Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 27 juillet et 27 novembre 1992, présentés pour la SOCIETE CANNES BALNEAIRE, dont le siège social est Palm Beach, place Franklin Roosevelt à Cannes (06400), représentée par son président en exercice ; la SOCIETE CANNES BALNEAIRE demande au Conseil d'Etat :
- 1°) d'annuler le jugement en date du 26 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 19 octobre 1987 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M. X..., délégué du personnel et membre suppléant du comité d'entreprise ainsi que la décision du 15 avril 1988 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a rejeté le recours hiérarchique dirigé contre cette décision ;
- 2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail, et notamment ses articles L 425-1 et L 436-1 ;
Vu le décret n° 59-1489 du 22 décembre 1959 et l'arrêté interministériel du 23 décembre 1959 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-984 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pêcheur, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIETE CANNES BALNEAIRE et de Me Foussard, avocat de M. François X...,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du décret susvisé du 22 décembre 1959 portant réglementation des jeux dans les casinos : "Le directeur responsable du casino engage, rémunère et licencie directement, en dehors de toute ingérence étrangère, toutes les personnes employées à un titre quelconque dans les salles de jeux ; préalablement à leur entrée en fonctions, ces personnes doivent être agréées par le ministre de l'intérieur ... Le directeur responsable du casino est tenu de congédier sans délai toute personne employée à un titre quelconque dans les salles de jeux à qui le ministre de l'intérieur aurait retiré l'agrément ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministre de l'intérieur a, en application des dispositions précitées de l'article 8 du décret du 22 décembre 1959, retiré l'agrément de M. X... comme employé de jeux au casino Palm Beach à Cannes ; qu'à la suite de cette décision ministérielle, et sans avoir sollicité l'autorisation administrative préalable de l'inspecteur du travail prévue par les dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, la SOCIETE CANNES BALNEAIRE a, par ce motif, licencié M. X... qui avait la qualité de délégué du personnel et de membre suppléant du comité d'entreprise ; que le licenciement de M. X... a été déclaré nul, à sa demande, par ordonnance de référé du conseil des prud'hommes de Grasse en date du 16 septembre 1987 ; que la SOCIETE CANNES BALNEAIRE a alors sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. X..., laquelle autorisation lui a été accordée par décision du 19 octobre 1987 ; que, sur recours hiérarchique, le ministre des affaires sociales et de l'emploi a confirmé cette décision le 15 avril 1988 ; que le tribunal administratif de Nice a annulé les décisions des 19 octobre 1987 et 15 avril 1988 par jugement en date du 26 mai 1992 ;
Considérant que, le licenciement de M. X... ayant été déclaré nul par décision de justice, passée en force de chose jugée, celui-ci, dont il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'il aurait renoncé à son droit à réintégration, ne pouvait être regardé comme déjà licencié à la date de la demande d'autorisation de licenciement, même en l'absence d'une réintégration préalable et effective ; qu'il devait être ainsi regardé à cette date comme lié à son employeur par son contrat de travail ; que, dès lors, il appartenait à l'inspecteur du travail de se prononcer sur la demande d'autorisation de le licencier présentée par la société ;
Considérant qu'il suit de là que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que M. X... était déjà licencié à la date de la demande d'autorisation pour annuler les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre des affaires sociales et del'emploi accordant cette autorisation ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif de Nice ;
Considérant que lorsque la demande d'autorisation de licenciement d'un salarié investi d'une fonction de représentation du personnel est fondée sur l'absence d'un titre légalement exigé pour l'exercice de l'emploi, il appartient seulement à l'inspecteur du travail de vérifier la réalité de ce motif ;
Considérant qu'il est constant que l'agrément dont, en application des dispositions précitées du décret du 22 décembre 1959, M. X... avait été titulaire lui avait été retiré par le ministre de l'intérieur ; que la circonstance que la condamnation pénale dont le prononcé a motivé ce retrait n'a pas été inscrite sur l'extrait B 2 de son casier judiciaire est sans influence sur l'existence de ce retrait, dont M. X... ne soutient pas avoir demandé l'annulation ; que M. X... n'est ainsi pas fondé à soutenir que le motif invoqué pour le licencier n'était pas réel ;
Considérant que dans ces circonstances, l'inspecteur du travail était tenu d'accorder l'autorisation qui lui était demandée, et que le ministre ne pouvait que rejeter le recours hiérarchique dont l'avait saisi M. X... ; que par suite les moyens tirés par M. X... de ce que le comité d'entreprise aurait rendu son avis au terme d'une procédure irrégulière, de ce que la décision de l'inspecteur du travail n'a pas fait état de tous les titres en vertu desquels il bénéficiait d'une protection, enfin de ce que son licenciement serait en relation avec l'exercice de ses mandats de représentant du personnel, ne peuvent qu'être écartés comme inopérants ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CANNES BALNEAIRE est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 19 octobre 1987 et la décision du ministre des affaires sociales et de l'emploi en date du 15 avril 1988 ;
Article 1er : Le jugement en date du 26 mai 1992 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CANNES BALNEAIRE, à M. François X... et au ministre du travail et des affaires sociales.