif de Strasbourg par l'"Association pour la sauvegarde du village à Spicheren" et autres ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le décret n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Méda, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Roger, avocat de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE et de Me Odent, avocat de l'Association pour la sauvegarde du village à Spicheren et autres,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que l'Association pour la sauvegarde du village à Spicheren soutenait notamment que la modification du classement d'une parcelle au lieudit "An Bock" sur le territoire de la commune de Spicheren n'avait été adopté par le conseil municipal de cette commune qu'afin de permettre l'édification d'un complexe hôtelier ; qu'en attribuant ainsi à la délibération attaquée un mobile visant uniquement à la satisfaction d'un intérêt privé et en invoquant par ailleurs les menaces ou pressions dont le conseil municipal aurait fait l'objet, l'association demanderesse entendait soutenir que la délibération attaquée était, sur ce point, entachée de détournement de pouvoir ; qu'ainsi, la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE n'est pas fondée à soutenir qu'en se fondant sur ce motif pour annuler la délibération attaquée, le tribunal administratif de Strasbourg aurait, par son jugement du 9 septembre 1993, retenu un moyen qui ne lui était pas soumis ;
Sur la légalité de la délibération du 29 novembre 1991 du conseil municipal de Spicheren :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Spicheren, après avoir, les 12 octobre 1990 et du 31 mai 1991, pris une position favorable à la demande de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE tendant à la modification du classement par le plan d'occupation des sols d'une parcelle lui appartenant et sur laquelle elle envisageait la construction d'un hôtel, a, par délibération du 11 octobre 1991, décidé de refuser d'apporter cette modification au plan d'occupation des sols ; que, toutefois, à la suite d'une lettre émanant du conseil de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE en date du 18 octobre 1991 lui demandant de reconsidérer cette décision, le conseil municipal, par la délibération attaquée en date du 29 novembre 1991, a décidé de classer cette parcelle en zone INAe ; que la lettre précitée, par laquelle la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE sebornait à rappeler les avis favorables précédemment donnés par le conseil municipal ainsi que par le commissaire enquêteur et à indiquer qu'elle envisageait de "faire valoir ses droits" pour obtenir une indemnité, ne constituait pas une pression exercée sur le conseil municipal de nature à vicier la délibération attaquée modifiant le classement de la parcelle en cause dans le sens souhaité par la requérante ; que la délibération, qui modifiait le plan d'occupation des sols de la commune de Spicheren pour y permettre la construction d'un hôtel, correspondait à l'intérêt touristique et économique de la commune et était donc, pour celle-ci, d'intérêt général ; que, par suite, la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a jugé qu'en modifiant le classement de la parcelle en cause pour permettre la construction d'un hôtel, le conseil municipal de Spicheren aurait entaché la délibération attaquée de détournement de pouvoir et a pour ce motif annulé cette délibération en tant qu'elle concerne le classement de cette parcelle ;

Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentée au tribunal administratif de Strasbourg ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce qu'une enquête publique portant sur la modification d'un plan d'occupation des sols se déroule entre le 15 juillet et le 14 août ; qu'il ressort du dossier et notamment du rapport du commissaire-enquêteur que les habitants de la commune de Spicheren ont pu présenter de nombreuses observations et formuler des propositions concernant les modifications envisagées ;
Considérant que le conseil municipal pouvait légalement décider, par la délibération attaquée, de modifier le classement de la parcelle en cause sans procéder à une nouvelle enquête publique, dès lors qu'aucun élément de droit ou de fait intervenu entre temps n'était susceptible de modifier la portée de la première enquête ;
Considérant que la convocation à la réunion du conseil municipal du 29 novembre 1991 mentionne que les délibérations porteront notamment sur la suite des modifications à apporter au plan d'occupation des sols et sur la lettre adressée à la commune par le conseil de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que cette convocation aurait été irrégulière ne peut pas être retenu ;
Considérant que si les demandeurs soutiennent qu'un conseiller municipal aurait été intéressé à l'une des modifications adoptées par la délibération attaquée, concernant le classement en zone INA de parcelles situées au lieudit "Neuallmend", cette circonstance est sans influence sur la régularité de cette délibération en tant que celle-ci concerne la parcelle en cause classée en zone INAe au lieudit "An Bock" ;
Considérant que le conseil municipal de Spicheren a pu, sans méconnaître les prescriptions de l'article L. 123-4 du code de l'urbanisme, procéder à la modification du plan d'occupation des sols de la commune, sans avoir à suivre la procédure prévue pour sa révision, dès lors que les dispositions adoptées ne portent pas atteinte à l'économie générale de ce plan, ne concernent pas les espaces boisés classés et ne comportent pas de graves risques de nuisances ;
Considérant que la décision contestée présentant un caractère réglementaire, le conseil municipal pouvait légalement, par la délibération attaquée du 29 novembre 1991, prendre une décision différente de celle qu'il avait adoptée par sa délibération précédente du 11 octobre 1991, dès lors que cette nouvelle décision était dépourvue de caractère rétroactif ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si le terrain litigieux est proche d'un site auquel s'attachent des souvenirs historiques, il ne constitue pas un site classé ; qu'il est situé en bordure d'une zone UB ; qu'une aire de stationnement et un lotissement se trouvent à proximité immédiate et qu'il est desservi par la voirie et les réseaux divers ; qu'ainsi le classement de ce terrain en zone INAe n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 9 septembre 1993, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la délibération du 29 novembre 1991 du conseil municipal de Spicheren en tant que cette délibération approuve le classement en zone INAe de la parcelle sise au lieudit "An Bock" ;
Sur les conclusions de la requête relatives au permis de construire délivré le 16 octobre 1992 à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE par le maire de Spicheren :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 17 mars 1992 relatif aux compétences des cours administratives d'appel, pris pour l'application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif : "A compter du 1er septembre 1992, les cours administratives d'appel seront compétentes pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décisions non réglementaires prises en application du code de l'urbanisme ..." ;
Considérant que l'arrêté du maire de Spicheren, en date du 16 octobre 1992, accordant un permis de construire à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE, qui ne présente pas un caractère réglementaire, a été pris sur le fondement des dispositions des articles L. 421-1 et R. 421-1 et suivants du code de l'urbanisme ; qu'ainsi les conclusions de la requête de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE en tant qu'elles concernent l'arrêté du 16 octobre 1992, qui ont été enregistrées le 5 novembre 1993, relèvent de la compétence d'une cour administrative d'appel ; que dès lors le jugement de ces conclusions doit être attribué, en application des dispositions de l'article R. 7 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, à la cour administrative d'appel de Nancy ;
Sur les conclusions de l'Association pour la sauvegarde du village à Spicheren et autres tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à l'Association pour la sauvegarde du village à Spicheren et autres la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 9 septembre 1993 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a annulé la délibération du 29 novembre 1991 du conseil municipal de Spicheren approuvant la modification du plan d'occupation des sols de cette commune.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée au tribunal administratif de Strasbourg par l'Association pour la sauvegarde du village à Spicheren et autres et tendant à l'annulation de la délibération du 29 novembre 1991 du conseil municipal de Spicheren sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de l'Association pour la sauvegarde du village à Spicheren et autres, tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, sont rejetées.
Article 4 : Le jugement des conclusions de la requête de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE dirigées contre le jugement du 9 septembre 1993 du tribunal administratif de Strasbourg, en tant qu'il a annulé l'arrêté du 16 octobre 1992 par lequel le maire de Spicheren lui a accordé un permis de construire, est attribué à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE BELLEVUE, à la commune de Spicheren, à l'Association pour la sauvegarde du village à Spicheren et à Mmes X... et Y..., à MM. F. Z..., Kretzschmar, Muller, à Mme B. A..., à M. H. A..., à Mme C. B..., à M. T. B..., à Mme U. C..., à M. M. C..., à la cour administrative d'appel de Nancy et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-01-01 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PLANS D'AMENAGEMENT ET D'URBANISME - PLANS D'OCCUPATION DES SOLS.


Références :

Code de l'urbanisme L123-4, L421-1, R421-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R7
Décret 92-245 du 17 mars 1992 art. 1
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 1
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation: CE, 10 jui. 1996, n° 154239
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Méda
Rapporteur public ?: M. Chantepy

Origine de la décision
Formation : 7 / 10 ssr
Date de la décision : 10/06/1996
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 154239
Numéro NOR : CETATEXT000007911426 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1996-06-10;154239 ?
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